Article mis à jour le 15 mai 2025 à 12:11
Derrière les façades du dynamisme démographique, les Pyrénées-Orientales affrontent une mutation silencieuse : une multiplication des ménages, portée par l’attractivité résidentielle, le vieillissement et la décohabitation. Selon une projection dévoilée ce 15 mai par l’Insee et la Dreal, le département devrait accueillir près de 400 nouveaux ménages par an jusqu’en 2050. Une tendance qui interroge la capacité du territoire à produire du logement tout en respectant l’objectif de sobriété foncière.
Une poussée démographique alimentée par la décohabitation
La croissance du nombre de ménages dans les Pyrénées-Orientales atteint + 0,6 % par an entre 2021 et 2050, en dessous de la moyenne régionale (+ 0,67 %). Cette dynamique repose en partie sur des arrivées de nouveaux habitants – notamment des retraités – mais aussi sur des facteurs plus diffus : la hausse des séparations, les départs plus précoces du foyer parental, ou encore le vieillissement de la population.
Le nombre de personnes vivant seules croît fortement : dès 2035, les ménages composés d’une seule personne devraient dépasser ceux formés de couples. À l’horizon 2050, la taille moyenne des ménages chutera à 1,91 personne, contre 2,19 en 2010. Résultat : plus de logements nécessaires pour loger une population à peine plus nombreuse.
Une équation foncière difficile à résoudre
Dans les territoires littoraux et périurbains des Pyrénées-Orientales, les terrains constructibles se raréfient. Le département est soumis à l’objectif ZAN 2050, qui plafonne strictement le foncier disponible et dicte une sobriété foncière.
Les marges de manœuvre pour produire du logement neuf y sont ainsi très contraintes, d’autant que la part de résidences secondaires reste élevée et que la vacance structurelle, bien que significative, se heurte à des coûts de remise sur le marché.
Sobriété foncière et loi Climat : le cadre légal
Zéro artificialisation nette (ZAN) : la loi Climat et Résilience d’août 2021 fixe l’objectif d’une absence d’artificialisation nette des sols d’ici à 2050, avec une réduction de 50 % de la consommation d’espace sur 2021-2030 par rapport à la décennie précédente, puis -30 % par période décennale pour 2031-2040 et 2041-2050.
SRADDET Occitanie : le schéma régional d’aménagement en cours d’adoption traduit ces cibles en surfaces maximales urbanisables :
- 2021-2030 : 14 200 ha
- 2031-2040 : 9 900 ha
- 2041-2050 : 6 900 ha
Trajectoire de densification : pour tenir ces seuils tout en logeant les nouveaux ménages, l’espace consommé par logement doit décroître de 960 m² en 2021 à 850 m² en 2050 (– 110 m² en trente ans), alimentant un effort de densification des zones urbaines et périurbaines.
Une tension qui reflète une crise régionale plus large
En Occitanie, 570 000 ménages supplémentaires sont attendus d’ici 2050, dont les deux tiers entre 2021 et 2035. L’Insee chiffre les besoins à 37 000 nouveaux logements par an jusqu’en 2035, puis 17 000 entre 2035 et 2050. Ces estimations excèdent largement la production actuelle : 31 500 logements mis en chantier en 2024, soit 75 % du besoin annuel régional. Le déficit est estimé à plus de 11 000 logements cette année-là.
Les Pyrénées-Orientales, bien que modestes en population, sont pleinement intégrées à cette tension. Le département capte une part importante des flux migratoires internes, attirant aussi bien les seniors que des familles en quête d’un cadre de vie moins cher que celui des grandes métropoles. Il voit donc croître une demande sociale difficile à absorber.
De quels logements parle-t-on ?
Selon les projections, 68 % des besoins en logements sont directement liés à la croissance du nombre de ménages. Le reste se répartit entre la résorption du mal-logement (14 %), soit le sans-abrisme, l’hébergement contraint, ou les logements indignes ou inadaptés ; la vacance structurelle (8 %) ; et les résidences secondaires (10 %), dont la part reste élevée sur la côte catalane.
Les pouvoirs publics misent sur trois leviers complémentaires pour limiter la construction neuve : densification du tissu bâti, réhabilitation des logements vacants, et transformation des résidences secondaires en résidences principales. Ces options, bien que pertinentes sur le papier, se heurtent dans les Pyrénées-Orientales à la faible rentabilité locative, à la dispersion géographique du parc inoccupé, et à la difficulté à mobiliser les propriétaires.
Une projection prudente, mais alarmante
L’étude rappelle que ces projections s’appuient sur la poursuite des tendances récentes jusqu’en 2030, puis à un rythme moitié moindre jusqu’en 2050.
Des scénarios alternatifs intègrent l’effet de politiques publiques ciblées (sur les jeunes ou les personnes âgées). Dans une hypothèse de décohabitation plus précoce et de maintien à domicile prolongé, 60 000 ménages supplémentaires viendraient s’ajouter au total régional – soit 10 % de plus.
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