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Et si les avocats n’avaient pas lâché l’humanisme ? Au Mémorial du camp de Rivesaltes, le concours d’éloquence Robert Badinter fait carton plein

Samedi 6 décembre, huit jeunes avocats venus de toute la France ont participé à un concours d’éloquence un peu particulier. L’évènement s’est déroulé au Mémorial du camp de Rivesaltes, autour des valeurs humanistes de Robert Badinter, que défend le site. La soirée était à guichets fermés et déjà, les organisateurs envisagent de reconduire le concours.

« La liberté se mesure-t-elle aux conditions de ceux qui en sont privés ? » Voilà le sujet sur lequel a planché la toute première lauréate du prix Badinter, Me Elise Reix-Tap, du barreau des Pyrénées-Orientales. Elle n’avait qu’une quinzaine de minutes pour convaincre le jury.

Garder les valeurs qui déclenchent les vocations, même quand les clients finissent par devenir des numéros de dossier

L’avocat perpignanais Jean-Baptiste Llati est l’un des initiateurs de ce concours, avec l’Union des Jeunes Avocats.

« Parmi les avocats, il y en a quand même encore beaucoup pour qui les notions d’État de droit, de défense des plus faibles, des apatrides, des réfugiés, ça parle. Tout comme le respect des libertés, la question de l’enfermement arbitraire. »

Il évoque notamment les jeunes avocats, dont les contingences économiques des cabinets n’ont pas encore émoussé les idéaux. « C’est un peu humain, au fur et à mesure les clients deviennent des numéros de dossier. » Le concours vient à point nommé pour entretenir la flamme initiale.

« Une force d’indignation, toujours avec justesse, jamais dans l’outrance »

Pour Jean-Baptiste Llati, qui siège au conseil d’administration du Mémorial du Camp de Rivesaltes, le lieu était tout trouvé. Il le voit comme une bouffée d’oxygène dans un monde qui cède peu à peu au populisme et à la haine. « On y croise des historiens, des gens qui réfléchissent. Le Mémorial porte ces valeurs en termes de défense des opprimés, des invisibles. »

Au-delà des valeurs de l’homme, l’hommage à l’ancien ministre de la justice Robert Badinter porte aussi sur son éloquence. « Il avait une force d’indignation, toujours avec justesse, jamais dans l’outrance. Cette capacité de dire qu’on est le dernier rempart, qu’il ne faut pas lâcher. Que notre robe symbolise quelque chose, ce n’est pas juste un bout de tissu et notre serment n’est pas du folklore. »

Chaque candidat y est allé de son angle, de sa personnalité, de sa touche de poésie parfois. « Pour un bon oral il faut que le fond soit construit. Il faut concilier la rigueur de l’orfèvre avec le lâcher-prise de l’artiste. »

Le tout en étant plus intelligible que sophistiqué, percutant sans s’éloigner de la cause à défendre, émouvant mais subtil… Pas simple.

Vers un évènement incontournable en Europe

« Ces jeunes nous ont épatés. » Jean-Baptiste Llati évoque la prestation d’Elise Reix-Tap, la plus équilibrée, qui remporte à l’unanimité le Prix Badinter. « Elle était vraiment brillante. » Mais aussi le Prix Coup de cœur du Jury pour l’intervention décalée de Clément Lopez, avocat au barreau de Grenoble, sur le thème « la fraternité, valeur morale ou principe juridique ? ».

L’évènement devrait être reconduit chaque année mais surtout prendre de l’ampleur. « L’ambition est d’en faire un évènement qui compte nationalement, voire à l’échelle de l’Europe, pour défendre la mémoire européenne. » Pour l’avocat on a plus que jamais besoin des lumières de l’humanisme.

« On est dans un monde dans lequel l’obscurantisme, le rejet des scientifiques, la bêtise et le repli identitaire l’emportent sur l’intelligence. »

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