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Violences sexuelles chez les jeunes : « Dès l’adolescence, les filles apprennent à se plier au désir des garçons »

Le défi du suivi des personnes auteures de violences sexuelles posé à Perpignan

Article mis à jour le 25 novembre 2025 à 09:03

À l’occasion de la journée mondiale contre les violences faites aux femmes, le mardi 25 novembre, associations et structures juridiques des Pyrénées-Orientales témoignent de la nécessité d’agir chez les plus jeunes. Dès l’adolescence, des situations d’emprise, de contrôle et de chantage se mettent en place. Malgré la prévention, les plus jeunes passent souvent sous les radars des systèmes de détection.

13 ans. C’est, en moyenne, l’âge qu’avaient les victimes interrogées dans une enquête du Centre contre les Violences sur mineur lors des premières violences subies. À l’âge des bouleversements, des rencontres et de la découverte, certains et certaines tombent face au mur des violences sexistes et sexuelles. « Ce sont des jeunes qui sont en train de construire leur intimité. Au même moment, ce sont de vraies éponges, ils captent tout ce qu’il y a autour d’eux », observe au quotidien Camille Ferrer, présidente de Femmes Solidaires 66.

En 2024, en France, le ministère de l’Intérieur a enregistré 272 400 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire en France. Un nombre quasi-stable par rapport à 2023. Dans les Pyrénées-Orientales, toujours d’après le ministère, pour 1 000 habitantes, 11.8 ont été victimes de violences. Les données nationales démontrent un bond du nombre de victimes à partir de 15 ans, jusqu’à environ 34 ans.

« Dans une société patriarcale, où on apprend que le masculin l’emporte sur le féminin, dès le plus jeune âge, les filles apprennent à se plier au désir des garçons. »

Des auteurs âgés de 10 à 21 ans

Et les Pyrénées-Orientales ne sont pas exemptes de cette problématique. D’après le parquet de Perpignan, en 2024, l’unité médico-judiciaire de la ville a examiné 315 victimes d’agressions sexuelles. La moitié était mineure. En parallèle, le parquet suivait 60 situations d’agressions sexuelles commises par des auteurs âgés de 10 à 21 ans. L’Apex, association qui accueille des victimes, observe également un rajeunissement des femmes qu’elle accompagne. « Il y a des jeunes de 16 ans qui sont déjà sous emprise. Elle peut se mettre en place très rapidement », déclare Valerie Fontimpe, coordinatrice au sein de l’association. Les photos de nus, le chantage et les réseaux sociaux étendent aussi les moyens de faire pression sur une victime.

L’association Femmes solidaires, agréée pour intervenir en milieu scolaire, observe qu’en termes de sexualité, les constructions de la pornographie sont déjà bien en place lors des premières actions de prévention. « Elle est très accessible. Ils grandissent avec de fausses représentations. On arrive après elle et il faut rattraper un retard énorme. »

Surveillance, contrôle : des situations d’emprise dès 16 ans

Pour elle, il est nécessaire d’apprendre plus tôt le respect de son corps mais aussi des signaux d’alerte au sein d’une relation : une volonté d’isoler de ses amis, d’interdire des sorties, d’encourager à arrêter les études. « Ils se surveillent, observe Valérie Fontimpe. Les jeunes couples se géolocalisent. Ces outils permettent encore plus de contrôle. » Elle note aussi parfois chez les jeunes adultes des volontés de se marier et d’avoir des enfants rapidement. « C’est comme si elles signaient un contrat. » Si chez Femmes Solidaires 66,  Camille Ferrer ne parle pas d’emprise à proprement parler chez les plus jeunes, elle observe la montée de cette volonté de contrôle.

« Les mouvements masculinistes prennent de l’ampleur, surtout chez les adolescents. Un culte de la virilité se met en place. Ils affirment une vraie supériorité des hommes sur les femmes. »

« Nous avons tellement priorisé la lutte contre les violences conjugales que, malheureusement, cela s’est fait au détriment de procédures des violences sur mineurs », reconnaît le procureur de Perpignan Jérôme Bourrier. Avec cette particularité de la justice pour mineurs : prévention et répression se confondent souvent. « Bon nombre d’auteurs d’infractions sexuelles ont eux-mêmes été victimes quand ils étaient mineurs. Pour ce public y a toujours deux volets : le traitement de la délinquance et la protection des victimes. »

C’est là que le procureur note le caractère essentiel de travailler à plusieurs. Le maillage associatif est crucial pour repérer les violences. « Les leviers de détection existent. Il faut permettre aux mineurs de se confier. Cela peut être chez le médecin, à l’école. Ces acteurs peuvent aussi faire des signalements aux CRIP (cellule de recueil, d’évaluation, et de traitement des infos préoccupantes). »

Le nouveau cadre juridique doit encore faire ses preuves

D’après Camille Ferre, les jeunes grandissent avec « l’idée que le sexe fait partie du couple, qu’il est obligatoire. Donc le consentement et l’écoute de l’autre arrivent trop tardivement. Néanmoins, j’ai l’impression que le travail commence à payer. C’est loin d’être acquis mais les jeunes parlent plus facilement de consentement. »

Le 29 octobre dernier, la notion de « non-consentement » a été ajoutée dans la loi qui définit le viol. Un critère interprétatif, qui n’a pas modifié les éléments constitutifs du viol, « exercé sous la contrainte, la menace ou la surprise », mais qui permet de définir l’absence de consentement, même si le refus n’est pas clairement exprimé.

« L’ajout du non-consentement dans la loi va aiguiller nos enquêtes, nos auditions, nos interprétations, explique Jérôme Bourrier, mais certaines difficultés persistent. On devra toujours démontrer que l’auteur a compris que la victime n’était pas consentante. »

Ces difficultés à rassembler les éléments probants en matière de violences sexuelles ont de lourdes conséquences sur les jugements. Selon l’institut des études publiques, 86 % des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite. idem pour 94% des plaintes pour viol. Le mot « consentement », présent sur de plus en plus de lèvres, ne se traduit pas encore dans les décisions juridiques.

L’éducation comme levier essentiel dans la lutte contre les violences

Un espoir pour Camille Ferrer : l’éducation. Et notamment le programme Evars, (l’éducation à la vie affective et relationnelle, en primaire, et sexuelle, à partir du collège) qui doit permettre d’éviter les violences des premières expériences. « Pour cela, on manque encore de moyens, il faut que les écoles puissent faire intervenir des acteurs extérieurs ».

La prévention aide les victimes à reconnaître ce qu’elles ont subi. « Poser un mot sur des faits, c’est le rendre réel. Ça a un vrai impact psychologique. Certaines victimes vont mettre beaucoup de temps a dire agression ou viol, ce sont des cheminements très personnels. Pour autant, c’est important que les associations et les médias utilisent les mots justes . C’est ce qui permet à beaucoup de femmes de se rendre compte de ce qu’elles vivent. C’est ça la ‘libération de la parole’. »

Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes

Manifestation lumineuse à Perpignan ce mardi 25 novembre.
Rendez-vous à 18h place de la République.
Concert à 19h30 au théâtre de la Complicité, 39 rue des Rois de Majorque.

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