Le festival international Pint Of Science (« pinte de science ») revient pour sa 12è édition du 19 au 21 mai 2025. A Perpignan, l’Arena Bar accueillera une brochette de scientifiques locaux venus présenter leur travail dans une ambiance volontairement décontractée. Le concept, né en 2012, ne cesse de faire des émules, alors que la science fait face à un assaut d’obscurantisme mondial.
Lundi 19 mai : Hasard et coïncidences évolutives
Le concept de Pint of science est simple : « Tous les jours, vous passez devant des instituts [de recherche]. Voici les gens qui travaillent dedans », résume Elodie Chabrol, coordinatrice de Pint of Science France.
Les trois journées thématiques explorent les mystères de l’évolution biologique. La première soirée s’ouvrira avec Bertrand de l’Isle, doctorant, qui abordera les origines de la vie à travers les théories de l’abiogenèse, de l’argile catalyseur et de la panspermie. Jules Miquel, étudiant en Master 2, poursuivra avec une présentation sur les convergences évolutives, illustrant comment des espèces distinctes développent des traits similaires en réponse à des environnements comparables.
Mardi 20 mai : Duel et séduction, quand l’évolution se joue à deux
La deuxième soirée mettra en lumière les stratégies de reproduction dans le règne animal. Sarah Dametto, doctorante, explorera les techniques de séduction utilisées par diverses espèces. Benjamin Gourbal, professeur des universités, discutera de la coévolution entre hôtes et parasites, mettant en évidence les adaptations réciproques qui en résultent.
Mercredi 21 mai : Idées reçues et coups du sort génétiques
La dernière soirée visera à déconstruire certaines idées reçues sur l’évolution. Lucas Vandenabeele, doctorant, expliquera pourquoi l’homme ne descend pas du singe, en s’appuyant sur les principes de la phylogénétique, les liens de parenté entre espèces. Audrey Le Veve, post-doctorante, abordera la persistance des mutations délétères dans le génome, en examinant leur rôle potentiel dans la diversité génétique.
Chaque soirée débutera à 20h30, avec une ouverture des portes à 18h, et se déroulera jusqu’à 22h30. Le tarif d’entrée est fixé à 2 euros.
Une « pinte de science » qui arrive tout droit d’Angleterre
Le concept de Pint of Science est né en 2012 sous l’impulsion des Dr Michael Motskin et Dr Praveen Paul, deux chercheurs londoniens. À l’origine, l’idée prend forme lorsqu’ils décident d’ouvrir leur laboratoire au grand public. L’accueil est enthousiaste. Alors ils s’interrogent : comment réitérer cette rencontre entre science et société ? En faisant sortir la science de ses quatre murs et en l’installant dans les pubs.
La première édition voit le jour en 2013 à Londres, Oxford et Cambridge. Parmi les organisateurs, Élodie Chabrol, inspirée par cette expérience, décide de lancer l’initiative en France dès l’année suivante. Depuis, elle coordonne le festival qui, en mai 2024, a rassemblé près de 10 000 personnes dans plus de 50 villes françaises.
Un festival qui veut rendre la science à la société
« Bars, cafés et science, c’est une histoire qui dure depuis [l’émergence du] premier café à Paris », sourit Elodie Chabrol. Ce qui est nouveau, c’est le format « festival » : trois jours, plusieurs scènes, en simultané dans le monde entier. Cette année, la France ajoute la Guyane et la Réunion, et le festival s’étend de plus en plus au-delà des grandes villes, jusqu’à « un hameau du Limousin qui compte 400 habitants », sourit Elodie Chabrol. C’est la quatrième édition à Perpignan depuis 2019.
Organiser une présentation dans le cadre décontracté d’un bar permet de briser les idées reçues sur la science et les scientifiques. « Les gens osent poser des questions qu’ils ne poseraient jamais dans une conférence », explique la coordinatrice, qui s’oppose au cliché tenace du scientifique à la blouse aussi blanche que ses cheveux, engoncé dans ses éprouvettes et ses tableaux de données. « C’est important que [la science] ne soit pas que descendante. Il s’agit aussi de rencontrer les scientifiques, parce que je pense que la confiance dans la science passe aussi par la confiance envers les gens qui la font ».
Quand les sciences exactes se décontractent
Pint of Science est un festival principalement tenu par ses bénévoles. Les scientifiques intervenants et les volontaires reçoivent des conseils, mais sont invités à s’emparer de l’organisation, et choisissent eux-mêmes le bar, s’occupent des vestiaires, de la billetterie…
A la différence des TED Talks, ces conférences impactantes, minutées – et largement chorégraphiées – retransmises dans le monde entier, les Pint of Science ne cherchent pas la perfection. « On est vraiment dans l’interaction avec le public, le truc plus spontané, la convivialité. Même s’il y a plein de petites erreurs, que ce n’est pas parfaitement organisé, c’est ça aussi qui fait que le public se sent à l’aise pour poser des questions », explique Elodie Chabrol.
Pour les doctorants et doctorantes – mais aussi professeurs des universités ou étudiants, étudiantes en Master 2 … -, c’est parfois la première fois qu’ils s’expriment en public. Elodie Chabrol propose des formations à la vulgarisation. « Le paysage de la vulgarisation scientifique a énormément changé ces dix-douze dernières années », explique-t-elle. Le CNRS, par exemple, remet une « médaille d’or de la médiation scientifique » depuis maintenant trois ans. « Quand j’ai commencé Pint of Science, mon chef m’a sorti cette phrase magnifique : « cache ça de ton CV, parce que ça la fout mal ». Deux ans après, il me demandait d’organiser un Pint of Science pour le labo », sourit-elle.
Renouer la confiance avec le public… et se dépasser soi-même
Si l’idée de parler au grand public peut paraître séduisante, et nécessaire, pour certains scientifiques, pour d’autres, c’est source d’anxiété. « Aujourd’hui, la vulgarisation est demandée dans beaucoup de demande de financement », sauf que c’est une compétence qui n’est pas innée. Heureusement, souligne Elodie Chabrol, de plus en plus d’instituts développent des cellules de communication.
Le concept de Pint of Science fonctionne et continue à se répandre, puisque les retours d’expérience positifs sont largement relayés, comme l’histoire de ce scientifique qui a sorti sa guitare pour chanter une chanson sur la peste, ou cette autre qui s’est rendue compte que parler en public lui avait permis de prendre du recul sur ses recherches.
Si le festival s’attache à rapprocher chercheurs et grand public dans une atmosphère décontractée, il s’inscrit aussi dans un contexte où la science est de plus en plus contestée. De la montée des théories complotistes à la défiance envers le consensus scientifique sur des sujets tels que le climat ou la vaccination, les scientifiques sont confrontés à une remise en question constante. Comme le soulignait un collectif de chercheurs et médecins français dans un appel publié chez Le Monde en 2024, « Ne laissons aucun obscurantisme nous envahir ».
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