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À Perpignan, l’ex-président du Centre LGBT+66 alerte : « Ne baissons pas la garde, nos droits sont fragiles »

À Perpignan, l’ex-président du Centre LGBT+66 alerte : « Ne baissons pas la garde, nos droits sont fragiles »

Perpignan, samedi 5 juillet 2025. Plus de 3 000 personnes sont attendues dans les rues de la ville pour la 4e édition de la Marche des Fiertés des Pyrénées-Orientales. Parmi les visages familiers du cortège, celui de Jean-Loup. Ancien président, puis trésorier du Centre LGBT+66, il fut à l’origine de la première marche des fiertés de 2022. Crédit photo © JC Milhet / Hans Lucas.

À 75 ans, il livre un témoignage empreint de lucidité et d’inquiétude, appelant à un sursaut militant face à un climat politique qu’il juge de plus en plus menaçant pour les droits des personnes LGBTIQA+.

Cet article fait partie d’une série intitulée « Identités LGBTIQA+ », réalisée à l’occasion du mois des fiertés, et soutenue par la Dilcrah avec la collaboration précieuse du Centre LGBT+66.

D’un choc intime à l’engagement public

C’est une conversation avec son fils qui a tout déclenché. Le jour où ce dernier lui annonce son homosexualité, Jean-Loup encaisse mal la nouvelle. Non par rejet, mais par projection : « Je voyais toutes les difficultés qu’il allait rencontrer, alors que moi, je ne les avais pas vraiment vécues. » Ce paradoxe le pousse à militer. Il rejoint le Centre LGBT+66, d’abord comme président, puis comme trésorier, traversant avec l’association des années de structuration, d’épreuves internes et de combats extérieurs.

Son implication coïncide avec le lancement de la première Marche des Fiertés à Perpignan. « Marcher et être fier, c’est dire qu’on existe, au moins une fois par an. C’est un sentiment collectif de puissance. On ne se cache plus. »

Une alerte face au retour des extrêmes

Mais derrière le souvenir des avancées, Jean-Loup nourrit une inquiétude croissante. « Il y a un retour en arrière général. L’extrême droite gagne du terrain. Le discours devient extrémiste, arriéré. » Pour lui, les parallèles historiques sont limpides : « Mon père me racontait que, dans les années 30, certains disaient que Pétain n’était pas dangereux. On a vu la suite. »

Ce militant de la première heure craint que les acquis des dernières décennies – mariage pour tous, PMA, reconnaissance des identités trans – ne soient balayés si les forces populistes accèdent au pouvoir. Et il le martèle : « Les droits LGBT+ ne sont jamais définitivement acquis. »

Une génération militante essoufflée ?

Au fil des ans, Jean-Loup observe une transformation du paysage militant. Moins de présence dans les mobilisations, moins d’implication dans les associations. « Sur le nombre d’adhérents au Centre LGBT+66, peu sont actifs. »

Il évoque une forme de désengagement, parfois lié au confort de ceux qui ont obtenu des droits. « Une fois qu’un combat est gagné, beaucoup disparaissent. Mais l’égalité, ce n’est pas une victoire personnelle, c’est une construction collective. » Il cite en exemple la visibilité des personnes trans, qui reste un terrain miné et souvent peu compris même dans la communauté.

Une parole homophobe décomplexée

Le contexte national et international vient renforcer ce sentiment d’urgence. La montée des discours LGBT-phobes, notamment sur les réseaux sociaux, alarme l’ancien président. « La parole homophobe et transphobe se libère. C’est affolant. On n’avait pas vu une telle agressivité depuis des années. »

Pourtant, Perpignan demeure relativement épargnée par les agressions, selon lui. « On a moins de signalements qu’ailleurs. Mais ça ne doit pas nous endormir. Le repli sur soi n’est jamais une réponse. »

Une marche, des luttes, une mémoire vivante

La 4e Marche des Fiertés à Perpignan, organisée ce samedi 5 juillet, est pour Jean-Loup un symbole nécessaire. Le cortège partira de la place Catalogne pour rejoindre le palais des rois de Majorque, où une soirée festive est prévue. Le Centre LGBT+66, avec plus de 30 partenaires, entend célébrer la fierté d’être soi, mais aussi rappeler l’histoire des luttes que cette journée incarne.

Jean-Loup, aujourd’hui en retrait, n’en reste pas moins un pilier de cette histoire locale. « J’espère que l’association n’existera plus le jour où la société n’en aura plus besoin. Mais on en est loin. »

À Perpignan, le combat continue

Dans son discours, aucune amertume. Mais une volonté farouche de transmettre. « Il faut dire aux jeunes de ne pas rester invisibles. Le mouvement LGBT+, c’est prouver qu’on veut vivre comme tout le monde. »

S’il admet que son franc-parler ne facilite pas toujours les passerelles entre générations, il insiste : « Le militantisme ne doit pas être un entre-soi. Il faut se montrer, se mêler, se parler. » Une leçon de vigilance et d’humanité, portée par un homme pour qui l’engagement reste un horizon indépassable.

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