Article mis à jour le 11 février 2025 à 13:42
Dans les abysses de Banyuls-sur-Mer, une expérimentation inédite est en cours. Fin janvier 2025, les chercheurs de l’Observatoire Océanologique ont installé à 30 mètres de profondeur des forêts artificielles de tubes. L’objectif ? Comprendre l’effet des coraux sur les courants. À l’initiative de ce projet, Lorenzo Bramanti, chargé de recherches au CNRS* et Nolwenn Pages, étudiante au sein du LECOB**, nous présentent leur travail.
Lorenzo Bramanti a longtemps sillonné les mers du globe. Chargé de recherches au CNRS auprès de l’Observatoire Océanologique de Banyuls, il étudie notamment la conservation et la restauration des coraux rouges en Méditerranée. Ces gorgones, à l’aspect panaché et arborescent, forment des « forêts animales marines », un refuge pour de nombreuses espèces.
Un réservoir de biodiversité
Pour mener à bien ses recherches, le scientifique mobilise l’écologie forestière. « J’étudie l’effet de la canopée », nous révèle Lorenzo. La cime des grands arbres agit comme une couverture isolante qui atténue les températures. Sur le long terme, une augmentation de cet « effet tampon » permet de dévier la courbe du réchauffement climatique. En clair, les espèces végétales ont plus de temps pour s’adapter à ce changement soudain.
Si l’effet rafraîchissant de la canopée forestière ne fait aucun doute, au cœur des « forêts animales marines », tout reste à découvrir. Côté océan, l’exploration de la zone mésophotique ne fait que débuter. À partir de 30 mètres de profondeur et jusqu’à 200 mètres, les scientifiques observent un riche parterre d’animaux marins, comme des invertébrés, mollusques, éponges, gorgones et coraux. Ces espèces profitent d’une température plus clémente, un refuge face au réchauffement climatique.
Une expérience inédite à Banyuls-sur-Mar
Nolwenn Pages réalise une thèse sous la direction de Katell Guilaine, experte en hydrodynamique, sur les forêts de coraux, et plus précisément sur les courants marins. D’après la chercheuse, les forêts de coraux offriraient un environnement privilégié pour les organismes, notamment grâce à la faible intensité du courant. Mais comment ces tubes en plastique permettent-ils d’étudier les effets d’une forêt de coraux ?
Les forêts in situ sont composées de différents coraux avec des hauteurs et formes variables. Pour mener à bien son expérience, la chercheuse a souhaité simplifier le design des « coraux » à la chose la plus basique : un tube de PVC, avec une hauteur connue et bien établie. Ainsi, Nolwenn s’interroge sur la présence des organismes vivants trouvant refuge dans un environnement avec un courant plus faible. « Et plus particulièrement jusqu’à quelle hauteur ils trouvent refuge. »
En variant le niveau des tubes, la scientifique détermine à quelle hauteur le courant s’atténue. « Nous pouvons ainsi mesurer l’effet de ces tubes, comme si nous avions des arbres à la forme identique, régulière et à la même distance les uns des autres », souligne Lorenzo.
Installée dans la baie de Banyuls, la structure est mobile. « Nous avons imaginé une structure facile à mettre en place », précise Nolwenn, qui a tout de même réalisé une prouesse technique du point de vue de la plongée sous-marine pour monter cette structure de 25 m². Et la profondeur choisie pour installer la structure n’est pas un hasard. À 30 mètres de profondeur, les plongeurs s’affranchissent des vagues. « Le but étant de découpler vagues et courants », souligne Nolwenn.
« On installe notre structure pendant deux semaines pour prendre les mesures, on la remonte, puis on choisit un autre endroit sur le sable avec un champ plat », détaille la chercheuse. À noter que la structure ne reste jamais très longtemps immergée, pour éviter toute pollution plastique.
« Ce corail, il faut le protéger car il offre un refuge essentiel »
Sous l’eau, chaque minute compte. Dans un ballet millimétré, Nolwenn et son équipe plongent au fond de l’eau. Dans un premier temps, ils installent les tubes, puis, ils posent des lests évitant ainsi que la structure immergée ne bouge. Équipés de recycleurs, les plongeurs peuvent travailler près d’une heure.
Avec cette expérience, Nolwenn aimerait démontrer qu’il suffit de quelques grandes colonies de coraux pour atténuer l’effet du courant. « Les colonies de coraux les plus grandes, sont aussi les plus vieilles. Ce corail, il faut le protéger car il offre un refuge essentiel », affirme la jeune femme. En Méditerranée, on retrouve principalement des gorgones rouges, du corail noir et des gorgones blanches.
Pour Lorenzo et Nolwenn, il est essentiel de protéger ces forêts marines. Si la conservation des espèces est importante, interroger leurs fonctions dans l’écosystème est vital. En attendant, nos deux chercheurs comptent bien percer le secret de ces forêts dissimulées sous les eaux.
* Centre national de la recherche scientifique
** Laboratoire d’Ecogéochimie des Environnements Benthiques
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