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Le train à 1 euro a-t-il relancé le rail en Occitanie ? La Chambre régionale des comptes fait le bilan

TER région Occitanie

Entre 2019 et 2024, le trafic sur le réseau ferroviaire en Occitanie a bondi de 68 %. C’est une des meilleures progressions en France, même si, partant de loin, l’usage du train demeure plus faible dans notre région que dans le reste du pays. La Chambre régionale des comptes s’est penchée sur ce levier qu’est le prix du billet.

L’offre à 1 euro, initiée en 2011 sur cinq lignes de l’ancienne région Languedoc-Roussillon, a vu ses modalités s’élargir. Billets contingentés qu’il faut attraper avant qu’ils s’épuisent, mais aussi offre pour les jeunes de moins de 27 ans et même billets à 1 euro pour tout le monde sur dix week-ends par an, ce qui est inédit au niveau national. Dans les Pyrénées-Orientales, c’est la ligne Perpignan – Villefranche-de-Conflent qui est concernée par ces offres.

L’enjeu est de fidéliser

Sur la seule année 2023, la région atteint le record de 2,7 millions de billets à 1 euro vendus, dont plus de la moitié pour les offres jeunes et week-end. Un pari réussi ? Pour la Chambre régionale des comptes, il y a clairement un effet levier de cette offre, et les billets à 1 euro contribuent pour un quart à la hausse de fréquentation du train.

Le premier motif de déplacement à 1 euro est la visite à des proches, suivi par les visites touristiques, puis pour une part plus faible les activités sportives et de loisirs ou encore le travail.

Ce qui est moins évident, c’est le report modal, l’un des objectifs écologiques pourtant annoncé. Abandonne-t-on la voiture au profit du train ou se contente-t-on de profiter des offres ponctuellement ? Pour la Chambre, il y a un manque de suivi statistique. La seule enquête, menée en 2022, évoque un report sur le train pour seulement 12 % des voyageurs.

« Ce n’est pas non plus énorme » observe la Chambre. « Des études générales sur l’utilisation du train ont montré, en fait, que c’est la qualité de service et l’amplitude de l’offre qui priment, avant le tarif. » Or sur ces deux indicateurs l’Occitanie serait un peu en dessous de la moyenne.

Des trains diesel qui polluent autant que les voitures au taux de remplissage actuel

Sur les cinq lignes historiques, trois ne sont pas électrifiées, et les trains roulent donc au diesel. Avec les taux de remplissage actuels, pourtant dans la moyenne haute, ces trains produisent autant de CO2 par voyageur et par kilomètre que la voiture. Certes les billets à 1 euro remplissent davantage les mêmes trains le temps de l’offre, et ont donc forcément un impact positif sur les émissions de gaz à effet de serre, mais cet impact n’a pas été évalué précisément par la Région ni par l’exploitant, ce que pointe la Chambre.

Un résultat imprécis à mettre en parallèle avec un coût du ferroviaire représentant un quart du budget de fonctionnement de la Région et une offre à 1 euro, prise en charge par le contribuable, qui coûte près de 9,1 millions d’euros par an en raison des pertes de recettes.

La Région répond en évoquant « une mission de service public qui ne peut que mobiliser de l’argent public. (…) Ce montant de 9,1 millions d’euros ne représente que 2 % du coût global d’exploitation des trains régionaux, de 466 millions d’euros en 2023 »

Des chiffres à tempérer aussi car les recettes commerciales globales ont beaucoup progressé en Occitanie.

Une autoroute « rentrée dans les mœurs »

Au final, la Chambre régionale des comptes ne peut que saluer la hausse de fréquentation. Mais les statistiques révèlent en creux le chemin qu’il reste à accomplir. En effet, chaque habitant de l’Occitanie ne parcourt en moyenne que 248 kilomètres en train par an. C’est l’avant-dernière position nationale, juste après la Nouvelle-Aquitaine. Et c’est à peine plus de la moitié de la fréquentation dans les Hauts-de-France. « Cette situation s’explique principalement par la faiblesse structurelle de l’offre ferroviaire » appuie la Chambre.

Plus douloureux encore, les lignes historiques sur lesquelles on propose les billets à 1 euro ont un taux de fréquentation par kilomètre inférieur au reste du réseau. Selon la Chambre, certaines de ces lignes souffrent, de surcroît, d’un potentiel de développement limité, comme pour la ligne de l’Aubrac entre Béziers et Clermont Ferrand. « Elle longe sur la quasi-totalité de son trajet l’autoroute A75, si bien que la capacité à trouver de nouveaux voyageurs reste limitée face à un équipement public qui fonctionne déjà très bien et qui est rentré dans les mœurs. »

S’agissant des Pyrénées-Orientales, la ligne Perpignan – Villefranche-de-Conflent, électrifiée, fait état d’un taux de ponctualité à 94,3 % en 2023, plutôt élevé, mais d’un taux de fiabilité évalué à seulement 80,6 %. Son taux de remplissage moyen a progressé de 18 % en 2021 à 23 % en 2023, ce qui reste très inférieur aux 39 % de l’ensemble des lignes régionales et même aux 31 % de la moyenne nationale des TER.

Le tarif a un impact positif, mais la Chambre pointe la faiblesse des lignes historiques

Pour les responsables de l’enquête « ces lignes historiques cristallisent les problématiques de l’impact environnemental, de la qualité du service avec la vétusté des infrastructures et surtout du coût de l’investissement à venir. (…) Il faudrait faire une analyse comparative poussée entre les modes de transport alternatifs pour pouvoir arbitrer. »

L’indéniable coup de boost du tarif doit-il désormais s’accompagner d’un nouveau diagnostic, ou d’un travail sur les fréquences et la facilité d’usage ? Le rapport aiguillera peut-être la future politique des transports régionaux. Dans sa réponse, la Région Occitanie rappelle aussi le besoin de moyens financiers et la responsabilité de l’Etat.

« A l’Etat d’entretenir son patrimoine ferroviaire en y apportant la majorité des financements nécessaires. Aux Régions de continuer à assurer les déplacements quotidiens des usagers dans les meilleures conditions possibles et à des prix incitatifs. » communiquent les services de la Région.

La Région vise 100 000 voyageurs par jour sur le train d’ici 2032. Nous sommes actuellement à 80 000.

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