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Semaine de 4 jours, télétravail : seriez-vous prêts à travailler autrement ?

Article mis à jour le 7 décembre 2025 à 08:53

[L’emploi autrement : épisode 1/2] Un totem indéboulonnable, le CDI avec ses 35 heures par semaine et ses cinq jours en présentiel dans l’entreprise ? Le temps libre est-il un tabou ? Les modèles alternatifs sont-ils condamnés à rester marginaux ? Que ce soit sur les modalités ou la durée, Made in Perpignan se penche sur des réinventions du temps de travail.

Le nombre de Français qui cumule au moins deux activités professionnelles est en augmentation. Ils seraient aujourd’hui entre 2 et 4 millions. Surnommés les slasheurs, certains de ces pluriactifs sont contraints à cette organisation pour joindre les deux bouts, mais la majorité le ferait par choix, afin par exemple de rendre une passion rémunératrice. À l’inverse de ces cumuls, et peut-être à contre-courant de la fameuse « valeur travail », la tendance à la semaine de 4 jours privilégie le temps pour soi.

La 4 Days Week Global, un réseau international qui milite pour la semaine de quatre jours

Ainsi, en Occitanie, l’ARACT, l’Agence Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail a mené des expérimentations en ce sens. Philippe Contassot est l’un des responsables du projet. « Il y a des études depuis vingt ans qui mettent en avant des conséquences positives de la semaine de 4 jours. » Pour Philippe Contassot il s’agit de s’inscrire dans la durabilité plutôt que dans des rentabilités à court terme. Il peut s’agir de concentrer les horaires sur les quatre jours ou simplement de travailler moins. Selon Philippe Contassot, on est à des kilomètres des procédés à l’américaine consistant à ajouter du divertissement pour un bien-être de façade.

« Beaucoup d’entreprises, derrière le vocable de qualité de vie au travail, ont fait des massages, de la gymnastique, des baby-foots et une corbeille de fruits, tout en ayant des conditions de travail délétères pour la santé. »

Entre 2022 et 2024, l’ARACT a accompagné 13 entreprises de la région. En toile de fond, un réseau international qui milite pour la semaine de quatre jours, la 4 Day Week Global. Ce réseau promet des effets bénéfiques sur la santé des salariés et la performance de l’entreprise. « Il y a des ajustements. Certains avaient choisi le mercredi comme jour de repos, mais ont changé car c’était pour les enfants et donc pas vraiment du temps pour soi. » Un tiers des entreprises de l’expérimentation a renoncé à adopter le modèle pour le moment. Pour les autres les retours seraient plutôt positifs. « Deux des entreprises ont même vu leurs indicateurs de performance améliorés. »

Ces aménagements qui permettent aussi des activités dans la vie citoyenne. Généalogiste, Jérôme Parilla a dû obtenir l’accord de son employeur pour exercer ses fonctions d’élus à Ille-sur-Têt le mercredi après-midi.

« Étant aux 35 heures, je lisse les heures sur les autres jours. J’ai une pause méridienne plus courte, cela me fait des journées de travail de huit heures. C’est l’une des problématiques de notre panorama politique, on ne peut pas forcément s’investir dans la vie publique et imposer à sa boîte de bosser à 80 %. »

« Le lundi est une vraie journée pour moi »

À Perpignan, le magasin d’informatique LDLC a ouvert en 2022 avec un concept de semaine à quatre jours, avec 32 heures payées 35 heures. « Cela fait quatre ans que ça a été mis en place au sein du groupe » rappelle le responsable Stéphane Guigoures.

« Je viens de la grande distribution, et j’ai connu les semaines à cinq jours et même au-delà. Je n’avais pas mesuré la vertu des quatre jours. » Stéphane Guigoures travaille le samedi, mais a son lundi et son mercredi de libres. « Le mercredi je m’occupe de mes enfants et le lundi est une vraie journée pour moi, mes rendez-vous personnels. »

Selon lui la productivité n’a pas été impactée. « Je dirai même qu’elle a un peu augmenté. Les collaborateurs ont conscience de la chance de vivre ça, ils sont plus motivés. Ça fonctionne merveilleusement bien, personne ne voudrait revenir en arrière. » Pour lui c’est une organisation qui pourrait être davantage envisagée dans les commerces. « Je ne dis pas qu’on est réfractaires au changement en France, mais tout ce qui évolue dans le sens des employés n’est pas toujours bien mis en place. »

Le télétravail revenu à un rythme de croisière

Le télétravail intensif – au moins trois jours par semaine – a littéralement explosé avec le Covid, concernant 1 % des salariés en 2019 et 18 % en 2021. Beaucoup en sont revenus, et le taux est redescendu à 5 % en 2023. En revanche le télétravail ponctuel, quelques jours par mois par exemple, a tendance à se renforcer. Les métiers de l’informatique et les cadres de l’administration sont les plus concernés. Aujourd’hui les avis demeurent partagés sur le télétravail. Jérôme Parilla a connu la formule lorsqu’il était fonctionnaire au Conseil départemental des Pyrénées-Orientales.

« J’en avais marre de voir mes collègues en visio, de ne pas pouvoir faire ma marche méridienne en ville. J’avais des journées de présentiel variables, cela déstabilise un service. »

A Perpignan, Aurélio Cárdénas est documentaliste indépendant pour des sociétés de productions audiovisuelles. Il utilise essentiellement le télétravail. « L’espace personnel se confond avec le professionnel. Pas toujours évident à comprendre pour mes deux enfants ! On peut aussi se sentir un peu isolé. Pas de pause-café avec les collègues ou de small talk pour sociabiliser un peu. » Il y voit néanmoins des avantages.

« On travaille à son rythme. Et cela permet d’avoir un salaire semblable à ceux de l’Île de France tout en étant basé à Perpignan. J’ai pu devenir propriétaire ici, ce qui était inimaginable à Paris. »

Pour lui il faudrait généraliser et optimiser le télétravail dans les secteurs qui le permettent. Aurélio Cárdénas souligne les économies sur le transport, ou encore la réduction du stress.

Pour Francis Lévy, au comité de direction du think tank « Le labo de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) » le télétravail augmente la fracture entre les cadres et les employés ouvriers qui ne peuvent pas télétravailler. « Et cela pose un problème sur le collectif, le sentiment d’appartenance à l’entreprise. On gardera du télétravail, mais il y a des retours en arrière. »

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