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Trois éoliennes géantes flottent désormais au large du Barcarès et de Leucate : elles sont les plus puissantes de France

Eolienne flottante golfe du lion

Après du retard lié à la crise sanitaire et à l’approvisionnement en métal, la ferme pilote des éoliennes flottantes du golfe du Lion est enfin en place, au large de l’Aude et des Pyrénées-Orientales. La dernière éolienne a été arrimée au soir du mercredi 3 septembre 2025. Photo d’ouverture © V. Bedos – OCCIDRONE.

Démesurées. Voilà sans doute le qualificatif le plus approprié autant pour les éoliennes que pour les opérations nécessaires à leur installation. Simple exemple, le chiffre de 80 mètres semble déjà important, mais il ne s’agit que de la longueur d’une pale.

5000 tonnes posées sur l’eau

Juchées sur leurs flotteurs, les éoliennes culmineront à 186 mètres de haut, soit l’équivalent d’un gratte-ciel d’une soixantaine d’étages. Avec le ballast, chaque structure pèsera près de 5000 tonnes. Les nacelles, avec les turbines fournies par le constructeur Vestas développent une puissance de 10 MW. C’est un record en France, toutes éoliennes confondues, et un record mondial pour les éoliennes sur flotteurs. Les trois éoliennes fourniront assez d’électricité pour alimenter une ville comme Narbonne.

Combien tout cela coûte ? En incluant la création d’un quai pour l’assemblage, on dépasse les 600 millions d’euros. 365 millions sont pris en charge par la Région, l’État, le Département de l’Aude et l’Agglomération du Grand Narbonne. Le reste, soit 235 millions d’euros, revient à la société d’économie mixte chargée du projet. L’opérateur a un contrat de 20 ans d’exploitation. Après quoi les éoliennes seront démantelées.

Tractage des flotteurs depuis Fos-sur-Mer © EFGL

Made in Perpignan a pu échanger avec Jérémy De Barbarin, directeur du projet porté par Ocean Winds et la Caisse des Dépôts. « Techniquement le plus difficile, ce sont les gros levages. » La nacelle à soulever à plus de 100 mètres de haut pèse 380 tonnes. Les éoliennes ont été assemblées à Port-la-Nouvelle, à quai, avec une grue spécialement affrétée et une soixantaine de techniciens. Les flotteurs de 80 mètres par 70 sont arrivés depuis Fos-sur-Mer où ils ont été finalisés. Une fois l’éolienne érigée, elle est remorquée en position droite jusqu’à sa localisation au large. Le risque majeur pendant l’opération, c’est le vent.

« Le vent va créer un tel effort que les remorqueurs peuvent ne pas être assez puissants. » Une fois sur site, il faut ancrer l’éolienne flottante. « Tout a été préparé pour être fait sans plongeur. Ce sont des robots qui le font. »

Les ancres avaient été pré-installées. Ce sont des « pioches » pesant jusqu’à 17 tonnes et munies de chaînes, qui sont enfouies à 12 mètres dans le fond marin. Elles peuvent résister à des efforts de 320 tonnes. Des lignes synthétiques relient les chaînes aux flotteurs.

18 km de câble sous la mer jusqu’à la plage du Barcarès

En roue libre, les éoliennes tournent déjà, mais ne produisent pas encore d’électricité. Dans les deux mois qui viennent, c’est la connexion au câble électrique de 18 km qui repose au fond de la mer qui sera établie. Le câble arrive sur la plage du Barcarès. Un câble terrestre rejoindra ensuite la sous-station de Saint-Laurent-de-la-Salanque. Alors seulement l’électricité sera injectée sur le réseau.

10 MW par turbine en font les plus grosses éoliennes françaises, que ce soit sur terre ou sur mer. Les plus importantes dans l’hexagone culminaient en effet à 8 MW.

« Et ce sont surtout les plus puissantes jamais installées sur flotteurs dans le monde. » Le précédent record en mer était à 9,5 MW.

Eolienne golfe du lion assemblage
© EFGL

L’entretien se fera avec des allers-retours en navire depuis la base de maintenance de Port-la-Nouvelle. Le personnel pourra grimper dans le mât de l’éolienne, qui contient non seulement un escalier mais aussi un ascenseur. Le plus gros risque au quotidien sera la foudre, avec un système de paratonnerres pour dévier l’essentiel des impacts. Les navires auront interdiction de s’approcher des flotteurs, à des distances variables selon leur taille. En cas de dégât, les éoliennes peuvent être déconnectées. « On peut les remorquer si besoin à Port-la-Nouvelle pour toute réparation qui ne pourrait pas être faite en mer. »

Un test de « biohuts » pour abriter les poissons

L’aspect écologique est pris en compte. Sous une des éoliennes des biohuts expérimentaux ont été mis en place. Il s’agit de cages métalliques devant servir de nurseries à poissons. Elles pourraient être généralisées ensuite. « Les résultats sont extrêmement positifs » assure Jérémy De Barbarin. Il réagit aussi à une étude récente critiquant les peintures anticorrosion et un possible largage de polluants en mer.

« On avait déjà anticipé ça, puisqu’on n’a pas de peinture sous l’eau. Et sur la zone d’aspersion, il n’y a pas de peinture avec biocide. » Ce qui va éviter la corrosion est tout simplement un courant électrique de 6 volts qui circule dans la structure et crée une protection cathodique.

© EFGL

Après ce projet pilote, à quand le parc commercial ? « Notre ambition depuis 2016 est de devenir la première région à énergie positive. On a tout de suite pris à bras-le-corps l’accueil de fermes pilotes éoliennes flottantes » assure Agnès Langevine, vice-présidente à la région Occitanie en charge du Climat, du Pacte vert et de l’Habitat durable. L’élue évoque à la fois l’importance de la filière industrielle et de la souveraineté en matière énergétique.

Le prochain parc pourrait alimenter l’équivalent de la ville de Montpellier

L’appel d’offres pour un parc flottant commercial, encore plus imposant, a déjà été attribué. Avec une douzaine d’éoliennes, ce parc de 250 MW avec 12 à 19 éoliennes se situera au large de l’Aude et de l’Hérault. Il pourrait alimenter l’équivalent de 500 000 habitants, soit la ville de Montpellier. « L’emplacement exact n’est pas encore connu » explique Agnès Langevine en évoquant les études d’impact à venir qui finaliseront la situation de chaque mât. La construction pourrait être lancée vers la fin de la décennie, avec une mise en service envisagée après 2031. Et la technologie évoluant très vite, il pourrait s’agir d’éoliennes développant entre 15 et 20 MW, du jamais vu.

Enfin le projet d’un second parc commercial, de 500 MW, l’équivalent d’un demi-réacteur nucléaire, est pour le moment incertain et n’a pas encore fait l’objet d’un appel d’offres.

« On attend la programmation pluriannuelle de l’énergie qui va définir en France les puissances à installer en termes de renouvelable. C’est l’Etat qui décide. »

Le saviez-vous ?

Ces éoliennes devraient tourner 90 % du temps. On parle souvent d’une énergie qui n’est qu’alternative avec une dépendance à la météo. Mais la conception permet de flirter avec la rotation continue. « On a quasiment 8000 heures de vent par an en Occitanie » indique Jérémy De Barbarin. « Et le vent est beaucoup plus intéressant en mer, plus fort, plus régulier. »

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