Ancienne élève au lycée Notre-Dame de Bon Secours, à Perpignan, Émilie Agostinho est aujourd’hui en première année de thèse à l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier. La chercheuse travaille sur un traitement pour soigner les personnes atteintes d’un cancer des globules blancs. Selon Santé Publique France, en 2018, 5.071 patients étaient atteints de ce type de lymphome. Photo illustration © Louis Reed / Unsplash.
Il y a quelques années, Émilie, élève de STL (Sciences et technologies de laboratoire), était encore assise sur les bancs du lycée Notre-Dame de Bon Secours. Après un BTS Bioanalyses et contrôles au sein du même établissement, la jeune femme entame une licence en biologie cellulaire et moléculaire, suivie d’un master en biotechnologie et management de projet. Dans son ancien laboratoire de physique-chimie, Émilie livre son parcours aux élèves actuels de la formation. Il y a sept ans, c’est dans cette classe qu’elle se découvrait une passion pour les sciences.
Un nouveau traitement pour soigner le cancer des globules blancs
Au cours de ses études, la jeune femme découvre l’immunothérapie CAR-T cells ou le traitement par cellules. Cette stratégie d’immunothérapie cellulaire vise à combattre le cancer en s’appuyant sur le propre système immunitaire du patient. « J’ai tout de suite su que je voulais travailler dans ce domaine-là », nous explique Émilie. Si à l’époque, cette thérapie n’est pas beaucoup développée en France, l’étudiante ne rend pas les armes.
À la suite d’un stage au sein du laboratoire pharmaceutique Sanofi, elle décroche un poste d’ingénieure à l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier. Émilie travaille sur un type de lymphome précis : « Chez nos patients, les lymphocytes B se développent de manière incontrôlée et créent des tumeurs. Ce qui entraîne un dysfonctionnement du système immunitaire. » Les lymphocytes B sont des cellules du système immunitaire appartenant aux globules blancs. « Ce sont ces cellules qui nous protègent contre les infections », souligne-t-elle.
À terme, si la maladie n’est pas traitée, elle devient létale. « Le lymphome que j’étudie est le plus agressif et le plus commun de tous. Cette maladie peut être très difficile à soigner, parce qu’elle est très complexe. » Il faut souvent trois types de traitements pour arriver à une guérison complète. Il s’agit le plus souvent d’une association de chimiothérapies. « Environ un patient sur trois, rechute ou ne répond pas bien au traitement conventionnel. Pour ces patients, leur espérance de vie est d’environ six mois. Il y avait un vrai besoin d’amélioration », note Émilie.
La thérapie CAR-T cells est un traitement personnalisé, qui utilise les cellules immunitaires du patient pour lutter efficacement contre le cancer. « On traite le patient en modifiant ses cellules en laboratoire, afin qu’elles puissent, après réinjection, détecter et détruire les cellules cancéreuses responsables de la maladie », traduit Émilie. À la différence de certains traitements, la réponse immunitaire est engagée et la maladie va pouvoir être guérie de manière durable. « Chaque patient reçoit un traitement unique puisqu’on mobilise ses propres cellules. »
Des cellules 2.0 transformées en tueuses de tumeurs
Au quotidien, Émilie analyse des lignées de lymphomes, cultivés en boîte de Petri, qu’elle met en contact avec des cellules CAR-T (cellules modifiées génétiquement dans le but d’éliminer les cellules cancéreuses). « J’étudie aussi des échantillons de patients traités par cellules CAR-T, toujours dans le but de mieux comprendre les mécanismes de la maladie et du traitement. » Émilie se base sur les caractéristiques de chaque patient pour essayer d’adapter au mieux la thérapie CAR-T cells.
« Je me suis tournée vers cette thérapie, car elle est vraiment révolutionnaire », lance la chercheuse. Ce traitement a été commercialisé pour la première fois en 2018, aux États-Unis. Un an plus tard, le CHU de Montpellier devenait l’un des premiers centres certifiés pour l’administrer. Preuve de son efficacité, « certains patients traités en 2019, sont encore en rémission complète aujourd’hui », affirme Émilie.
Si ce traitement offre un nouvel espoir aux malades, il n’est proposé qu’aux patients éligibles cliniquement. « Ce sont des traitements extrêmement chers », nous répond Émilie. Les cellules génétiquement modifiées et le suivi des patients engendrant des frais importants. D’autant plus que les effets indésirables, à court terme, ne sont pas rares. À noter qu’en France, ce traitement est complètement remboursé.
« L’objectif de ma thèse est d’étudier l’impact de l’environnement métabolique pour améliorer l’efficacité des traitements. » En clair, identifier des éléments permettant de guider le choix du traitement par CAR-T cells en fonction du type de lymphome. D’autres laboratoires travaillent à concevoir un médicament CAR-T cells capable de s’adapter à différents patients, ce qui réduirait les coûts et augmenterait sa disponibilité. « Cependant, cela reste un défi très complexe », selon Émilie.
À Perpignan, Émilie livre son parcours au sein de son ancien lycée
« Dans ma famille, personne n’est scientifique. Mais j’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont toujours soutenue et qui m’ont poussée à aller plus loin. Ma carrière scientifique, elle s’est faite au cours du temps, à force d’engranger des connaissances et de voir toutes les possibilités de travail qui s’offraient à moi. Le fait d’aider les patients à avoir de nouveaux traitements, c’est aussi ce qui a alimenté ma passion », confie la chercheuse.
Pour Émilie, les qualités premières du chercheur sont sa curiosité, son sens de l’organisation et l’esprit d’équipe. Début janvier, elle présentait son parcours à trois classes de première, terminale et BTS. « J’ai gardé un lien très fort avec ma prof principale de STL, je lui ai envoyé un message pour la remercier de l’implication qu’elle avait mise au début de ma carrière », sourit Émilie. L’enseignante lui propose alors de rencontrer ses élèves actuels.
« J’ai voulu leur faire comprendre qu’ils pouvaient avoir le choix de choisir leur métier et que celui-ci allait être 70% de leur vie. Même s’ils sont très jeunes, c’est à ce moment-là que les cartes se jouent pour leur avenir », nous explique Émilie, ravie de revenir à Perpignan pour partager son expérience. Aujourd’hui, la chercheuse embrasse la carrière qu’elle a toujours rêvée.
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