Souvent, quand j’annonce ma transidentité, on me pose tout un tas de questions gênantes et indiscrètes. Comme si je relevais d’un cas psychiatrique ou d’une déviance sexuelle. Pourtant, ma démarche est tout à fait personnelle, ne vise que mon bien-être propre et je ne comprends pas qu’en 2025 de tels amalgames puissent encore être faits.
Cet article fait partie d’une série intitulée « Identités LGBTIQA+ », réalisée à l’occasion du mois des fiertés, et soutenue par la Dilcrah avec la collaboration précieuse du Centre LGBT+66.
En réalité, je n’ai pas l’impression d’être une personne différente de celle que j’étais avant ma transition. Je suis juste une version plus féminine et plus heureuse de moi-même. Aujourd’hui, Alexandre est allé se coucher et Alexandra s’est réveillée. Je ne le vis pas vraiment comme deux entités différentes. Il s’agit d’une personne unique, les deux faces d’une même pièce, que j’ai simplement retournée.
Je me suis longtemps questionnée sur ma transidentité et sur l’origine de mon trouble dysphorique
Ce questionnement a été très difficile car je me suis longtemps menti à moi-même. Par ignorance ou par respect des codes sociaux que la société nous impose. Aujourd’hui, je suis convaincue que je suis une femme transgenre depuis mon enfance. Je me souviendrais toujours de ces moments, où petite, je disais à mes parents vouloir être une fille. Ce qui, à l’époque, était bien entendu très mal perçu.
À chaque fois que j’exprimais ma féminité, on me réprimait, me faisant comprendre que ce n’était pas toléré, pas tolérable. J’ai donc appris très tôt à verrouiller cela au plus profond de moi. À donner le change pour ne pas me faire blâmer. Malgré cela, j’étais un petit garçon très efféminé et, même si j’étais considéré comme un garçon, je ne me suis jamais reconnue dans le genre masculin.
À l’école primaire, je me souviens que cette féminité a été relevée de nombreuses fois et de manière pas toujours bienveillante. Pour les enseignants, j’étais un enfant « à la sensibilité extrême » qu’il fallait ménager. Aux yeux de mes camarades de classe, il y eut certaines remarques liées à mon corps qui m’ont mis mal à l’aise.
Je me souviens de ce jour de carnaval à l’école. Innocemment, j’ai choisi un déguisement d’ange. J’avais trouvé une robe dorée cintrée sous la poitrine, ce qui n’a pas manqué de faire réagir certains de mes camarades, pour eux c’était une robe « de fille ». Cela peut paraître anodin et pourtant, ces instants mis bout à bout ont créé ce sentiment de ne pas être normal, de devoir me cacher en permanence.
Il m’a fallu du temps mais j’arrive désormais à me regarder dans la glace
Mon adolescence s’est aussi plutôt mal déroulée, même si j’ai eu cette chance immense d’avoir des amis. Nous formions un groupe très soudé. Mais à cette période, le rapport à mon corps est devenu très conflictuel. J’étais excessivement complexée par ma pilosité, mes formes. Je me cachais derrière des vêtements très larges et toujours en noir.
Mon regard d’adulte m’a permis de comprendre ce qui n’allait pas. Ma transition a vraiment transformé le rapport que j’entretiens désormais avec mon corps. Il m’a fallu du temps, mais j’arrive désormais à me regarder dans la glace, à me prendre en photo et à me dire que je m’aime bien.
J’ai réussi à changer de paradigme. Et si avant on me critiquait parce que j’étais efféminé, on me loue désormais pour ma féminité. Simplement parce que je prends plaisir à me vêtir, à me maquiller et à porter des talons hauts. Des rituels que j’ai très tôt adoptés dans ma vie de jeune adulte ; dès que j’ai acquis mon indépendance pour faire mes études supérieures en réalité.
Je ne pouvais plus échapper à ce que j’avais toujours fui
Je ne sais plus trop comment c’est arrivé… Ça a commencé par du travestissement dans des soirées entre amis. Petit à petit, j’ai créé un personnage féminin que j’utilisais en soirée. Les portes du drag se sont ouvertes, et j’ai pratiqué en amatrice. C’était le moyen d’exprimer cette féminité que je refoulais encore. Mais, je n’ai pas immédiatement compris ma transidentité. La vie suivant son cours, j’ai obtenu mon diplôme et commencé ma carrière professionnelle, en sacrifiant ce personnage que j’avais créé. Et ça a été le début d’une lente descente aux enfers.
Suite à l’obtention de mon diplôme, j’ai été mutée à des centaines de kilomètres de chez moi, dans une ville où je ne connaissais rien, ni personne. Si la première année s’est plutôt bien déroulée, j’arrivais encore à me mentir à moi-même, galvanisée par la découverte de ce nouveau travail, les années suivantes ont été un véritable calvaire, calvaire amplifié par la pandémie du Covid et l’isolement. Seule dans mon appartement, je me souviens encore que je tournais sans cesse en rond, confrontée à moi-même, je ne pouvais plus échapper à ce que j’avais toujours fui, le rapport à mon identité, à mon corps.
Je ne m’en suis pas tout de suite rendu compte, c’était très insidieux. Les insomnies et les crises d’angoisses ont marqué le début d’une longue dépression. J’ai consulté, cherché de l’aide. Mais les sources de mon mal-être ne sont pas immédiatement ressorties.
Il faut bien avouer que je n’étais pas heureuse dans ce nouveau travail qui m’avait envoyé loin de chez moi. J’avais l’impression d’avoir sacrifié énormément, avec peu de reconnaissance en retour. J’avais également l’impression d’avoir très peu de soutien. Isolée, loin de mes proches, je n’arrivais plus à faire face. J’étais submergée émotionnellement. Le contexte de mon travail n’a pas aidé. J’ai subi nombre de remarques homophobes liées à mon apparence féminine. Même si j’essayais de le dissimuler, cela transparaissait dans ma voix, dans mon attitude et finalement dans tout mon être.
La mutation à Perpignan n’a rien changé à mon mal-être, c’était autre chose
Après deux années de dépression profonde, j’ai réussi à obtenir ce que je pensais alors être la clé de mon rétablissement, une mutation à Perpignan. C’était sûr, une fois que je serai revenue tout aller forcément aller mieux, il ne pouvait pas en être autrement.
La deuxième phase de ma dépression a débuté. Car bien sûr, la mutation professionnelle n’a rien changé au mal-être que je ressentais dans mon travail mais, au moins, mes proches étaient là pour m’épauler. C’est alors que j’ai compris que le problème ne venait pas de mon travail, il venait de moi. Et la psychothérapie que je suivais m’a aidée à en prendre doucement conscience.
Une phase de questionnement avec moi-même a débuté. Peu à peu, je me remémorais tous ces moments où je me sentais en décalage avec mon identité, avec la société. Ces questions m’ont amené à pousser les portes du centre LGBT+66. J’ai eu la chance de rencontrer deux personnes qui ont éclairé ma vie. Et sont devenues deux très bons amis.
Ce fut un point de bascule, le point de départ de ma transition
Depuis lors, je peux dire que j’ai vécu les meilleurs moments de mon existence. La vie s’est soudain éclairée, j’avais enfin compris qui j’étais et où j’allais. Aujourd’hui, je n’ai jamais été aussi heureuse. Se détacher du regard des autres, des prétendues attentes de la société, et puis finalement… j’ai trouvé un moyen de vivre dans le bonheur.
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