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La disparition d’oiseaux se poursuit en Occitanie : vers des printemps silencieux ?

Disparition d’oiseaux en Occitanie : vers des printemps silencieux ?

Article mis à jour le 24 septembre 2025 à 08:00

Nombre de volatiles se volatilisent, et les courbes sont éloquentes. En 1962, la biologiste Rachel Carson prédisait déjà un « printemps silencieux. » Les dernières études – qui recensent vingt ans de suivis entre 2001 et 2021 – montrent une chute des populations de beaucoup d’espèces d’oiseaux en Occitanie. Un déclin qui suit souvent la tendance nationale. Si quelques espèces repartent à la hausse, beaucoup ont vu jusqu’aux trois quarts de leurs effectifs disparaître. Pour Rossano Pulpito de la Ligue de Protection des Oiseaux, nous nous orientons vers un ciel toujours plus désert. Photo d’ouverture : tourterelle des bois © Alice Gossens

« Nous sommes dans un département très riche historiquement sur le plan de la faune et de la flore » rappelle le responsable de la LPO pour les Pyrénées-Orientales. Mais nous sommes aussi au cœur d’un couloir de migration, avec beaucoup d’individus aperçus qui ne sont que de passage, en particulier en période post-nuptiale comme en ce moment. L’effet est trompeur et pourrait masquer une réalité bien plus sombre. « 800 millions d’oiseaux ont disparu d’Europe en moins de quarante ans » explique Rossano Pulpito. « On peut estimer que chaque année 20 millions d’oiseaux disparaissent en Europe. »

« Quand il y a des ventes, la première chose qu’on fait c’est de détruire les nids »

Côté Occitanie, les exemples de chute drastique sont nombreux. En vingt ans la fameuse hirondelle de fenêtre a par exemple vu sa population chuter de 42,7 %, quasiment deux fois plus qu’au niveau national. Pour Rossano Pulpito il peut s’agir d’une incidence des rénovations. On les tolère moins, ils font sale. « Quand il y a des ventes, la première chose qu’on fait c’est de détruire les nids. » De manière plus générale, la sécheresse joue sur la population d’hirondelles. Sans pluie, elles ne trouvent tout simplement plus la boue pour construire leurs nids.

Hirondelle de fenêtre © Alice Gossens

Rossano Pulpito déplore aussi des destructions de nids de goélands dans certaines communes de la côte rocheuse, sur la base de simples ressentis de nuisances et non de vrai diagnostic scientifique.

« À la LPO, on est pour le droit et la science. Il faut pouvoir constater, mesurer. »

Blocage sur les bocages

Certains oiseaux capables de s’adapter à des milieux divers sont certes en augmentation localement, comme le grand corbeau, l’étourneau sansonnet, le moineau soulcie, le canard colvert, le héron garde-boeuf… Mais ils peinent à masquer des déclins massifs, en particulier parmi les oiseaux cantonnés à des milieux spécifiques : urbains, forestiers ou agricoles.

Le martinet noir a lui aussi dégringolé de 42,1 %, le célèbre verdier d’Europe a vu sa population amputée de 57,9 %, le guêpier d’Europe a même chuté de 88,5 %, toujours sur cette période 2001 – 2021 en Occitanie. Le cochevis huppé a quasiment disparu avec 93,6 % de pertes. La liste est longue.

Pour le président de la LPO 66, les facteurs sont multiples et toujours liés à l’homme. Pesticides et modèle agricole sont parmi les plus soupçonnés, bien sûr, malgré une progression de friches parfois favorables à la population aviaire. Nos champs manquent notamment de haies qui abritent les volatiles, même si quelques initiatives ici et là tentent de les remettre au goût du jour. « Le bocage disparaît. Cela gêne une agriculture qui s’agrandit, où l’on veut passer avec de grosses machines. » On compte aussi moins de vergers qui attiraient oiseaux et chauve-souris.

« Les vanneaux huppés, on peut les tirer en France »

De son côté, le changement climatique a tendance à désynchroniser les périodes de reproduction avec les moments où la nourriture est disponible. Enfin, bétonisation et surtourisme chassent les oiseaux des milieux propices. La LPO évoque ces oiseaux si perturbés qu’ils abandonnent leurs nids en y laissant leurs petits.

« C’est de la perte directe. Aujourd’hui, l’homme est partout, en montagne, sur les falaises pour l’escalade, dans les airs… Quand on fait un lotissement, on réduit les surfaces de chasse et les aires de nidification. »

Enfin, la chasse a aussi un impact. « On autorise le tir à la tourterelle des bois, mais il est parfois difficile de faire la différence avec d’autres oiseaux. Des oiseaux très protégés en Norvège, en Belgique, en Allemagne, peuvent être chassés en France. Les vanneaux huppés, on peut les tirer en France. »

Si le grand public ne peut lutter contre certains facteurs, Rossano Pulpito milite néanmoins pour une prise de conscience et surtout de petits gestes, comme l’installation de nichoirs sur les propriétés. La LPO appelle à participer aux comptages et autres actions. « Plus nombreux on sera, mieux on préservera. »

Pour rappel, l’hirondelle est l’un des plus gros prédateurs du moustique, avec la chauve-souris. Voilà qui devrait emporter quelques faveurs…

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