Article mis à jour le 28 décembre 2025 à 08:53
Notre département est en retrait en matière de véhicules électriques. Ces derniers ne représentent que 16,7% de parts de marché pour les particuliers, contre 22 % en Occitanie et 20 % en France. Pour autant, le nombre de bornes de recharge progresse sur le domaine public comme privé. L’argument de la contrainte devient de moins en moins un frein.
Quand on compare l’année 2025 à 2024, les immatriculations de véhicules essence et diesel dans les Pyrénées-Orientales ont chuté de plus de 30 % chacune. Mais c’est davantage au profit des voitures hybrides non rechargeables que des électriques ou des hybrides rechargeables. Ces dernières n’ont gagné qu’environ 1 % d’immatriculations supplémentaires.
« Cela peut s’expliquer par la géographie du département », explique Bruno Ceschin, chargé de projet pour Mobilians, organisation patronale spécialisée dans l’automobile. « Mais également par une population peut-être moins à l’aise financièrement. Du coup, les gens qui ont pu s’équiper l’ont fait, mais en convaincre d’autres devient compliqué. »
Pour Bruno Ceschin, la crise Covid a fortement impacté le véhicule électrique, avec une chute de 25 % depuis 2019. Les annonces politiques créent par ailleurs une instabilité dans l’esprit du consommateur, entre la fin du véhicule thermique envisagée pour 2035 ou les discours contradictoires concernant les zones à faibles émissions (ZFE).
Des bornes non rentables, mais un maillage du territoire comme pari sur l’avenir
Le Sydeel 66* se charge du déploiement des bornes de recharge sur l’espace public, en lien avec les mairies. 117 bornes, soit 234 points de charge, sont déjà en place dans les Pyrénées-Orientales, sur du foncier public ou privé communal. Un partenariat avec Bouygues, pour un déploiement privé mais coordonné par le Sydeel, devrait les porter à plus de 500 d’ici fin 2026. Ce déploiement commencera sur le secteur des stations de ski, en début d’année. Si l’on rajoute le domaine privé déjà équipé, notamment les bornes des zones commerciales, on approcherait le millier de prises dans le département.
« Les premiers déploiements ont commencé vers 2016 », explique Clément Lauze, chargé de mission pour le Sydeel. Financés par le syndicat et par le programme Advenir de l’Etat, 63 premiers points de charge avaient alors été installés, aussi éparpillés que possible pour mailler le territoire. « Quasiment aucune borne n’était rentable car il y avait trop peu de véhicules. Et ça l’est très peu aujourd’hui encore. » Il s’agit avant tout de répondre à un intérêt public et d’anticiper le déploiement de ces véhicules. Selon lui, même les bornes dans le privé ne sont pas toutes rentables. « Les opérateurs privés veulent sécuriser du foncier sur de très longues années. »
Peu à peu le privé s’approprie les zones urbaines ou touristiques, notamment le littoral, surtout avec des bornes rapides. Par souci d’égalité, le Sydeel devrait donc s’orienter de plus en plus vers les zones reculées.
« On manque de bornes dans les Fenouillèdes, dans le Vallespir… Nous ne cherchons pas la rentabilité mais l’équilibre. On devrait l’atteindre l’année prochaine sur le coût de maintenance, sans prendre en compte l’investissement. »
Le coût d’installation est en revanche conséquent. Avec les travaux, les bornes lentes, d’une durée de vie d’une quinzaine d’années, coûtent plus de 10 000 euros chacune. Elles représentent 80 % du réseau déployé par le Sydeel. Le reste est composé de bornes rapides coûtant plus 50 000 euros chacune. On est encore loin des stations rapides complètes du privé, comme les grosses stations Tesla, pour lesquelles plusieurs centaines de milliers d’euros peuvent être en jeu.
Pollution, contraintes… Des idées reçues à nuancer
L’intérêt écologique, contrairement à certaines idées reçues qui prétendent que la voiture électrique pollue autant, semble établi. C’est un point que souligne le Sydeel mais aussi l’Association pour la Mobilité Electrique 66. Son président Jan Becker reconnaît un handicap à la fabrication du véhicule, avec un impact environnemental supérieur lié à la fabrication des batteries.
« On estime aujourd’hui que pour une utilisation normale, la voiture électrique compense ce handicap de CO2 après un an » explique-t-il. Selon la manière dont on roule, cela reviendrait à 30 000 ou 40 000 km. « Le bilan de CO2 est très vite favorable à la voiture électrique. »
Sans oublier le gain sur les particules fines. Le lieu où on recharge joue bien évidemment, selon que l’énergie soit décarbonée ou non. Dans les pays où l’électricité est produite à partir de charbon, c’est une autre histoire.
Pour Jan Becker, le bornage devient vraiment attractif. « Même si je prends des toutes petites communes comme Ur ou Montner, on trouve quand même des bornes, c’est bon signe. Aujourd’hui, pour les Pyrénées-Orientales, on a environ une borne pour dix véhicules. » Des systèmes de pénalités évitent qu’un même véhicule s’accapare un emplacement trop longtemps. « Pendant des années, notre combat était d’augmenter le nombre de bornes, aujourd’hui nous sommes plus sur la manière de motiver les gens à sauter le pas pour passer à la voiture électrique. » Les autonomies deviennent plus conséquentes, les temps de charge se réduisent.
La voiture électrique, une histoire vieille de plus de cent ans
« La voiture électrique a existé avant la voiture thermique, il y a plus d’un siècle, mais ça n’a pas marché à l’époque. Dans les années 2000, on avait des modèles classiques avec des moteurs électriques, comme des Peugeot 106, des Citroën Saxo. On les rechargeait chez soi ou à la concession, il y avait une petite autonomie de 120 km. Aujourd’hui il y a des voitures qui affichent 500 ou 600km. »
Jan Becker a acheté sa première voiture électrique, d’abord comme véhicule secondaire, il y a treize ans. « J’ai mis à la casse mon dernier véhicule thermique en 2019. Jamais de la vie je ne reviendrais au thermique. C’est vrai qu’il faut préparer un peu plus les voyages, mais c’est tellement paisible. »
Reste la question du prix, encore discriminante. Pour Jan Becker, c’est vers le marché de l’occasion qu’il faut se tourner, avec un écart plus faible entre les types de propulsion. « Il ne faut pas que regarder le coût d’acquisition, mais aussi le coût du carburant. »
En clair, une charge rapide sur autoroute vous coûtera autant qu’un plein d’essence. Une charge sur borne publique sera deux fois moins chère. Si vous chargez la nuit à la maison, ce sera quatre fois moins. « Même si le tarif de l’électricité doublait, ce serait quand même deux fois moins cher » rappelle Clément Lauze. Pour un véhicule qui roule 30 000 km, cela peut représenter plus de 2000 euros d’économies par an, sans compter l’entretien moindre.
Pour le moment, les bornes du réseau Révéo déployé par le Sydeel nécessitent un abonnement ou un paiement par QR code. Peu à peu, elles seront équipées de TPE pour payer plus facilement par carte bancaire. Autre évolution qui approche : le « plug and charge » où la borne reconnaît le véhicule dès que vous vous branchez et débite directement votre compte. Le syndicat continue de déployer une quinzaine de bornes par an.
Le saviez-vous ?
Depuis 2020, il existe un « droit à la prise » en France, qui permet, sous certaines conditions, d’imposer une borne de recharge sur une place de stationnement de sa copropriété. Ce droit concerne les locataires comme les copropriétaires. Pratique quand on vit en appartement !
*Sydeel 66 : Syndicat Départemental d’Energies et d’Electricité du Pays Catalan. Ce syndicat est propriétaire des réseaux d’électricité pour 220 des 226 communes du Département. Le syndicat gère aussi l’éclairage public sur une centaine de communes.
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