Article mis à jour le 7 janvier 2025 à 15:39
Ce lundi 6 janvier 2025, Michel Barcelo, président de la coopérative apicole des Pyrénées-Orientales et Guillem Batlle, développeur de projets pour la société Visolar, nous présentaient la première « nurserie d’abeilles » du département. Un projet inédit qui devrait voir le jour dès l’année prochaine.
En 2024, les Pyrénées-Orientales enregistraient la plus grosse mortalité de ruches en France, avec une perte estimée à 49%. À titre de comparaison, les autres départements tournent autour de 29% en moyenne. Et la sécheresse, qui sévit depuis ces trois dernières années, n’a pas amélioré la situation des apiculteurs catalans.
Des essaims d’abeilles surmontés de panneaux photovoltaïques
La création d’une nurserie d’abeilles est dans les cartons depuis 2009. À l’époque, elle faisait l’objet d’un plan de relance de la filière apicole, afin de pérenniser la production du cheptel local. Aujourd’hui, l’entreprise Visolar, spécialisée en énergie photovoltaïque, et la coopérative apicole travaillent ensemble à l’élaboration de ce projet, validé par la mairie d’Ortaffa. Bientôt, entre 1 600 et 1 800 essaims surmontés de panneaux photovoltaïques, occuperont un terrain en friche de 15 hectares, à deux pas de la miellerie coopérative.
« Le seul levier sur lequel on a vraiment la main, c’est le renouvellement des colonies », lance Michel Barcelo, apiculteur depuis 40 ans. « On ne peut pas intervenir sur la sécheresse et les contraintes environnementales multiples que connaît le monde apicole. » Les colonies d’abeilles souffrent de la disparition des haies, des plantes mellifères et de la présence de prédateurs tels que le varroa, une espèce d’acariens parasites, ou le frelon asiatique.
Selon Michel Barcelo, un apiculteur professionnel débourse bien souvent entre 10 et 15 000 euros pour renouveler la moitié de son cheptel chaque année. « Un essaim coûte au minimum 100 euros. Si l’on achète un essaim français, avec des caractéristiques bien précises, cela peut monter à 150 euros ! » D’autant plus que la ruche a une morbidité naturelle. Au bout de trois ans, elle perd ses capacités de production. « L’idée, c’est de rendre le coût du renouvellement des essaims dérisoire pour le coopérateur », nous explique l’apiculteur.
Une abeille résistante à la sécheresse et autosuffisante
La nurserie sera alimentée par des essaims vieillissants, qui seront divisés et revitalisés grâce à un élevage de reines. Ces nouvelles colonies seront ensuite vendues à des apiculteurs adhérents de la coopérative, à des prix compétitifs. « La nurserie multipliera des essaims, potentiellement plus performants », espère Guillem Batlle. « On peut par exemple sélectionner des colonies qui s’adapteront davantage aux conditions climatiques que l’on connaît. » Si pour l’heure, il n’y a pas d’écotype spécifique, l’équipe est en quête d’une abeille résistante à la sécheresse et autosuffisante.
Les ouvrières sont souvent victimes de chocs thermiques, causant un taux important de mortalité. Une ruche doit se maintenir à une température d’environ 37 degrés. « En été, les abeilles régulent cette température avec des apports d’eau et ventilent la ruche en battant des ailes », nous explique Michel. Cet effort devient considérable pour les insectes en situation de stress hydrique et qui peinent à trouver de quoi butiner. En période de sécheresse, le nectar se fait rare et certains apiculteurs sont même contraints de nourrir eux-mêmes leurs abeilles carencées.
Les rangées de ruchettes en développement à la nurserie bénéficieront de la présence de panneaux solaires mobiles. « Ces ombrières s’orienteront d’est en ouest, en suivant la course du soleil », souligne Guillem Batlle. Le matin, les ruches seront exposées aux rayons du soleil. L’après-midi, elles seront à l’ombre, protégées de la chaleur excessive. La prairie sera ensemencée d’estragon, de thym ou de sauge pour alimenter les abeilles. Un coup de pouce pour les ouvrières qui s’adaptent tant bien que mal en attendant que la pluie redonne des couleurs à la nature.
Un second souffle pour la filière apicole des Pyrénées-Orientales
Si de moins en moins de jeunes se tournent vers le métier d’apiculteur, l’objectif de la nurserie est aussi de soutenir l’activité en suscitant de nouvelles installations. Actuellement, le département compte 200 à 300 apiculteurs, dont une quarantaine de professionnels. Mais selon Michel, cette proportion a tendance à diminuer.
« En continuité de ce projet-là, il est prévu qu’on construise un bâtiment d’exploitation qui viendra compléter les infrastructures de la miellerie », annonce Guillem Batlle. Du matériel apicole y sera stocké et mis à la disposition de tous. « L’idée est de pouvoir proposer une aide à des agriculteurs novices, en leur permettant de rejoindre la coopérative. » Une partie des essaims est d’ores et déjà réservée aux jeunes apiculteurs souhaitant se joindre à l’aventure. Le miel produit à la nurserie sera ensuite apporté à la coopérative d’Ortaffa, valorisé en boutique, sur des marchés ou redistribué en grande surface.
Près de 9 millions d’euros ont été investis par Visolar dans la réalisation de la nurserie. Si les panneaux photovoltaïques ne seront installés qu’à partir de 2026, d’ici là, le travail d’identification des ouvrières a déjà débuté. Les premières abeilles devraient bientôt bourdonner, sous les ombrières qui s’étendront à perte de vue.
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