Las Panteras, duo de musiciennes cubaines mi-afro mi-électro, sont en résidence à la Casa Musicale pour travailler sur leur performance live avant leur showcase du 7 mars.
À l’occasion de la sortie du clip vidéo de leur single « Hasta Cuando », la veille de la journée internationale des droits des femmes, rencontre avec les deux artistes cubaines autour de leur féminisme, de la fusion de leurs deux univers musicaux et de la spiritualité qui les lie.
Entre force et douceur : l’instinct musical des Panteras
La double tête pensante de Las Panteras, c’est Martha Galarraga, et Eliene Castillo. Longs cheveux noirs tressés de couleurs, pantalon à paillettes, faux cils, lunettes colorées les deux femmes se ressemblent mais cultivent leurs différences. Cubaines, nourries et mûries d’influences opposées, elles ont créé un hybride musical, « un félin qui représente la sagesse, qui a de la profondeur, et très maternel ». Mais pas que. « On s’est dit qu’on allait défendre notre projet avec les griffes d’une pantera », sourit Martha.
« La panthère défend ses enfants. On est féministes, mais pas un féminisme qui va détester les hommes, plutôt un féminisme qui protège ses enfants. À chaque fois, on pense à l’image de l’homme qui va défendre sa famille. Mais la femelle aussi amène à manger, elle chasse. Et elle peut être douce. La panthère est également un animal qui attend le bon moment pour chasser. Pour nous, la chasse, c’est le moment de monter sur scène, de montrer notre musique » explique Eliene.
Une alliance née d’un besoin d’émancipation
La première fois qu’Eliene rencontre Martha, c’était à Montpellier. Eliene chantait de temps en temps avec un groupe de rumba cubaine, Martha est venue pour enseigner et apprendre. « Le feeling a tout de suite été très naturel », se souvient Eliene.
Martha est une légende de la musique folklorique africaine, où sa puissance naturelle était contrainte par les clichés traditionalistes de sa culture d’origine. « Du côté de l’univers africain, c’est toujours les hommes qui sont au premier plan », regrette Martha. « Il y a cette séparation, la femme d’un côté, les hommes de l’autre. Il faut avoir un fort caractère pour percer dans ce contexte. Donc c’est très important pour moi d’aller au-delà de ce côté traditionnel, des chants, des tambours … ».
Eliene, elle, cherchait à s’extirper du carcan imprimé en elle par son éducation de conservatoire. « J’ai vécu des années avec un groupe de quatre filles qui faisaient du jazz vocal. J’étais moi-même, mais j’étais très coincée. À l’école, il ne faut pas sortir du cadre du jazz, des accords. Mon côté puissant ne pouvait pas sortir. Avec Las Panteras, j’ai une espèce de liberté ».
La patience de la panthère
Après leur rencontre, alors que leur processus créatif s’accélère, leur manager, Hervé, canalise leurs ardeurs. « On nous disait que dans le domaine créatif, il faut respecter un programme, les enregistrements, le mixage, l’annonce de la sortie … on ne peut pas montrer quelque chose qui est bon, mais qui n’est pas fini. Il nous a fallu beaucoup de patience », sourit Eliene. Martha d’acquiescer. « On a d’ailleurs fait une chanson à ce sujet, qui s’appelle La Paciencia », dit-elle en riant.
Attendre, oui, mais pas pour rien. La date du 7 mars, la veille de la journée internationale des droits des femmes, est choisie pour la sortie de leur premier single, Hasta Cuando. Un titre interrogateur, puisqu’elles s’interrogent, « jusqu’à quand ? Jusqu’à quand les femmes vont-elles être soumises aux hommes ? ».
Puiser dans le féminisme et la religion Yoruba
Pour celles et ceux qui ne comprennent pas la langue espagnole, les paroles de Las Panteras interpellent sur la place des femmes dans le monde. « On dit des choses parfois un peu rudes, on appelle à la prise de conscience », explique Martha. « Les femmes ne sont pas là uniquement pour élever les enfants et rester à la maison. Dans nos chansons, on parle beaucoup d’unification, pas de séparatisme ».
« Et dans la féminité qu’on défend, il y a aussi la beauté. On aime se faire les ongles, on aime se faire des tresses. Mais ce n’est pas parce qu’on se fait belles et qu’on aime bien se maquiller qu’il n’y a pas cette force. Comment dit-on quand on va à la guerre, un escudo ? » interroge Eliene. « Un bouclier », répond Martha. « C’est ça. C’est aussi un bouclier, une protection. On peut avoir l’impression qu’on est superficielles. Mais non. C’est notre féminisme à nous ».
Martha a également enseigné à Eliene la philosophie autour de la religion Yoruba, originaire du Nigeria et des régions voisines du Bénin et du Togo. Centrée sur le culte des orishas, des divinités personnifiant des forces naturelles et des ancêtres déifiés, elle enseigne que chaque individu possède un destin (Ayanmo) à accomplir, guidé par son « Ori » (essence spirituelle), et que la vie est un cycle continu d’existence à travers différentes formes, visant à s’unir au divin créateur, Olodumare. « On tient toujours à dire merci aux ancêtres », explique Martha. « On défend la racine africaine de Cuba, où beaucoup de styles de musique viennent d’Afrique. Ça se mélange, et il y a beaucoup de gens aujourd’hui qui ne savent pas d’où ça vient ».
Le féminisme revendiqué infusé de croyances Yoruba donne une dimension envoûtante à leur performance live. Vendredi soir, le public doit s’attendre à « beaucoup de puissance. Et on veut que les gens se rendent compte de la rareté des femmes sur le devant de la scène ».
Retrouvez Las Panteras pour un concert de restitution de leur travail en résidence le vendredi 7 mars à 18h30, et le lancement officiel de leur premier single, Hasta Cuando. Le samedi 8 mars, de 10h à 12h, le duo de chanteuses proposera un atelier sur les trois éléments de leur œuvre, que sont la danse, le chant (Yemaya et Ochun) et les percussions.
- Les fantômes de Pierre Sergent : Quand l’équipe d’Aliot retirera-t-elle la plaque du cofondateur de l’OAS ? - 15 mars 2025
- S’enrôler, refuser, s’exiler ? La réponse de ces jeunes de Perpignan face au climat de guerre en Europe - 13 mars 2025
- [Interview] Salomé Saqué à Perpignan : Face à l’extrême droite, « tout, sauf l’indifférence » - 8 mars 2025