Le Collectif Les Morts de La Rue publie chaque année un rapport épidémiologique intitulé «Dénombrer et Décrire», sur la mortalité des personnes sans domicile en France. Dans le département, le nombre de décès augmente en 2024. Et depuis début 2025, trois personnes sont décédées, dont deux dans les rues de Perpignan.
Il avait pourtant choisi une formule grandiloquente. En juillet 2017, Emmanuel Macron avait déclaré : « Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus ». Force est de constater que l’échec est total. Le nombre de personnes sans domicile n’a cessé d’augmenter. D’après l’Insee, environ 143 000 personnes étaient sans domicile fixe (SDF) en France métropolitaine en 2012. Selon la Fondation pour le Logement des défavorisés (FAP), ce nombre est désormais estimé à près de 330 000. Ce qui représente une hausse d’environ 131 %, illustrant l’ampleur croissante de la précarité et des difficultés d’accès au logement dans le pays.
Bien pire : le nombre de décès n’a cessé de croître, lui aussi. En 2017, 556 personnes SDF sont mortes en France. En 2024, ce nombre est monté à 912. Soit une hausse de 64 %. « Un chiffre qui souligne l’urgence d’agir face à une précarité qui tue », écrit le collectif Les Morts de La Rue. Les Pyrénées-Orientales n’échappent pas à cette funeste trajectoire. D’après les données présentées dans le rapport, six personnes ont perdu la vie dans des conditions de précarité extrême dans le département l’année dernière, dont cinq à Perpignan. En 2023, il y avait eu quatre décès, dont deux à Perpignan.
Cindy, 32 ans, ancienne infirmière victime de violences conjugales
Le rapport décrit à quel point ces décès sont souvent le résultat de parcours de vie marqués par des ruptures multiples (migration, addictions, séparation, précarité de l’emploi ou de la santé). Le cas de Cindy, décédée en Occitanie (où le nombre de décès atteint 57 en 2024), est ainsi raconté.
« Cindy avait 32 ans. Jusqu’en 2022, elle exerçait le métier d’infirmière. À la suite de violences conjugales, Cindy a été hébergée et a arrêté de travailler. En dépression, elle a développé une dépendance à l’alcool. Elle s’est également vue confrontée à plusieurs reprises à des situations de violence avec ses différents compagnons, et avec les personnes l’hébergeant. À son décès, Cindy était hébergée par un ami, après avoir oscillé entre situation de rue, hébergement d’urgence et hébergement par des tiers pendant un an. Cindy a été enterrée par sa famille, dans sa ville natale du Sud de la France ».
Essentiellement des hommes, mais de plus en plus de femmes et d’enfants
L’étude donne également des caractéristiques sociologiques des morts de la rue et pointe qu’ils sont « principalement des hommes jeunes, mais aussi de plus en plus de femmes et d’enfants ». Ainsi, dans le détail, les décès concernent majoritairement des hommes (82 %), mais la part des femmes continue de croître (13 % en 2024) et celle des enfants de moins de 15 ans a bondi, passant de 2 % à 4 % entre 2012 et 2024.
Dans son rapport, le collectif Les Morts de La Rue précise bien que les personnes concernées « ne sont pas nécessairement mortes dans la rue mais bien mortes de la rue ». « Elles peuvent être décédées dans l’espace public (46%), à l’hôpital (34%), dans un abri (14%) ou en hébergement (6%) ». L’âge au moment de la mort est de 47,7 ans en moyenne, soit 32 ans de moins que la population générale. Le rapport complet met également en lumière une surmortalité persistante dans les zones urbaines, mais aussi une présence croissante dans les territoires ruraux ; et des causes de décès souvent mal identifiées, révélant l’invisibilité persistante de ces morts.
C’est pourquoi le rapport porte cet appel qui résonne comme un cri : « Vivre à la rue tue ». Et d’expliciter : « Ces morts précoces ne sont pas une fatalité mais le reflet des inégalités sociales et territoriales face au logement et à la santé ».
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