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Les marches exploratoires de femmes contre « la ségrégation qui existe dans certains quartiers »

Article mis à jour le 5 septembre 2022 à 16:15

La place des femmes dans les quartiers prioritaires est devenue le nouveau cheval de bataille pour l’élu chargé du renouvellement urbain de la ville de Perpignan. Olivier Amiel a choisi l’appropriation de l’espace public par les femmes comme un « sujet prioritaire du second semestre 2017 ». D’autres préféreront parler d’un phénomène qui certes n’atteint pas les proportions vues dans d’autres territoires mais qui mérite l’action des pouvoirs public. Olivier Amiel veut « que chaque quartier soit réellement accessible à tous et à toutes ». L’élu Les Républicains, à la politique de la ville de Perpignan précise « Cela couvre une réalité dont les hommes n’ont parfois pas conscience. Il y a, à Perpignan, une vraie ségrégation dans certains quartiers. Une ségrégation qui se fait sans réelle volonté, petit à petit. Les femmes quittent certains quartiers et ensuite leur présence dans ces espaces est vécu comme une intrusion ».

« Oui, je fais tout pour éviter de traverser ce quartier »
Les témoignages sont légion, de femmes qui mettent en place des stratégies pour éviter certains quartiers, rues ou places dans lesquelles le cheminement ne leur semble pas sûr. Certaines choisissent de prendre la voiture pour aller faire leurs courses en périphérie plutôt que de fréquenter les commerces de proximité. D’autres encore évitent complètement de traverser certaines zones pourtant en cœur de ville.

Attablés aux terrasses des cafés de la place Cassanyes (l’après-midi), seulement des hommes, s’agit-il d’une fatalité liée à la culture méditerranéenne, ou bien les femmes du 21ème siècle doivent-elles agir pour prendre place dans l’espace public, aux côtés des hommes ? Une interpellation sur l’aspect physique ou la tenue vestimentaire peut-elle conduire à un sentiment d’insécurité ? Le sexe dit « faible » doit-il s’affranchir de ces codes ancestraux pour qu’un jour la parité à tous les niveaux soit de rigueur ?

« Ce sont plus les femmes qui ne connaissent pas le quartier qui peuvent ressentir un malaise »
Mounia, 69 ans qui a grandi dans le quartier Cassanyes, cliente régulière du Casa Café d’Aziz Beghaoui, refuse totalement que des lieux soient « réservés » aux hommes. « Ce matin nous sommes au moins 7 femmes à la terrasse du café et il n’y a aucun problème. Des habituées ou des touristes » précise-t-elle. Les femmes du quartier ne ressentent pas de problème d’occupation de l’espace public, ce sont plus celles de l’extérieur qui ont des aprioris sur l’insécurité, disait en substance Mounia.

Aziz, le responsable abonde dans le sens de sa cliente. « Le sentiment d’insécurité des femmes est surtout lié à l’habitat indigne, à des rues mal éclairées et à un quartier mal aménagé, plutôt qu’à une certaine culture qui voudrait que les hommes et les femmes ne partagent pas le même espace ».  

Malgré ce constat des femmes choisissent de s’en affranchir
Michèle a repris un café place Rigaud, depuis le 17 juin en le rebaptisant Café Pams, rappelant ainsi l’Hôtel Pams, non loin de là. « J’adore ce lieu depuis longtemps, j’ai connu cet établissement alors qu’il était un peu un lieu de vie et quand j’ai vu que le quartier était en plein mutation (NDLR arrivée de l’université en centre ville), je me suis dit que c’était un beau défi aussi en tant que femme. Faire cela toute seule à 55 ans, dans un quartier compliqué, cela intrigue et crée forcément des tensions avec des individus qui m’ont fait remarquer que je n’étais pas à ma place. On m’a aussi interrogée sur la présence d’un homme à mes côtés, car pour eux, ce genre de challenge ne peut être mené par une femme seule. Et puis cela s’est calmé…  J’ai voulu créer un café bohème, littéraire, un lieu de vie. J’ai envie de renouer avec les bistrots d’antan  où l’on venait créer du lien social, un peu comme une place de village ».

Réappropriation et investissement de l’espace public : Les marches exploratoires
Un moyen pour les femmes de donner leur vision de leur espace de vie et faire des propositions pour leur quartier. Certains parleront d’un phénomène parisien, mis en lumière grâce notamment à l’action, en 2016, d’un collectif qui a filmé en caméra cachée un café de banlieue parisienne qui n’acceptait pas les femmes.

L’Atelier de l’Urbanisme coordonnera, dès la rentrée, des groupes de femmes sillonneront les quartiers prioritaires de Perpignan, la diagonale du Vernet, le Champs de Mars et Saint Jacques. Autant d’actions qui devraient aboutir en début d’année 2018, à une liste de préconisations proposées par celles qui sont directement concernées par la problématique de leur ville.

Parmi les marches déjà effectuées, on a pu relever l’exemple de Rouen. Des groupes d’une dizaine de femmes de tout âge ont permis de révéler les facteurs humains ou structurels qui sont à l’origine d’un sentiment d’insécurité et ont proposé des moyens pour y remédier.

Dominique Poggi, sociologue qui accompagne le groupe précise : « Les marches exploratoires ont pour but la réappropriation de l’espace public par les femmes. Mais pas seulement, aussi pour qu’elles portent un regard sur l’aménagement urbain ».

Concrètement, un travail en groupe se fait d’abord sur le plan du quartier, chacune définit son trajet quotidien et indique les endroits où elle se sent bien et ceux qu’elle évite. La mise en commun des cartes ainsi établies permet l’élaboration d’un itinéraire de marche pertinent pour l’ensemble du groupe.

Des questions très précises se posent, la fréquentation, la mixité, l’aménagement, la possibilité de demander de l’aide, le manque d’éclairage, l’état de la chaussée…

Après ce temps d’exploration viennent le moment de l’analyse, la mise en commun et le débat autour des éléments recueillis pour l’établissement d’un rapport. On y trouvera par exemple, des propositions pour une amélioration de la signalisation ou de l’éclairage, la sécurisation des espaces, la convivialité par une modification du mobilier urbain… Le rapport sera ensuite remis aux responsables du projet et défendu devant les institutions concernées par les femmes elles-mêmes. « Une action qui contribue à l’égalité entre les hommes et les femmes, qui valorise ces dernières dans la vie citoyenne. Elle deviennent ainsi actrices à part entière de leur quotidien et favorise le vivre ensemble », précisait la Ville de Rouen lors de la présentation du dispositif en avril 2016.

L’une des marcheuses rouennaise confiait :  « nous ne sommes pas seulement bonnes à faire la cuisine ou à s’occuper de son mari et de ses enfants à la maison, il faut qu’on montre que les femmes sont aussi capables de faire quelque chose ».

À Perpignan, les préconisations issues des marches exploratoires seront soumises aux élus dans le courant de l’année 2018.

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Maïté Torres