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La rédaction de Made In Perpignan s’engage pour la protection des sources

Courrier Disclose Ariane Lavrilleux protection sources

Article mis à jour le 13 janvier 2025 à 13:29

Lundi 13 janvier 2025, plus de 80 organisations de presse ont adressé un courrier au gouvernement afin de demander un renforcement de la protection du secret des sources journalistiques.

Ce courrier, signé par des médias, des syndicats, des ONG et des associations, plaide pour des mesures concrètes visant à préserver l’indépendance et la liberté d’investigation des journalistes. Ces revendications interviennent dans un contexte particulièrement tendu pour la presse, marqué par le cas emblématique de la journaliste Ariane Lavrilleux.

En novembre 2021, la journaliste pour le média d’investigation Disclose révèle l’opération militaire secrète française « Sirli » en Égypte, détournée par les autorités égyptiennes pour cibler des civils. Deux ans plus tard, en septembre 2023, elle est placée en garde à vue pendant 39 heures et son domicile perquisitionné par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dans le cadre d’une enquête pour compromission du secret de la défense nationale. Cette affaire, qualifiée par Disclose de « nouveau cap » dans les pressions exercées contre les journalistes, a suscité de vives réactions, de nombreux médias et organisations dénonçant une atteinte à la liberté de la presse et au secret des sources.

Arianne Lavrilleux est convoquée le 17 janvier prochain devant le tribunal de Paris. La journaliste risque une mise en examen.

Adoptée en 2010, la loi Dati garantit le secret des sources, essentiel pour que les journalistes puissent enquêter et publier des informations d’intérêt public sans craindre de représailles. Mais pour les organisations signataires du courrier, ce cadre légal est trop facilement contourné. Elles dénoncent notamment la possibilité de lever ce secret en invoquant un « impératif prépondérant d’intérêt public », une notion vague et sujette à interprétation.

Pour y remédier, cinq propositions ont été formulées dans le courrier adressé ce jour :

– Encadrement strict des exceptions : Restreindre le champ de l’« impératif prépondérant d’intérêt public » en précisant les situations justifiant la levée du secret des sources.

– Autorisation judiciaire préalable : Exiger qu’un juge indépendant valide toute mesure portant atteinte au secret des sources.

– Extension de la protection : Inclure les auteurs d’ouvrages d’investigation, réalisateurs de documentaires et autres professions proches du journalisme.

– Voies de recours renforcées : Permettre aux journalistes de contester les actes d’investigation violant le secret des sources.

– Sanctions pour atteinte au secret : Créer un délit spécifique pour réprimer les violations du secret des sources.

La lettre ouverte aux décideurs rappelle que depuis l’adoption de la loi de 2010, au moins 27 journalistes ont été convoqués ou placés en garde à vue par la DGSI, selon le journal Télérama.

Pourquoi Made in Perpignan s’engage

Chez Made in Perpignan, comme chez tous les signataires du courrier, nous considérons que la protection des sources est une condition sine qua non de la démocratie. Sans ce pilier fondamental, les journalistes ne pourraient plus révéler les injustices ni mettre en lumière les dérives du pouvoir. En signant ce courrier, nous affirmons notre volonté de défendre un journalisme libre et indépendant, au service des citoyennes et des citoyens.

Le secret des sources est une nécessité pour garantir la transparence dans une société où les pressions sur la presse se font de plus en plus virulentes. L’affaire Lavrilleux est un signal d’alarme. Il est plus que jamais nécessaire de protéger celles et ceux qui, chaque jour, prennent des risques pour informer le public.

Découvrez le courrier envoyé aux dirigeantes et dirigeants

Monsieur le Premier Ministre, Madame la Ministre et Messieurs les Ministres,

Le 17 janvier 2025, la journaliste Ariane Lavrilleux est convoquée au tribunal de Paris. Elle pourrait être mise en examen en raison de sa contribution à des articles sur une opération militaire française secrète en Egypte que ce pays aurait détournée pour cibler et tuer des civils. Cette convocation de la journaliste de Disclose intervient après qu’elle a fait l’objet, à l’initiative de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), de mesures de filature, de géolocalisation, de surveillance de ses activités professionnelles et privées ainsi que d’une perquisition à son domicile et d’un placement en garde à vue durant 39 heures.

Depuis l’adoption de la loi relative à la protection du secret des sources promulguée le 4 janvier 2010, au moins 27 journalistes ont été convoqué·es ou placé·es en garde à vue par la DGSI, selon un décompte réalisé par le journal Télérama. L’inflation de ces méthodes porte atteinte à un principe fondamental de la démocratie qui est la protection du secret des sources, considérée par la Cour européenne des droits de l’Homme comme « une pierre angulaire de la liberté de la presse ».

La loi du 4 janvier 2010 n’a pu l’empêcher. Elle n’a pas non plus empêché le recours à des procédures civiles ou commerciales pour identifier des sources de journalistes. Insuffisamment protecteur, le cadre légal actuel est désormais abusé ou contourné.

Dernier exemple, en date du 4 décembre 2024 : suspecté de recel de violation du secret professionnel, le journaliste Philippe Miller a été interpellé par une dizaine de policiers lors d’un rendez-vous avec une source supposée. Son carnet de notes, son téléphone portable et son ordinateur ont été saisis. Sa garde à vue a duré près de 48 heures et son matériel professionnel a été exploité afin d’identifier ses sources.

La profession s’est exprimée, lors des États généraux de l’information (EGI) comme des États généraux de la presse indépendante (EGPI), et elle est unanime. Il faut réformer la loi de 2010 pour mieux garantir ce droit au secret des sources, sans lequel il n’est pas d’information libre et de débat public éclairé.

Madame la Ministre, vous aviez soutenu cette démarche lors d’une rencontre avec Ariane Lavrilleux, avant de réaffirmer devant les sénateurs, le 17 octobre dernier, qu’une réforme était nécessaire, plus encore du fait de nos obligations européennes. Le 8 août 2025, le règlement européen pour la liberté des médias (EMFA) sera pleinement applicable. Il revient au gouvernement de mettre le droit national en conformité avec ses principes, dont celui de la protection du secret des sources.

Cela nécessitera, non pas uniquement de suivre l’EMFA ou les recommandations des EGI, mais d’oser aller plus loin. A minima, il est nécessaire que le projet de loi en préparation fasse évoluer notre droit sur cinq points :

Point 1.

Il est crucial de mieux encadrer les conditions de levée du secret des sources. La loi de 2010 prévoit que ce secret peut être levé en cas d’« impératif prépondérant d’intérêt public ». Or, le flou entourant cette exception est propice à une application large, voire arbitraire, comme nous le constatons. Il est impératif de restreindre le champ de la notion d’impératif prépondérant d’intérêt public, en énonçant les situations précises pouvant justifier de lever le secret des sources, comme la prévention et la répression de certains crimes et délits d’une gravité particulière.

Point 2.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme exige qu’une autorité judiciaire indépendante vérifie en amont la proportionnalité d’une mesure portant atteinte au secret des sources. L’EMFA contient des dispositions allant dans le même sens. Dès lors, la réforme à intervenir doit prévoir a minima que tout acte d’investigation – comme les perquisitions, géolocalisations, etc. – pouvant porter atteinte au secret des sources fasse l’objet d’une autorisation préalable d’un juge indépendant.

Point 3.

En l’état du droit, le secret des sources ne bénéficie qu’à certain·es journalistes (ayant une activité régulière et rétribuée dans des médias). Or d’autres collaborateur·ices de média peuvent détenir des informations permettant d’identifier une source, de même que des auteur·ices d’ouvrages d’investigation ou encore des réalisateur·ices de documentaire. Par ailleurs, les autorités administratives sont également susceptibles de porter atteinte au secret des sources en mettant en œuvre certains de leurs pouvoirs d’investigation, comme les visites domiciliaires. Il est dès lors nécessaire d’étendre le champ d’application du secret des sources, en s’assurant que d’autres personnes que les journalistes puissent s’en prévaloir, et que ces protections puissent s’appliquer aussi en matière administrative.

Point 4.

Face à une violation du secret des sources, la seule sanction susceptible d’être prononcée est la nullité de l’acte d’investigation en cause. Or dans une procédure pénale, seules les parties sont en mesure de former des demandes de nullité. Lorsque le ou la journaliste concerné·e par la violation n’est pas mis·e en cause dans l’enquête, cette possibilité ne lui est pas ouverte. Il faut dès lors créer une voie de recours qui permettrait aux journalistes dont les sources ont été illégalement découvertes de pouvoir demander la nullité des actes d’investigation concernés.

Point 5.

Pour remédier à l’absence de sanctions face à une violation du secret des sources, il est utile de créer un délit d’atteinte au secret des sources. Sa répression pourrait être alignée sur celle de l’atteinte au secret professionnel, tel que celui des avocat·e·s et des médecins. Ce sera également une réponse utile face au détournement de certaines voies de droit, notamment civiles et non-contradictoires, pour porter atteinte au secret des sources : par exemple, la saisie de correspondances avec les médias Le Poulpe et Mediapart ordonnée, à la demande d’une entreprise, par le tribunal de commerce de Rouen le 29 septembre 2022.

Monsieur le premier ministre, Madame la ministre et Messieurs les ministres, ces cinq points résument les propositions précises élaborées, ces quatre derniers mois, par un groupe de travail constitué de journalistes et de juristes spécialistes du droit de la presse. Nous aimerions pouvoir vous les présenter de vive voix, à vous ou à vos collaboratrices et collaborateurs.

Nous sommes donc à votre disposition pour tout rendez-vous.

Bien sincèrement,

Membres du groupe de travail, rédacteurs de cette lettre :

Disclose
Fonds pour une presse libre
Reporters sans frontières
Sherpa
Syndicat national des journalistes

Les 106 organisations signataires (syndicats, associations, médias, SDJ et collectifs de journalistes) :

CFDT-Journalistes
Spiil (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne)
Syndicat des avocat·e·s de France

19 associations et club de la presse :

Acrimed – Action Critique Médias
Anticor
Attac France
Article 34
Association confraternelle de la presse judiciaire (APJ)
Association des Journalistes Antiracistes et Racisé·es (AJAR)
Association femmes journalistes de sport
Associations des journalistes LGBTQIA+ (AJL)
Association des Journalistes de Défense (AJD) Club de la presse Strasbourg Europe
Club de la presse Marseille – Provence
Club de la Presse Occitanie
Informer n’est pas un délit
Journalisme & Citoyenneté – Les Assises du Journalisme
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Maison des Lanceurs d’Alerte
Le Prix Albert Londres
Prenons la Une
Profession : Pigiste
Un Bout des Médias

36 Sociétés de journalistes ou rédaction et collectifs :

La SDJ de Mediapart
La SDR de La Vie
La SDJ de BFMTV
La SDJ de BFM Business
La SDJ de RMC
La SDJ de Konbini
La SDJ de l’Informé
La SDJ d’ARTE GEIE
La Société des Rédacteurs du Monde
La SDJ de France 24
La Société des personnels de l’Humanité
La SDJ de Elle
La SDJ de La Tribune
La Société des journalistes et du personnel de Libération
La SDJ de France 3 rédaction nationale
La SDJ de Radio France
La SDR du Nouvel Obs
La SDJ des Echos
La SDJ de Challenges
La SDJ de NRJ Group
La SDJ de Le Media
La SDJ de l´AFP
La SDJ de franceinfo.fr
La SDJ de franceinfo TV
La SDJ de RTL
La SDJ de Premières Lignes TV
La SDJ de France Télévisions rédaction nationale
La SDJ de TV5 Monde
La SDJ de RFI
La SDJ de Télérama
La SDJ de Courrier International

Collectifs de journalistes indépendant·es :

Collectif Youpress
Collectif We Report
Collectif Presse-Papiers
Collectif Tu Piges
Collectif Longshot

48 médias indépendants :

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