Article mis à jour le 18 septembre 2025 à 14:14
Les enfants de moins de six ans sont plus touchés encore que les adultes. Ce lundi 15 septembre, l’étude nationale PestiRiv, menée par Santé publique France et l’ANSES*, révèle l’exposition aux pesticides des riverains de zones viticoles. L’Occitanie est concernée par les prélèvements.
L’étude a en effet été menée entre 2021 et 2022 dans 256 sites, répartis sur six régions viticoles Françaises, dont l’Occitanie. 1946 adultes et 742 enfants qui vivent à moins de 500 mètres d’une vigne et à plus d’un kilomètre de toute autre culture ont participé à l’étude qui a coûté près de 11 millions d’euros et a mobilisé de nombreux partenaires et chercheurs.
Pour rappel 4 % de la population française vit à moins de 200 mètres d’une parcelle de vigne. Une proximité particulièrement observée dans les Pyrénées-Orientales avec un habitat souvent intriqué à la viticulture.
56 substances actives ont été recherchées dans les urines et les cheveux des habitants, mais aussi dans les poussières et l’air intérieur et extérieur du logement. Parmi les substances ont été recherchés des fongicides, dont le cuivre utilisé en agriculture biologique, ou encore le folpel très courant en viticulture, mais aussi des herbicides comme le glyphosate, ou des insecticides.
« Nous sommes convaincus que cette transparence peut-être bénéfique pour la profession, et bien sûr pour la connaissance que les riverains appellent de leur vœu » rappellent les représentants de l’ANSES et de Santé Publique France lors de la conférence de presse.
Jusqu’à 1000 % de pesticides en plus dans les poussières des habitations à proximité d’une vigne
Les résultats sont sans appel. La contamination en zone viticole par rapport aux zones éloignées de toute culture montre une augmentation de 15 à 45 % de substances dans les urines. Une augmentation qui peut dépasser les 1000 % dans les poussières et l’air ambiant.
« Les pesticides recherchés dans les urines, au nombre de 12, ont été retrouvés dans la quasi-totalité des échantillons. »
Dans l’air ambiant, 33 des substances ont été retrouvées sur 39 recherchées, avec des niveaux élevés pour le soufre, le cuivre ou encore le folpel. Dans les poussières, presque toutes les substances ont été détectées. Même chose pour les cheveux, à des niveaux plus faibles. Au-delà du logement ou des habitants, on constate aussi une présence de quelques-uns des pesticides dans les fruits et légumes des jardins particuliers.
« L’exposition en période de traitement est plus élevée, avec des niveaux de contamination qui pouvaient augmenter jusqu’à 60 % dans les urines, et jusqu’à plus de 700 % dans les poussières. » Les nourrissons n’ont pas été testés, mais il apparaît que les enfants de 3 à 6 ans sont plus imprégnés que le reste de la population.
L’impact sur la santé ne sera recherché que dans une prochaine étude
A ce stade, l’étude ne se penche que sur l’exposition et non sur les effets sur la santé. Les niveaux relevés correspondent en effet à ce qui était attendu pour les autorisations de mise sur le marché, mais il manque le volet épidémiologique et l’impact de ces produits après leur mise sur le marché. Cela doit faire l’objet de prochaines recherches conduites par Santé Publique France.
« La culture a une influence sur la charge corporelle mais on n’est pas forcément dans une circonstance d’alerte, avec un risque avéré », rappelle une représentante de l’ANSES. « On peut se douter que moins on est imprégné, mieux on se porte », ajoute-t-elle cependant.
Aérer votre logement vous expose davantage aux substances
L’étude PestiRiv devrait permettre de déterminer plus facilement les leviers pour diminuer une telle exposition. Les premiers déterminants sont, sans surprise, la distance par rapport à la parcelle de vigne et la quantité de pesticides épandus. Vient ensuite, et ça peut-être contre-intuitif, l’aération du logement, qui augmente l’exposition. Puis, dans une moindre mesure, des gestes du quotidien, comme se déchausser en rentrant chez soi, limiter la consommation d’œufs de poulailler domestique, sécher le linge à l’intérieur…
Santé Publique France et l’Anses recommandent de limiter l’usage de pesticide au « strict nécessaire », et de renforcer l’information des riverains sur les pratiques d’épandage. Les particuliers ayant participé à l’étude pourront se faire communiquer leurs résultats individuels. En revanche, PestiRiv ne propose pas de comparatif entre régions ou départements. « On n’a pas de puissance statistique suffisante pour aller plus finement sur le maillage du territoire. »
La filière met en avant ses avancées
La publication de l’étude suscite évidemment des réactions. Chez les professionnels de la filière tout d’abord. Comme l’explique Julien Thiery, responsable viticulture à la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales, « c’est une étude qu’on attendait avec impatience et ses résultats qui ne nous surprennent pas ». Il regrette néanmoins que l’étude, notamment au vu de son coût de 11 millions d’euros, ne se contente que de « résultats d’exposition et non de conséquences sanitaires ».
Selon lui, la filière viticole a déjà mis en place un certain nombre d’efforts pour « améliorer ses pratiques et pour respecter la réglementation qui a été durcie – à raison – ces dernières années ». Il évoque notamment « les pratiques pour respecter le voisinage ». Avec « l’arrêt des traitements quand il y a un vent significatif supérieur à 20 km/h, la prise en compte de la proximité des riverains avec le respect des zones de non-traitement, et puis aussi le fait de prévenir les riverains avant les applications ». Julien Thiery rappelle également que les viticulteurs sont les premiers exposés à ces produits et que leur santé en dépend. Il indique ainsi que la filière est l’une des plus engagées pour la réduction des pesticides, avec 25% d’exploitations bio et 88% des surfaces considérées comme « HVE » (pour Haute valeur environnementale). Il précise ensuite que « l’usage des produits de biocontrôle (produits naturels, à l’inverse des produits phytosanitaires chimiques, ndlr) a augmenté de 56 % en 10 ans, et dans le même temps, les produits phytosanitaires de synthèse ont diminué de 38 % ». Enfin, il rappelle que tous les agriculteurs doivent être formés pour pouvoir utiliser des produits phytosanitaires et être vêtus (en théorie) d’équipements de protection individuels (EPI).
Les associations de défense de l’environnement interrogent le lien avec les cancers pédiatriques
Du côté des associations de défense de l’environnement, aussi l’on réagit. Dans un communiqué, Générations Futures, se satisfait de voir publiées enfin « des données qui permettent de reconnaitre l’exposition réelle des riverains de zones viticoles aux pesticides et la nécessité de réduire cette exposition problématique ! ». L’association rappelle que « l’étude PestiRiv a été lancée en 2021 après un signalement par l’association « Alerte des médecins sur les pesticides » (AMLP) d’une suspicion d’agrégat de cancers pédiatriques dans la commune de Preignac (Gironde) et au regard du manque de données sur l’exposition des riverains des zones cultivées avec des pesticides ».
Générations Futures appelle à protéger davantage les riverains. « Nous appuyons les demandes de l’Anses et de Santé Publique France qui demandent de réduire les usages des pesticides et donc une mise en œuvre ambitieuse la Stratégie Ecophyto 2030 et d’accéder aux données réelles d’utilisation des pesticides ». Concrètement, elle appelle également à des mesures très concrètes : « respecter les objectifs initiaux d’Ecophyto (baisse de 50% de l’utilisation des pesticides) ; interdire toutes les substances dangereuses : CMR, perturbateurs endocriniens, PBT, PMT ; instaurer des zones de non-traitement (ZNT) de 100m minimum ; accompagner la transition agroécologique et à la conversion à l’agriculture biologique afin de créer des “ceintures vertes” autour des communes ; rendre les registres d’épandage accessibles sous format numérique ; systématiser les systèmes d’alerte 48h avant un épandage ».
*ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
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