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Vidéo surveillance – Entre mythe du « vidéo flag » et syndrome du « big brother » …

Article mis à jour le 30 novembre 2020 à 13:46

… la tendance est à plus de caméras. Le sociologue spécialisé dans la délinquance et les politiques de sécurité publique Laurent Mucchielli était invité par l’association Perpignan Equilibre présidée par Clotilde Ripoull. Il a tenu une conférence à Perpignan autour de son ouvrage : « Vous êtes filmés » aux éditions Armand Colin.

« Manque de transparence, d’efficacité » – Laurent Mucchielli prône le retour de l’humain

Hasard du calendrier, la veille de la conférence du sociologue et enseignant chercheur à l’université d’Aix-Marseille, un communiqué de presse annonçait que l’interpellation de 3 individus était rendue possible grâce au dispositif municipal de vidéo protection. L’information faisait état d’une tentative repérée et signalée par « l’opérateur vidéo protecteur ». Quatre individus avaient tenté de pénétrer dans la boutique de téléphonie située place de Catalogne. L’alerte lancée à la police nationale par le policier municipal a permis l’intervention de la Brigade Anti Criminalité et l’interpellation de 3 des 4 individus, seulement 20 minutes après les faits, précisait le communiqué.

Le chercheur qui commente ce fait, ne conteste pas le rôle de la vidéo surveillance. Mais, selon lui, il n’est décisif que dans 1 à 3% des cas. Laurent Mucchielli remet en cause avant tout « le rapport entre les coûts et les avantages du dispositif », et « son manque de transparence ».

♦ 202 caméras, et 21 opérateurs de vidéoprotection à Perpignan

À Perpignan, Jean Marc Pujol assume l’évolution du nombre de caméras depuis le début de son mandat en 2014. Lors de son bilan de mi-mandat, il rappelait les chiffres : « au 31 juillet 2016, 2 035 faits avaient été signalés par la vidéo depuis le début de l’année, 31 interpellations favorisées par la vidéo ».

Le directeur de cabinet de Jean Marc Pujol nous déclarait suite à la conférence : « Tout le monde nous demande des caméras, Il ne se passe pas une semaine sans que nous ayons des demandes dans tel ou tel quartier et la police nationale se sert des images régulièrement. Alors que toutes les mairies en installent, on vient évoquer ce type de sujet… »

♦ La vidéo protection au coeur des politiques publiques depuis 2007

« 83% des personnes approuvent la mise en place de caméras de vidéoprotection » selon un rapport du Groupe de diagnostic stratégique réalisé pour les 25e Session nationale « Sécurité et Justice » – 2013/2014 réalisé pour l’INHESJ*. Avant même la série d’attentats qui a endeuillé la France, l’acceptation du dispositif allait bien plus loin avec « 72 % des français qui accepteraient un système de reconnaissance faciale via une caméra ». Le rapport affirme que les personnes favorables voient en la mise en caméra de l’espace public « un moyen efficace de lutter contre la délinquance et le terrorisme ».

Toutefois, les résultats d’une étude réalisée en 2009 par Anastasia Loukaitou-Sideris pour analyser le sentiment d’insécurité dans les transports en communs fait apparaître que « la présence d’agents rassure davantage les usagers que celle de caméras de vidéosurveillance ».

Le rapport de l’INHESJ est le seul rapport public qui fait un diagnostic quant à la généralisation de la vidéoprotection.

« Considérée comme peu efficace au regard des objectifs de prévention de la police administrative par ses détracteurs, la vidéoprotection peut néanmoins contribuer à l’élucidation des infractions pénales et s’avère un instrument utile au titre de la gestion des flux urbains (contrôle des foules dans les rassemblements sportifs, manifestations, infrastructures de transport etc.). Ses défenseurs lui attribuent des vertus à la fois préventives et répressives. Pourtant, la mesure de son impact supposé sur la criminalité réunit des critères d’évaluation qui font défaut, tout au moins en france ».

♦ Plus efficace en matière d’élucidation que de prévention

 L’Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice rapporte « un bilan contrasté dans le cadre de la lutte contre la délinquance » quand le dispositif est jugé « efficace dans le cadre du maintien de l’ordre public ».

Quand il s’agit d’ordre public, les auteurs du rapport évoquent « un instrument d’aide à la prise de décision », afin « de confirmer ou d’infirmer les comptes rendus passés à la radio par les effectifs présents sur le terrain ».

Pour ce qui est de la lutte contre la délinquance, c’est en particulier grâce à l’amélioration technique que le dispositif a gagné en efficacité.

En effet, la résolution plus fine des images a permis « d’identifier des suspects » mais surtout de repérer des plaques minéralogiques de véhicules incriminés dans des infractions.

Le nerf de la guerre, selon le rapport, reste la bonne supervision des images par les personnels qui en ont la charge. Un constat que rejoint le sociologue, Laurent Mucchielli revient sur son expérience de terrain. « J’ai fait de l’ethnographie des salles de vidéo surveillance. J’arrivais avec le café et je repartais avec le dîner. Dans 99% des minutes qui s’égrènent, les agents ne voient pas d’acte de délinquance. Tout simplement car en france, il n’y a pas un acte de délinquance toutes les 15 minutes ». Selon le chercheur « on occupe [les agents] à ce qui est plus rentable c’est à dire la vidéo verbalisation ».

Le rapport fait état d’une difficulté à mettre en évidence l’efficacité de la vidéoprotection en matière de prévention, mais confirme son utilité quand il s’agit « d’élucidation de crimes et délits ».

*INHESJ : L’Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice est un établissement public qui intervient dans les domaines de la formation, des études, de la recherche, de la veille et de l’analyse stratégique en matière de sécurité intérieure, sanitaire, environnementale et économique ainsi que dans ceux intéressant la justice et les questions juridiques. Il est placé sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur.

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Maïté Torres