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À Perpignan, la Marche pour la libération des prisonniers sahraouis fait halte sous tension diplomatique

À Perpignan, la Marche pour la libération des prisonniers sahraouis fait halte sous tension diplomatique

Partie deux mois plus tôt, Claude Mangin Asfari entend dénoncer la détention de prisonniers politiques de ce peuple du Sahara occidental, dont son mari, Naâma Asfari, condamné à 30 ans de prison. 3000, c’est notre chiffre de la semaine : C’est le nombre de kilomètres (environ) qui seront parcourus, à pied, entre Ivry-sur-Seine et la prison de Kénitra, au Maroc. Photo © Louise Canguilhem / Hans Lucas.

Jeudi 24 avril, près de 80 personnes défilaient dans les rues de Perpignan avec, entre leurs mains, des portraits en noir et blanc, tous détenus sahraouis à Kénitra. Le cortège a fait étape dans la cité catalane le long de son parcours.

La mobilisation revendique l’application des décisions rendues par l’ONU en 2023 : la libération des détenus sahraouis jugés en détention arbitraire au Maroc. Plus tôt, en 2016, le Comité contre la torture avait condamné Rabat pour les sévices infligés à Naâma Asfari. En représailles, son épouse, Claude Mangin Asfari, se voit depuis interdire toute visite en prison. Au bout de la marche, elle n’est donc pas certaine de pouvoir franchir la frontière marocaine. La dernière fois qu’elle a vu son mari, c’était il y a neuf ans.

« Cette marche, c’est plus que faire connaître la cause du peuple sahraoui, qui reste peu connue du public français, c’est aussi de permettre à notre concitoyenne et à son époux d’avoir un minimum de droits humains », explique Mehdy Belabbas, animateur du collectif Catalan pour la marche de la liberté.

Arrivée près de Gérone le 28 avril, Claude Mangin Asfari part pour Tarragone vers le 30 avril.

Une marche pour dénoncer la détention des prisonniers sahraouis

À Perpignan, la marche s’est accompagnée d’ateliers d’écriture à destination des prisonniers de Kénitra, et d’une projection-débat au cinéma Le Castillet. L’équipe s’est aussi rendue au Mémorial de Rivesaltes le lendemain, pour « une visite symbolique de ce lieu d’enfermement, qui fait écho à la situation des prisonniers politiques sahraouis ».

« Il faut souligner le très bon travail de la préfecture de police et des forces de l’ordre qui ont assuré la sécurité de nos différentes initiatives et de notre rassemblement dans le centre-ville », précise l’organisateur. Une manifestation en soutien au gouvernement marocain – et donc à revers de la cause défendue par Claude Mangin Asfari – a eu lieu Place Catalogne un peu plus tard dans la journée, comme ce fut le cas dans plusieurs villes de France. « Il y a une grosse communauté franco-marocaine et marocaine ici à Perpignan, et un important lobbying des autorités marocaines en direction de sa diaspora, avec des pressions pour qu’ils se mobilisent », estime Mehdy Belabbas.

Un bras de fer diplomatique et une solidarité croissante

L’idée est venue des marches pour les droits civiques aux Etats-Unis. Il s’agit « d’aller à la rencontre des Français, en traversant plusieurs villes », explique le coordinateur. Ils espèrent ainsi faire grossir le mouvement et gagner leur bras de fer silencieux avec le gouvernement marocain. « Le Maroc essaye d’apparaître comme un pays progressiste, soucieux du droit international », explique Mehdy Belabbas. Alors, s’ils braquent suffisamment de projecteurs sur leur cause, peut-être le Maroc déverrouillera-t-il ses portes pour Claude Mangin Asfari.

L’étape catalane est portée par un large collectif rassemblant syndicats (Sud Éducation Solidaire), associations (ASTI, MRAP, LDH, Survie), et formations politiques (NPA, PCF 66, FI 66, Les Écologistes 66).

« En France, on a l’image du Maroc comme juste d’un endroit, une destination de villégiature, les plages d’Agadir, le souk de Marrakech… On méconnaît cette situation du Sahara occidental, qui est la dernière colonie d’Afrique, selon l’Organisation des Nations Unies », explique Mehdy Belabbas.

Le Sahara occidental : un conflit de souveraineté de longue date

Le Sahara occidental est un territoire situé au nord-ouest de l’Afrique, entre le Maroc, la Mauritanie et l’Algérie. Ancienne colonie espagnole jusqu’en 1975, il est aujourd’hui considéré par l’ONU comme un « territoire non autonome » en attente de décolonisation, et fait l’objet d’un conflit de souveraineté entre le Maroc et le Front Polisario, un mouvement indépendantiste sahraoui soutenu principalement par l’Algérie.

À la fin de la colonisation espagnole, en 1975, le Maroc annexe le territoire par la force à travers la « Marche verte », une opération civile et militaire. Cette occupation est contestée par le Front Polisario – le seul organe habilité à représenter les Sahraouis d’après Mehdy Belabbas -, qui proclame la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en 1976. S’ensuit une guerre entre les deux parties jusqu’en 1991, date d’un cessez-le-feu sous l’égide de l’ONU, accompagné de la promesse (non tenue jusqu’à ce jour) d’un référendum d’autodétermination.

Aujourd’hui, le Maroc contrôle environ 80 % du territoire

Plusieurs ONG (Amnesty International, Human Rights Watch, FIDH…) dénoncent depuis des années les violations des droits humains par le Maroc à l’encontre des militants sahraouis, dont arrestations arbitraires, torture, surveillance, et restrictions à la liberté d’expression.

Le groupe de Gdeim Izik, dont fait partie Naâma Asfari, a été arrêté après le démantèlement brutal d’un camp de protestation pacifique en 2010. Le procès de ces militants a été condamné par l’ONU pour ses irrégularités : aveux extorqués sous la torture, procédures non conformes aux standards internationaux.

La contestation de la légalité du procès de Naâma Asfari

Le Consulat du Maroc à Montpellier, dans un droit de réponse récemment publié dans un article de RCF Radio, rappelle que le procès de Naâma Asfari « a été équitable et transparent », « en présence d’observateurs nationaux et internationaux », et dénonce « une campagne de désinformation » orchestrée selon lui par Claude Mangin Asfari.

Pour Rabat, il n’est pas question de « prisonniers politiques ». Selon la diplomatie marocaine, « les condamnés de Gdeim Izik ont bénéficié de toutes les garanties d’un procès équitable, respectant les normes internationales », et leur présentation comme « victimes » serait une « atteinte flagrante à la mémoire des forces de l’ordre assassinées ».

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