Le 31 mars 2024, Théo Clerc, graffeur français est arrêté par la police azerbaïdjanaise. La veille, cet artiste urbain a réalisé un graffiti sur un wagon de métro, à Bakou. Pour le jeune homme et sa famille, c’est le début du calvaire. Depuis les Pyrénées-Orientales, en ce mois de mai 2025, la famille de Théo lance un dernier appel. Crédit photo © Grant Durr / Unsplash.
« Aujourd’hui nous sommes désespérés. Nous avons une peine immense de savoir notre fils détenu là-bas, sa vie gâchée pour un simple graffiti », clame Martine Clerc, la mère de Théo. Le jeune homme, âgé de 39 ans, est peintre-décorateur dans le cinéma. Depuis l’enfance, Théo baigne dans un milieu artistique. « Malheureusement, le graffiti, c’est sa grande passion », déplore à demi-mots Martine.
Un jeune artiste français détenu en Azerbaïdjan
« C’est un art à part entière, les graffeurs font partie d’une communauté qui voyage partout dans le monde », nous explique le père de Théo, lui-même artiste. Le 25 mars 2024, Théo se rend donc à Bakou, accompagné de deux amis artistes, un Néo-Zélandais et un Australien. « Son périple s’est arrêté en Azerbaïdjan », regrette-t-il.
À la nuit tombée, les trois hommes pénètrent dans la rame de métro munis de leurs bombes de peintures. Après s’être adonné à leur art, ils rentrent à leur hôtel. Sans se douter que le lendemain, ils seront arrêtés par les forces de l’ordre. « Ils sont passés en comparution immédiate. Le juge a décidé d’une amende et puis les a relâchés », débute Martine. « Mais la police ne voulait pas en rester là. Ils ont emmené Théo en prison. »
Le jeune homme restera en préventive, dans l’attente de son procès. « Ça a duré sept mois », souffle Martine. Incarcéré dans une petite cellule de 20 mètres carrés, qu’il partage avec huit autres détenus, Théo dort à même le sol sur une paillasse. Un jour, un détenu poignarde un autre prisonnier. La promiscuité, engendrée par la surpopulation, exacerbe les tensions. Pour Théo c’est le choc, le jeune homme tremble à l’idée de revivre cette scène d’horreur.
« Nous avons demandé à ce qu’il change de prison, par l’intermédiaire de son avocat, cela a été accordé moyennant 500 euros. Tout s’achète là-bas », déplore Martine. Finalement, Théo changera juste de cellule. Charlie a pu rencontrer son frère à trois reprises, des visites très courtes, d’environ 10 à 15 minutes chacune. Lors de son séjour, il rencontre également l’Ambassade de France en Azerbaïdjan pour discuter de la situation.
L’Azerbaïdjan a fait de la France sa bête noire
Après sept mois d’enfer dans les geôles Azerbaïdjanaises, le deuxième procès arrive enfin. Le 10 septembre 2024, le tribunal de Bakou condamne Théo à trois ans de prison ferme pour « dégradation de biens publics ». Ses deux amis écopent d’une amende de 3 500 euros chacun, et sont autorisés à quitter le pays, tandis que Théo reste incarcéré. Pour les parents du jeune homme c’est l’incompréhension, ils ont pourtant réalisé le même tag, sur le même train, la même nuit… « Théo n’est pas du tout politisé. Son tag n’a rien à voir avec un acte militant », assure Martine. La famille décide de faire appel.
Théo Clerc a-t-il été victime d’un traitement arbitraire et ouvertement discriminatoire ? En effet, l’Azerbaïdjan a fait de la France sa bête noire, en raison du soutien apporté à l’Arménie, dans la guerre au Haut-Karabakh. «Il y a effectivement un contexte délicat entre l’Azerbaïdjan et la France. En cas de tensions diplomatiques, les ressortissants français peuvent parfois être utilisés pour faire pression», assure la sénatrice des Pyrénées-Orientales, qui a été sollicitée par la famille.
Une source diplomatique confirme que ce jugement est ouvertement arbitraire et discriminatoire. Depuis plus d’un an, l’Azerbaïdjan a fait le choix d’ouvrir une crise bilatérale avec la France et les autorités azerbaïdjanaises ont multiplié les agissements et les déclarations hostiles.
Il y a quelques mois, Lauriane Josende écrivait au ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot : « Suite à mon intervention, le ministère a diligenté une nouvelle visite consulaire. Lorsqu’on est ressortissant français, incarcéré à l’étranger, on a le droit d’avoir des visites consulaires, autrement dit le pays d’origine a le droit de vérifier les conditions dans lesquelles le ressortissant est incarcéré. J’espère que ce dossier avancera dans le bon sens et que, si effectivement l’abus de pouvoir est démontré, Théo Clerc sera libéré au plus vite. »
« Je n’ai pu voir mon fils que 10 minutes »
Le 15 décembre 2024, la cour d’appel de Bakou confirme la peine de trois ans de prison. Un coup de massue pour Martine qui parcourt près de 5 000 kilomètres pour rejoindre son fils. « Nous avons rencontré le directeur de la prison, il nous a promis que Théo changerait de bâtiment », explique la mère de famille. Peu de temps après, le Français est transféré vers un autre bâtiment de la prison, où il n’est plus en détention préventive. Si les conditions de détention demeurent inquiétantes, Théo réapprend à marcher, après des mois passés recroquevillé sur lui-même.
Martine se remémore douloureusement sa première visite au parloir : « Je n’ai pu voir mon fils que 10 minutes, à travers une vitre », un déchirement pour la mère de famille qui s’effondre. « Théo m’avait dit qu’il y avait une pièce où certains prisonniers pouvaient recevoir leurs parents. J’ai demandé si je pouvais avoir ça. » Alors qu’elle doit bientôt rejoindre Paris, Martine se rend une dernière fois à la prison pour dire au revoir à son fils, cette fois-ci, elle pourra le serrer dans ses bras et l’embrasser.
Pour rappel, depuis le 4 septembre 2024, le Quai d’Orsay déconseille « sauf raison impérative, aux ressortissants français, de se rendre en Azerbaïdjan. » Selon notre source diplomatique, la situation de Théo Clerc est suivie attentivement par les services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, à Paris et à Bakou.
Alors que tous ses espoirs s’effilochent, Martine a demandé la grâce présidentielle au président Azerbaïdjanais, Ilham Aliyev. Une dernière tentative pour essayer de faire libérer son fils.
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