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Et si les robots aidaient à réguler les patients ? L’intelligence artificielle fait ses premiers pas dans les urgences

Les résultats des expérimentations seraient encourageants. Alors que la médecine, notamment dans l’imagerie ou l’oncologie, utilise déjà largement l’intelligence artificielle, les urgences pourraient également s’appuyer sur ces dispositifs. Kevin Van Den Bergh, infirmier de pratique avancée à l’hôpital de Perpignan, défriche la question.

C’est à l’occasion des « Rencontres des urgences » organisées par l’association Causamu 66 que Kevin Van Den Bergh propose une conférence autour de l’intelligence artificielle pour sensibiliser ses confrères. Une solution qui pourrait constituer un gain de temps considérable quand il s’agit de réguler des patients, dès le premier coup de téléphone.

En France et via des programmes plus larges en Europe, des tests sont déjà menés, comme avec le programme SIA REMU, pour « Système d’Intelligence Artificielle pour la Régulation Médicale des Urgences. » En parallèle, les logiciels de collecte de données et d’aide à la décision clinique pourraient se doter de plus en plus de modules intégrant l’IA.

Une IA capable de dire quel patient des urgences est à surveiller

Au cours des expérimentations, les régulateurs entrent les signes cliniques décrits par la victime dans le programme. Ce dernier évalue le degré de gravité et propose les cheminements les plus adaptés. À l’avenir, avec la reconnaissance vocale, le régulateur n’aurait même plus à entrer les critères.

« L’IA est très forte pour savoir si un patient est grave ou pas. Dans le marasme de patients, la dernière version de Chat GPT fait mieux que les humains. »

Une fois le patient arrivé aux urgences, l’IA pourrait en effet affiner et proposer une seconde régulation avec un tri précis vers les services, et un classement des patients prioritaires. « Dans des situations qui nous dépassent, quand les urgences font entonnoir et qu’il y a 40 ou 50 patients à l’accueil, l’IA peut nous aider. Elle fait très bien les scores de prédiction, dit quel patient est à surveiller parce qu’il risque de décompenser. »

Gagner du temps quand les bras manquent

En creux plane la question du manque d’effectifs. L’IA est-elle un pansement sur un problème structurel ? « Dans les urgences, il y a un réel besoin d’optimisation du temps et de la qualité », reconnaît Kevin Van Den Bergh.

« De toute façon, l’effectif on ne l’aura pas, donc il va falloir qu’on trouve des solutions. »

S’il faut attendre des logiciels certifiés santé pour autoriser officiellement l’IA dans les urgences, l’infirmier confie que des soignants ne résistent pas à consulter déjà, de manière informelle, des IA grand public pour aider à leur prise décision. « C’est sur de l’aide cognitive. On a par exemple des recommandations de 300 pages qui sont sorties sur l’infection pulmonaire, ça permet de faire le tri, de sortir la bonne info. L’humain peut être stressé. L’IA n’est jamais fatiguée. Des modules sont en train d’être instaurés au sein des formations professionnelles en santé. »

Kevin Van Den Bergh, infirmier de pratique avancée aux urgences de l’hôpital de Perpignan

Pour en montrer l’efficacité, l’infirmier a demandé à l’IA de travailler sur un cas fictif d’intoxication inexpliquée dans un collège. « En quelques secondes, l’intelligence artificielle m’a sorti un protocole très cadré avec le peu de données que j’avais. » La machine propose une liste de données à collecter sur le terrain, pour réaliser un calcul tenant compte de l’heure de passage des collégiens à la cantine et bien d’autres paramètres. Puis l’IA propose une organisation de travail permettant de déterminer la personne source, voire l’heure d’éclosion de l’épidémie.

Conserver l’humain dans l’accueil des patients

Selon Kevin Van Den Bergh, l’intelligence artificielle pourrait aussi être liée à l’interprétation des objets connectés, de plus en plus impliqués dans la santé. Il s’agit des montres pour sportifs signalant des anomalies cardiaques, des dispositifs intégrés aux véhicules ou encore des différents capteurs et brassières pour les maladies chroniques. Tout cela constitue une quantité considérable de données à traiter par l’IA.

Une collecte de données qui pose aussi une question éthique autour du secret médical et des fuites potentielles vers des exploitations commerciales. Mais ce n’est pas la seule dérive possible. Quid de la déshumanisation ? À Barcelone, les patients des urgences rempliraient eux-mêmes un questionnaire sur une borne numérique à l’accueil, avec une IA certifiée qui traite ensuite les données.

« En France, le premier triage, c’est purement le rôle des infirmiers. » Pour Kevin Van Den Bergh, il est impératif de conserver une supervision et un « collège de garantie humaine ». « Sur la décision clinique finale l’humain doit prendre la main. » Enfin, il va falloir se prémunir des erreurs et hallucinations que commet encore l’intelligence artificielle.

« L’intelligence artificielle est très performante sur certains domaines, mais quand elle se plante, elle se plante bien. »

Nous sommes en pleins balbutiements de ces procédés. Mais l’avenir avance à grand pas.

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