Article mis à jour le 5 avril 2017 à 14:38
La politique et le journalisme, voilà un tandem passionnant, entre collusion, pressions, manipulations, deux univers qui se côtoient de loin, de près, qui se comprennent parfois, qui s’aiment ou se déchirent. Reporters sans Frontières et le collectif « Informer n’est pas un délit » organisent une journée de mobilisation ce 5 Avril pour défendre la liberté de l’information en France. Made in Perpignan a fait le choix de donner la parole aux journalistes locaux, certains sur liste noire de certaines institutions, ou éloignés de la ligne politique de leur journal, d’autres ont été pris à parti en réunion publique par des élus, mais aussi ceux qui ne ressentent pas cette pression mais restent méfiants.
« A quelques jours du scrutin présidentiel, alors que les violences contre les journalistes et les atteintes à l’indépendance des médias se multiplient dans notre pays, nous demandons au futur président de la République de prendre des engagements fermes pour défendre la liberté de l’information en France », déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières.
♦« Pas de pression mais plus, des tentations de manipuler la réalité de part des politiques »
Olivier Roirand, Rédacteur Adjoint de TV SUD, nous confiait : « Paradoxalement, ce n’est pas au moment des élections où l’on subit le plus de pression ; Les politiques ont besoin de la presse locale pour communiquer, pour qu’on parle de leur campagne, de leur action.
Personnellement je n’ai pas vraiment subi de pressions, mais peut-être parfois les politiques tentent de manipuler les journalistes, en arrangeant la réalité, particulièrement quand ils donnent, lors d’interviews, en direct un alignement de chiffres, avec donc aucun moyen de les vérifier. Après son interview Georges Frêche m’avait avoué que lui même ne connaissait pas les chiffres exacts… il aurait aussi bien pu se tromper de quelques millions… »
♦ « A Béziers ou Beaucaire ça va bien au-delà de la pression »
Olivier Roirand, en sa qualité de Président du Club de la Presse jusqu’en juin 2016, a eu à défendre certains confrères de Beaucaire ou de Béziers. La ville aux mains, depuis 2014, de Robert Ménard, élu avec le soutien du parti de Marine Le Pen, « est en guerre ouverte contre la presse locale ». Celui qui fut le co-fondateur de Reporters Sans Frontières et secrétaire général de 1995 à 2008 « répond au Midi Libre en utilisant un organe public, le journal municipal, pour mettre en cause personnellement des journalistes ».
♦ Journalistes, mis à l’écart, blacklistés ou relégués
Nous avons recueilli la parole d’Antoine Gasquez (Fondateur et Rédacteur en chef de La Semaine du Roussillon) écarté du conseil général depuis qu’il a dénoncé dès 1998, « les pratiques pas très claires de Christian Bourquin » (alors à la tête du conseil départemental des Pyrénées-Orientales). Il déplore encore aujourd’hui, sous la présidence d’Hermeline Malherbe, « une mise à l’écart de cette institution. Nous sommes privés de communiqués, de dossiers de presse et d’invitations aux assemblées départementales. Quand nous appelons pour avoir des informations, personne ne répond jamais à nos questions ! ».
Sur la mise à l’écart, Olivier Roirand rappelait que ce n’était pas dévolue qu’à la politique : « Je me souviens d’un journaliste expulsé par Louis Nicollin de la tribune presse car il était mécontent du traitement de ce dernier sur le club de foot montpelliérain ».
Un journaliste du journal local récemment racheté par le groupe « La Dépêche Du Midi » (entre les mains de la famille d’un ministre de la République), nous déclarait : « au moment du rachat, nous craignions une certaine pression de la part de l’actionnaire principal, or, il s’avère que non, espérons que cela continue… « . Pourtant, selon nos informations, il semblerait que la journaliste politique historique du journal exerce sa plume pour une autre rubrique, dite d’investigation, car « elle ne serait pas assez souple » pour son domaine de prédilection.
♦ Esprits qui s’échauffent et perte de nerfs en réunion publique
Une journaliste a également été témoin du manque de self-control d’élus nationaux lors d’une réunion publique qui se déroulait au soir même du psychodrame de l’annonce de sa mise en examen probable par François Fillon. Un élu a ostensiblement désigné la journaliste et déclaré, « il faut se méfier d’elle, elle est dangereuse », avant de se lancer dans une diatribe anti-médias. Paradoxalement, les militants de la salle surchauffée s’interrogeaient sur la présence ou non de la presse pour que figure en bonne place dans les « nouvelles fraîches du matin » leur soutien massif au candidat en difficulté. Allant même jusqu’à suggérer le titre qui devait être utilisé !
♦ 5 recommandations pour protéger la liberté et l’indépendance de l’information
« La liberté de l’information est la grande absente du débat politique, alors même que c’est un pilier essentiel de notre démocratie qui est en danger aujourd’hui », déplore Fabrice Arfi du collectif « Informer n’est pas un délit ». Face à ce constat, RSF et le collectif ont décidé de porter auprès des candidats cinq recommandations concrètes pour protéger la liberté et l’indépendance de l’information :
- Lutter contre la concentration des médias et assurer la transparence de la propriété des médias
- Faire adopter une nouvelle loi sur la protection du secret des sources
- Lutter contre les procédures abusives contre les journalistes
- Créer un délit de trafic d’influence appliqué au champ de l’information
- Faciliter et élargir l’accès aux documents publics pour tous.
♦ Le 5 avril journée de mobilisation #LibertéEgalitéInformés
Décrétée « journée nationale pour la liberté de l’information », le 5 avril donne à chaque citoyen l’occasion d’interpeller les candidats sur leur engagement pour la liberté de l’information, en utilisant le hashtag #LibertéEgalitéInformés sur les réseaux sociaux et en signant la pétition en ligne sur RSF.org. Retrouvez l’ensemble des médias qui ont participé et les articles concernant la première journée de la liberté de l’information sur le site Liberté, égalité, informés.
Les affiches de campagne des principaux candidats sont détournées et placardées massivement dans la nuit du 4 au 5 Avril afin d’attiser l’attention des citoyens et candidats.