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FASD Zet 66 décrypte les mythes : À Arles-sur-Tech, ce tombeau pas si « miraculeux » ne manque pas d’eau

FASD Zet 66 décryptent les mythes : À Arles-sur-Tech, ce tombeau pas si "miraculeux" ne manque pas d’eau

Article mis à jour le 1 octobre 2025 à 10:16

Dans les Pyrénées-Orientales, selon une croyance populaire, l’abbaye de Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech abriterait une « Sainte Tombe ». Un sarcophage qui sécréterait de l’eau bénie aux pouvoirs curatifs. Photo © office de tourisme du Haut-Vallespir.

Dans le cadre d’un partenariat noué entre Made In Perpignan et l’association d’esprit critique, FASD Zet 66, Stéphane Cornille et Cyril Gambari démystifient des fake news en révélant leur origine.

Remontons un peu le temps, de quelques siècles, et plongeons dans la mythologie du Vallespir

La « Sainte Tombe » est un sarcophage taillé au Ve siècle qui servira de protection, cinq cents ans plus tard aux reliques de Saint Abdon et de Saint Sennen. À cette époque, toute la région du Vallespir, une partie des Albères et même de l’Empordà était soumise à des périls climatiques, mais aussi aux assauts de créatures diaboliques, les simiots (1). Ces petits monstres, croisement entre un singe et un félin, ne sortaient qu’à la nuit tombée.

La légende dit qu’ils passaient par les cheminées pour enlever les enfants et les dévorer. Pour mettre fin à ces calamités, l’abbé Arnulphe décide de se rendre à Rome pour ramener des reliques. Après bien des péripéties, les reliques arrivent enfin à dos de mule dans des barriques pleines d’eau (1).

Et là, les pestiférés furent guéris, et on ne revit jamais les simiots… à part en sculpture sur les façades de l’abbaye Sainte-Marie et de l’église Saint-Sauveur d’Arles (2). On dit que les reliques et l’eau, dans laquelle elles étaient conservées, auraient béni la région. Depuis ce jour-là, la « Sainte Tombe » secrète de l’eau.

Mystère chrétien ou explication climatique ?

Comment un sarcophage fermé, sans arrivée d’eau visible, peut-il se remplir continuellement ? Pendant longtemps, la population locale a vu là un signe divin. L’eau était recueillie, utilisée pour les malades ou conservée comme protection dans les maisons. Mais ce mystère n’a pas échappé à l’œil des scientifiques. Plusieurs études, menées notamment par des hydrologues en 1961 puis à la fin des années 1990, ont tenté de résoudre l’énigme (3).

Les recherches ont montré que le couvercle du sarcophage n’est pas fait du même marbre que celui de la tombe. Il est constitué d’un matériau poreux, c’est-à-dire qu’il contient de nombreux orifices et de micro-infractuosités, autant de portes d’entrée pour l’eau de pluie. Celle-ci s’infiltre lentement à travers la pierre et s’accumule dans la cuve.

D’après les estimations, environ 30 % des précipitations tombant sur le couvercle se retrouvent dans le sarcophage. D’autres facteurs, comme la condensation interne et l’imperméabilité progressive du fond (colmaté par des dépôts minéraux au fil des siècles), expliquent pourquoi l’eau ne s’écoule pas et reste claire (4).

En somme, le “miracle” de la « Sainte Tombe » correspond bien à un phénomène naturel, lié à la géologie et à l’hydrologie… Mais il garde tout de même un parfum de mystère pour qui le contemple.

Si la science a levé le voile, la ferveur autour de la « Sainte Tombe » demeure intacte

L’eau continue d’être distribuée lors de cérémonies religieuses, et les Arlésiens restent attachés à cette tradition. Pour beaucoup, peu importe l’explication rationnelle, l’essentiel demeure la valeur symbolique et culturelle de cette eau. C’est peut-être pour cela que les rapports des hydrologues ne sont que peu mentionnés par certains journalistes s’intéressant au sujet (5)…

La « Sainte Tombe » est ainsi à la croisée des chemins entre patrimoine religieux, curiosité scientifique et attraction touristique. Elle illustre parfaitement comment les mythes façonnent l’identité d’un territoire, tout en continuant à susciter l’émerveillement. Cet émerveillement devant les prouesses de la nature et des lois de la physique… ou l’émerveillement d’une prouesse divine.

Même si le mystère tombe à l’eau, la « Sainte Tombe » d’Arles-sur-Tech mérite qu’on s’y arrête…Qu’on s’étonne également de la plaque présente à l’Abbaye indiquant que la « Sainte Tombe » n’a toujours pas livré tous ses secrets…

Sources :
1 – La Gazette Catalane.
2 – Office du tourisme Laroque-des-Albères.
3 – La Houille Blanche.
4 – Association française de l’information scientifique.
5 – France Bleu.

Retrouvez le précédent « debunkage » de l’association FASD Zet66 :

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