Vendredi 20 juin 2025, à l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, Mudasir, jeune Éthiopien arrivé en France en 2016, livrait son parcours au Mémorial du camp de Rivesaltes. Face à lui, des élèves du collège Saint-Exupéry de Perpignan étaient présents pour écouter son histoire.
Depuis cinq ans, Corinne Grillet, fondatrice de l’association Welcome 66 et ses bénévoles viennent en aide aux personnes réfugiées dans les Pyrénées-Orientales.
Le collectif Welcome 66 s’est créé fin 2016, suite au démantèlement du camp de Calais. À l’époque, le Département s’était positionné pour accueillir 50 jeunes Éthiopiens. Parmi eux, il y avait Mudasir, 14 ans. L’adolescent habitait la région d’Oromo, en périphérie de la capitale de l’Ethiopie. Sa vie bascule lorsque le gouvernement en place décide d’agrandir Addis Abeba, en chassant les propriétaires Oromos de leur terre. Selon un rapport de Human Rights Watch, contesté par le pouvoir éthiopien en place, plus de 400 personnes seraient mortes et des milliers emprisonnés à tort. Visé par les services de l’ordre, Mudasir est obligé de fuir à la hâte et seul.
« À Calais, on survivait »
Sourire aux lèvres, le jeune homme aujourd’hui âgé de 23 ans nous livre son parcours avec pudeur. « J’ai traversé le Soudan et l’Égypte grâce à des passeurs. Puis j’ai franchi la Méditerranée sur un bateau. » Sur l’embarcation de fortune, 300 personnes voguent vers l’Italie, la peur au ventre. « Comment s’est passée votre traversée ? », questionne une élève dans la salle. « Ça a duré longtemps, ce n’était pas facile », lui répond Mudasir. À l’époque, l’adolescent ne savait pas nager. Une fois en Italie, il part en direction de la France et traverse le pays jusqu’à Calais.
« Comment c’était la vie dans le camp de Calais ? », lui demande un adolescent. « À Calais, on survivait », lâche Mudasir, qui a vécu six mois dans le camp de migrants avec pour objectif d’atteindre l’Angleterre. « C’était six mois d’horreur. Chaque jour, on essayait de passer la frontière. Et puis, on retournait au camp la nuit, pour dormir. » Mudasir ne compte même plus ses tentatives infructueuses. Il reste malgré lui à Calais, où les conditions de vie sont déplorables.
En 2016, le gouvernement décide de démanteler le camp et répartit quelque 6 000 migrants dans toute la France. « Personne ne voulait partir de là-bas. On était au courant qu’ils allaient retirer le camp, mais on ne pensait pas que cela arriverait si vite », nous explique le jeune homme. Mudasir arrive dans les Pyrénées-Orientales, en octobre, au centre d’accueil provisoire de Sainte-Marie. Là-bas, il est hébergé et accompagné dans ses démarches. « On ne comprenait pas le français, c’était très compliqué », nous confie-t-il.
Une association qui favorise l’inclusion sociale dans les Pyrénées-Orientales
Mudasir rencontre les bénévoles de Welcome 66, qui lui proposent l’apprentissage du français et la découverte d’activités sportives et culturelles. « On souhaitait qu’il se sente bien dans notre département », sourit Corinne. Mudasir, dans l’attente d’être scolarisé, se découvre une passion pour l’athlétisme en courant le long du littoral. Quelques mois plus tard, le centre d’accueil ferme ses portes et l’adolescent, reconnu mineur non accompagné, s’installe seul dans un hôtel de Perpignan.
En mars 2018, Mudasir participe à son premier championnat d’athlétisme, en Bretagne, où il réalise un score exceptionnel. L’adolescent est scolarisé au lycée sportif de Font-Romeu. En 2019, il obtient sa carte de séjour. « En septembre de la même année, il arrive deuxième au 100 m du championnat de Canet, mais il doit laisser sa place sur le podium car en tant qu’étranger, il ne peut pas représenter la France », lance Corinne. L’association décide alors d’entamer les démarches de naturalisation pour le jeune homme.
Très rapidement, Mudasir prend son indépendance. À 18 ans, il débute un apprentissage en tant que vendeur d’articles sportifs, mais les confinements liés au Covid l’éloignent de ses études. Il entame ensuite une formation d’animateur sportif, au centre de l’USAP. En janvier 2022, il obtient enfin la nationalité française qui lui est remise par le préfet de Perpignan. « Est-ce que vous avez pu revenir dans votre pays ? », le questionne un collégien. « Tout a changé là-bas, que ce soit la famille, la vie, les amis… J’ai mis cinq ans avant d’y retourner, maintenant je m’y rends chaque année », lui sourit Mudasir.
De réfugié à intervenant social engagé
Avec l’adoption de la loi immigration en janvier 2024, le droit des étrangers est pris pour cible. « Pour nous c’est un coup dur supplémentaire », assure Corinne. « Globalement, on voit à l’association qu’il y en a de moins en moins de personnes qui obtiennent l’asile. » Pour rappel, les demandeurs d’asile peuvent déposer une demande lorsqu’ils s’estiment en danger dans leur pays. C’est l’Ofpra (l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) qui accorde ou non l’asile en France. Si la réponse est positive, ils obtiennent leur papier pour une durée de quatre à dix ans.
Aujourd’hui, Mudasir est intervenant social au sein de l’association France Terre d’Asile, à Paris. Il reçoit à son tour des mineurs non accompagnés venus du monde entier. « C’est quelque chose qui me tenait à cœur. J’avais envie d’aider à mon tour. »
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