Que se passe-t-il concernant les prélèvements en eau potable pour les communes de Salanque ? En octobre dernier, la préfecture des Pyrénées-Orientales a pris un arrêté de mise en demeure contre le président du SMIPEP*, le syndicat chargé des forages d’eau potable en Salanque. Ce président n’est autre que le maire du Barcarès, Alain Ferrand. Les volumes d’eau pompés n’auraient pas été transmis depuis 2022. Pendant ce temps, un projet touristique consommateur d’eau potable avance.
L’arrêté aurait pu passer inaperçu, noyé dans le recueil des actes préfectoraux. Pris le 20 octobre 2025, il pointe les manquements du SMIPEP à des obligations établies dans un précédent arrêté de 2022, malgré plusieurs courriers de relance et des rapports de manquements administratifs. Si Alain Ferrand ne se met pas en conformité d’ici la fin de l’année, il risque une amende administrative pouvant atteindre 15 000 euros et une astreinte journalière de 1500 euros.
L’arrêté de 2025 rappelle « l’état globalement déficitaire de la ressource en eau dans le département des Pyrénées-Orientales et plus particulièrement sur le secteur « bordure côtière Nord » et les incidences graves en cas de non-respect des mesures exigées en 2022.
A cette époque, le préfet avait imposé au SMIPEP des plafonds pour les prélèvements en eau potable dans les nappes phréatiques qui alimentent les communes du secteur Salanque. Il s’agissait de douze forages sur Saint-Hippolyte, Saint-Laurent-de-la-Salanque et Leucate.
Cinq ans pour réduire drastiquement les prélèvements d’eau potable
Les nouvelles prescriptions demandent de diviser par trois à quatre les volumes historiques autorisés sur ces nappes profondes. En clair passer de plus de 10 millions de m3 par an à moins de 3 millions.
Déjà le préfet de l’époque indiquait que « l’augmentation des prélèvements a induit une baisse régulière des niveaux piézométriques dans les nappes pliocènes du Roussillon. » (NDLR : les nappes du Pliocène sont les plus anciennes et profondes, mais aussi les plus en déclin. L’essentiel de l’eau potable y est prélevé.)
Il soulignait un « décalage important entre les autorisations administratives de prélèvement et la disponibilité réelle de la ressource » avec un déséquilibre quantitatif « entraînant des risques en termes de disponibilité d’eau potable ».
Dans son article 6, l’arrêté de 2022 prévoit une période transitoire de 5 ans permettant de développer une stratégie de sécurisation de l’eau potable. Durant cette période, le SMIPEP aurait dû rendre compte des prélèvements en eau potable, et notamment de l’écart entre les volumes réels et les objectifs cibles, mais aussi de l’avancement des travaux de sécurisation, et des éventuelles difficultés.
Ce sont les dispositions de cet article qui n’ont pas été respectées selon le dernier arrêté. Depuis trois ans, le SMIPEP n’aurait pas transmis les fameux volumes pris dans les nappes du Pliocène, qui sont aujourd’hui les plus menacées.
En décembre 2024, le service eau et risques de la DDTM demande une fois de plus à Alain Ferrand de « vérifier les volumes prélevables dans les nappes souterraines du Pliocène » et d’en transmettre un rapport détaillé, ce qui ne sera pas fait. A l’été 2025, la préfecture dresse un rapport de manquement administratif et menace déjà de mettre en demeure, toujours sans réaction.
Quand le maire qui veut un Club Med sur sa commune est aussi le président du syndicat qui occulte les volumes d’eau
Alors que des travaux de sécurisation de l’eau à l’échelle de la Communauté urbaine sont bien en cours, notamment avec l’usine de Cases-de-Pène ou le maillage inter-communes, le silence sur ces prélèvements surprend. S’agit-il d’un simple problème structurel au sein du SMIPEP ? Qu’en est-il des perspectives réelles en eau potable sur le secteur ?
Un sujet d’autant plus inquiétant qu’un projet de Club Méditerranée de 800 à 1000 lits, avec une consommation en eau potable équivalente à celle de plusieurs milliers d’habitants, se précise sur le Barcarès. Cette infrastructure annoncée à près de 180 millions d’euros, qui pourrait voir le jour d’ici cinq ans, fait l’objet de négociations en ce moment entre la mairie et les autres partenaires et collectivités – Département, agglo, CCI, Banque des Territoires – qui pourraient contribuer au financement. Le Club Med ne serait que locataire de ce nouveau village.
Trois mois pour se mettre en conformité
Alain Ferrand étant à la fois maire du Barcarès et président du SMIPEP, difficile d’imaginer que la question de l’eau n’ai pas été abordée dans ce dossier, sur un territoire où les épisodes de sécheresse entraînent des restrictions à répétition. Le canal d’information vers la préfecture n’en demeure pas moins interrompu. Pour éviter la sanction financière, le maire a trois mois pour se mettre en conformité.
Contactés, ni la mairie du Barcarès, ni les services de la Communauté urbaine, Eau Agglo inclus, n’ont pour le moment répondu à nos sollicitations.
*SMIPEP : Syndicat Mixte de Production d’Eau Potable LEUCATE – LE BARCARÈS – SMNPR
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