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« L’Art prend l’air » à Perpignan : une respiration urbaine malgré les intempéries

Sous la pluie, mais en couleurs : la cinquième édition du festival « L’Art prend l’air » a finalement pu s’inaugurer dans les rues de Perpignan, après des journées de pluie et de vent. Huit artistes, installés aux quatre coins du centre historique, ont été invités à livrer leur propre interprétation de l’univers d’un maître du surréalisme, Salvador Dalí.

En 1965, Dalí déclarait que la gare de Perpignan était « le centre du monde » – un honneur que la ville n’a jamais oublié, allant jusqu’à rebaptiser l’édifice « El Centre del Món » en 2010. Pour marquer les 60 ans de la toile que l’artiste catalan consacra à sa révélation mystique, les organisateurs ont proposé aux street-artistes de livrer leur propre interprétation de ce « centre du monde », en s’inspirant librement de l’œuvre du peintre.

« C’est cool de travailler à la maison »

Parmi les créateurs invités, Klairno, Snake, Stay Fresh, L’Insecte ou encore la team graff du lycée Jean Lurçat. Et, fidèle au poste depuis les débuts du festival, Prooz. « J’ai fait les cinq éditions. C’est cool de travailler à la maison », glisse-t-il. Si l’artiste, connu pour ses œuvres abstraites, reconnaît avoir été pris de court par la thématique imposée, il n’a pas reculé : « C’est la première fois qu’ils ont proposé un thème. On a eu peur que ça nous bride un peu. Ce n’est pas ce qu’on préfère, disons. Mais finalement, c’était un bon défi. »

Le défi, justement, prend la forme d’un hommage librement inspiré du tableau « Les Éléphants ». « Ce n’est pas un peintre que j’affectionne particulièrement. Mais ce tableau-là m’a parlé. Il a ce côté fauve, un peu surréaliste, mais sans champignon magique » rit-il. Sur la place de la Victoire, à deux pas du Castillet, son œuvre se déploie sur un cube éclatant, fond rouge et jaune saturé, forme floutée, sablée, solaire. « J’ai repris les couleurs de Perpignan, mais à ma sauce. Le fond, c’est très abstrait, comme dans mes tableaux. Les éléphants, eux, je les ai croqués, un peu déformés, pour ramener ce côté graffiti. »

Du gris au rouge et or, Dali sous le soleil

Ce fond, c’est l’essence du travail de Prooz. « C’est là que je me suis le plus exprimé. Quand le soleil tape dessus, c’est une dinguerie. Le rouge et le jaune, ça explose. » À rebours de la noirceur mélancolique qu’évoque parfois l’univers de Dalí, l’artiste catalan revendique une vision utopique : « Moi, je suis un éternel optimiste. Même quand je travaille sur des thèmes compliqués comme l’écologie – ce sera le cas en mai sur une plage à Argelès – je cherche à montrer ce qui fonctionne, les gens qui font. »

Un optimisme assumé, qui peut détonner dans le paysage artistique actuel. « Dans les festivals collectifs, ils sont souvent dans la revendication. Moi, ça ne me parle pas de dénoncer. Même à l’époque où je faisais du graffiti, ce n’était pas mon délire. Je suis un bisounours de 100 kilos, j’aime que ce soit joli, que les gens rigolent. »

Malgré la météo, l’art prend le temps

Pour autant, la création n’a pas été simple. Comme souvent à Perpignan en mars, la météo a fait des siennes. Pluie, humidité, rafales. « J’ai appelé les organisateurs pour leur dire que je ne peindrais pas sous la pluie. Le bois détrempé, ça donne des peintures qui s’écaillent dans un mois. Donc on a décalé. Et quand j’ai pu travailler, le vent s’est levé. Moi, je bosse à l’aérosol, le vent, ce n’est pas mon meilleur ami… ». L’avantage du festival, c’est qu’il s’étend jusqu’au mois de mai. Les artistes ont donc pu finir à leur rythme.

Si les passants sont parfois surpris, ou s’interrogent sur les intentions politiques des œuvres, Prooz, lui, préfère temporiser : « On a quelques retours, c’est parfois marrant. Mais nous, on est juste des artistes. On n’a rien à voir avec ceux qui nous payent. »

Reste un parcours urbain à découvrir, entre ruelles, quais et places du centre-ville. Rue Louis Pasteur, la Basse accueille le collectif Ma Pop Favor ; quai Vauban, Stay Fresh et L’Insecte font dialoguer leurs fresques ; place Gabriel Péri, Klairno a laissé sa trace ; Snake a investi la rue de l’Horloge. Le lycée Jean Lurçat, quant à lui, a graffé sur la place Cayrol.

L’exposition reste visible jusqu’au 25 mai 2025.

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