Article mis à jour le 21 décembre 2024 à 14:12
600 ! C’est notre chiffre de la semaine, et le nombre d’étudiants passés par la Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles de management (CPGE) du Campus de Notre-Dame de Bonsecours, à Perpignan. En 30 ans, c’est un nombre « approximatif », indique Jean Lhéritier, l’un des instigateurs du programme, « parce qu’on n’a pas gardé de compte précis », ajoute-t-il avec un sourire.
Ce vendredi 20 décembre 2024, la CPGE de Perpignan fêtait donc ses 30 ans d’existence. La formation prépare les jeunes bacheliers (parcours économique) au concours d’entrée des Grandes Ecoles de management, partout en France. Pour l’occasion, plusieurs anciens étudiants et étudiantes ont fait le déplacement jusqu’à leur ancien campus pour partager leur expérience et retrouver des visages connus.
Une ambiance « familiale » pour une formation d’excellence
Parmi eux, Lucas, Marina et Kévin ont témoigné de leur parcours pendant la soirée. Kévin, promo 2016, accompagne aujourd’hui les entreprises innovantes du territoire des Pyrénées-Orientales. Marina, promo 2000, travaille dans le secteur de l’adaptation au changement climatique. Et Lucas, sorti de la promotion 2013, est aujourd’hui à la tête de Novoma, laboratoire qui fabrique des compléments alimentaires, qu’il a fondé alors qu’il était encore étudiant.
« Pour être tout à fait honnête, le premier jour de la rentrée », se souvient Le jeune homme, « quand ma mère m’a déposée devant la prépa en me disant ‘bon courage’, dans l’avenue Julien Panchot, qui n’est pas la plus sexy de la ville, je me demandais ce que je faisais là », dit-il en riant. « Et puis, après quelques mois, j’ai compris que j’avais fait le bon choix. Je me suis attaché à Perpignan, et à la prépa, et à son côté très familial ». Avec une promotion de 15 élèves, la proximité avec les enseignants est renforcée, « ce qui n’est pas forcément le cas sur des grosses prépas comme à Toulouse, qui est un peu l’usine ».
« Je tiens à mon territoire, j’y crois »
Tous trois sont ravis de revenir à Perpignan pour partager leurs souvenirs. « C’est un type de formation dont il faut parler », explique Marina. « C’est un luxe de pouvoir faire ça à Perpignan, une formation d’excellence dans de telles conditions », dit l’entrepreneure de 42 ans. Originaire d’Espagne, elle vit aujourd’hui à Barcelone, après un master 2 à la prestigieuse Ecole de Management de Lyon (EM Lyon). Après dix ans dans le marketing et la technologie, elle est aujourd’hui dans le secteur du « climate risk » ; la compréhension des mécanismes d’adaptation au changement et au risque climatique. Un secteur « où il y a beaucoup à faire. Il y a eu une prise de conscience, les impacts du changement climatique sont déjà là. Donc une grande partie de l’investissement doit passer dans des politiques d’adaptation », explique la jeune femme.
Kévin, du haut de ses 29 ans, vient d’être nommé président de la fédération régionale des Jeunes Chambres Économiques d’Occitanie. Son palmarès est déjà long, puisqu’il est également coordinateur communication et événementiel au sein de l’EU|Business Innovation Center (BIC) Plein Sud Entreprises et membre du Conseil Régional des Jeunes de la Région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée. Originaire de Perpignan, il a choisi d’y revenir après un master en Economie Sociale et Solidaire (ESS) à Montpellier. « Je tiens à mon territoire, j’y crois », explique-t-il. « Il y a de nombreuses problématiques et des enjeux de développement importants. On vit en avance le changement climatique qu’il y aura sur tout le bassin méditerranéen. Il y a ce côté ‘laboratoire’, où tout est possible », dit-il avec enthousiasme. « Et puis, on est entre la mer et la montagne », continue-t-il. « Pour moi, il y a tous les atouts ! ».
« T’as aucune chance, saisis-la »
Lucas est né au Pays Basque, et vit aujourd’hui à Toulouse, siège de son entreprise Novoma. Le discours commercial de cet entrepreneur dans l’âme est bien rodé. « C’est un laboratoire toulousain qui propose des comprimés alimentaires innovants, transparents et qualitatifs. Ça fait très bullshit commercial, mais c’est vraiment l’esprit ! » sourit-il. Après la prépa, il a été admis à l’EDHEC, l’une des écoles de management du haut du classement. Une double victoire, puisque la compétition entre les étudiants des grandes villes et des régions s’accompagne souvent de condescendance.
Lors d’un voyage scolaire à Paris pour aller visiter l’ESCP, l’une des plus prestigieuses écoles de France, « on était dans la cour en train d’attendre, et un étudiant vient nous voir », se souvient Lucas. « Il nous demande d’où on vient. On lui répond « Perpignan ». Et il nous dit « C’est beau de rêver ! ». Juste après, un prof de l’école nous a demandé si on captait BFMTV dans nos montagnes », dit-il en riant. « C’était brutal ! ».
« C’est un peu comme les petits clubs sportifs de province qui arrivent parfois à se hisser au championnat de France, il y a cette fierté-là », conclut Lucas. S’il devait dire quelque chose aux étudiants d’aujourd’hui ? « T’as aucune chance, saisis-la », dit-il avec un sourire.
Marina confirme. « Accrochez-vous, et après ça vaudra la peine ». Pour Kévin, « la prépa a cet avantage de donner deux ans pour trouver sa voie, pour mieux se connaître. Aujourd’hui cela me permet de m’éclater dans mes fonctions professionnelles ». Aux étudiants, il lance un appel. « Il n’y a pas que dans les capitales et les métropoles qu’il y a du travail. J’espère que les jeunes du territoire reviendront et qu’ils trouveront leur voie ici. Parce que tout est à faire ! »
Il y a trente ans, le lancement inédit dans les Pyrénées-Orientales
Lorsque Jean Lhéritier et quelques collègues ouvrent la première classe prépa de Perpignan, « on ne partait pas tout à fait dans l’inconnu », se souvient-il. Echanges d’expérience avec des enseignants de prépa renommées, visites de campus comme la prestigieuse HEC : Jean Lhéritier s’était préparé comme à son propre examen d’entrée. Avec l’accord du proviseur du Lycée de Notre-Dame de Bon Secours, la classe prépa ouvre ses portes à la rentrée 1994. « Le démarrage a été difficile, parce qu’on n’avait pas fait beaucoup de publicité ».
La première année, 11 étudiants s’inscrivent, et seule une poignée est reçue aux concours d’entrée des écoles de management. L’enseignant d’économie, sociologie et analyse historique passe de longues nuits à créer ses cours. Et puis, dès la deuxième année, les effectifs croissent. « Et on a eu de meilleurs résultats », sourit Jean Lhéritier. À l’époque, la CPGE durait un an. Elle s’allonge à deux ans pour s’aligner sur les autres classes prépa, mathématiques et littéraire, en 1995.
Avec un effectif chaque année entre 15 et 25 étudiants, Jean Lhéritier estime qu’environ 600 étudiants sont passés par cette formation. L’enseignant se souvient de quelques belles histoires. Jean Lhéritier se remémore le choix de cette étudiante « brillantissime ». Elle avait obtenu les meilleures écoles après la prépa, mais pour des raisons personnelles avait opté pour une autre moins cotée. « Pour nous, c’était très frustrant, ça aurait été la première fois qu’une étudiante obtenait la meilleure école. On aurait pu afficher notre palmarès ! » rit-il.
Après sa retraite en 2018, Jean Lhéritier est resté khôlleur, ces enseignants qui font passer des oraux d’entraînement aux étudiants, jusqu’en 2021. « Le rectorat de Montpellier avait décidé à ce moment-là qu’on n’avait plus le droit d’être khôlleur après 67 ans », dit-il, pointe de regret dans la voix. « Ça me plaisait bien. Les enseignants reprenaient des questions que j’avais moi-même mises au point et utilisé pendant des années. Aujourd’hui, j’ai 72 ans, j’ai d’autres activités, mais je garde quand même un lien avec la prépa.»
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