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Allocution d’Emmanuel Macron – Un ascenseur émotionnel en guise d’ascenseur social ?

Article mis à jour le 12 décembre 2018 à 21:09

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la parole du président de la République était attendue ce lundi 10 décembre. Certes avec une impatience non dissimulée par les Gilets Jaunes présents sur les ronds-points depuis presque un mois, mais pas seulement… Plus de 23 millions de personnes ont suivi l’allocution présidentielle de 13 minutes diffusée sur de nombreuses chaînes. Emmanuel Macron réalise au passage un score d’audimat supérieur à la finale du mondial de football en juillet dernier (19 millions de téléspectateurs). Mais a-t-il convaincu ? Espoir d’une sortie de crise ou « lendemains qui déchantent » ?

« Etat d’urgence économique et sociale« , des mesures passées au décryptage des médias

  • « Le salaire d’un salarié au SMIC augmentera au total de 100 euros par mois, sans qu’il en coûte un euro de plus à l’employeur, et cela dès 2019 ». 

Cette première déclaration, et peut-être la plus attendue, a fait l’effet d’un soulagement chez de nombreux auditeurs dès qu’elle a été prononcée. D’autant que les ministres en plateau enfoncent le clou, décryptant ou répondant à la critique. Murielle Penicaud, ministre du travail en direct sur France 2, se veut pédagogue : « toutes les personnes au SMIC vont voir leur revenu augmenter ». Et pour tous ceux, au-dessus du salaire minimum ? « Il faut expliquer aux Français comment ça marche ». Ajoutant le geste à la parole : « quand le SMIC augmente, il y a des classifications dans les entreprises et les branches. Et donc quand le SMIC monte, il y a des discussions qui font monter toutes les classifications ». Rappelant son expertise liée à son passé en tant que responsable des ressources humaines au sein du groupe Danone : « C’était mon métier pendant 20 ans ». Insistante, elle précise : « Il y a 11 millions de personnes qui sont impactées à chaque fois que l’on touche le SMIC par effet de cascade ».

C’est peut-être cette phrase prononcée par le chef de l’Etat qui a prêté le plus à interprétation, entre ceux qui semblaient satisfaits et ceux qui décryptaient la phrase. La réponse apportée très rapidement par France Info décode pourtant cette annonce après confirmation par l’Elysée.

« Contrairement à ce que laisse entendre Emmanuel Macron, le montant du SMIC mensuel net ne sera pas revalorisé de 100 euros au 1er janvier 2019. Le salaire minimum ne bénéficiera que de la hausse légale automatique prévue par la loi, qui devrait être d’environ 1,8% (soit une vingtaine d’euros net). D’où viennent alors les 80 € de différence ? Les personnes rémunérées au SMIC (ou à un salaire légèrement supérieur) vont en fait bénéficier d’une hausse de la prime d’activité « dès 2019″. Cette prime d’activité, mécanisme qui a remplacé le RSA en 2016, est versée par l’Etat via les caisses d’allocations familiales. Ce qui explique, comme l’a souligné Emmanuel Macron, que cette mesure sera neutre pour les employeurs ». Un décryptage qui arrive comme une douche froide. En effet, ceux qui appelaient à une revalorisation de leur travail reçoivent comme réponse le guichet des allocations familiales.

Une phrase qui a fait couler beaucoup d’encre et qui sur les ronds-points passe encore pour « une volonté d’enfumage ». Une phrase qui se voulait claire et qui au fond cache une toute autre réalité. Celle du « en même temps » si chère au président de la République, celle de « l’argent magique » comme l’ont souligné quelques commentaires.

♦ CSG, heures supplémentaires et prime de fin d’année

  • « Annulation en 2019 de la hausse de la CSG subie cette année par les retraités entre 1200 et 2000 euros par mois »

Concernant, cette annonce, il s’agit d’une prise de conscience du chef de l’Etat, qui a reconnu que l’effort demandé aux retraités « était trop important et n’était pas juste ». Une mesure qui atténue la hausse de la CSG, mais qui, pour certains économistes, sera vite rattrapée par la hausse des prix. En effet, le gouvernement a décrété en début d’année, la fin de l’indexation des retraites sur l’indice des prix.

  • « En 2019, les heures supplémentaires seront versées sans impôts ni charges »

Cette mesure qui rappelle le dispositif mis en place Nicolas Sarkozy, un dispositif annulé par François Hollande qui l’accusait de participer à l’augmentation du nombre de chômeurs. En plus de ne pas être soumis à l’impôt, le revenu lié à ce travail supplémentaire ne sera pas non plus soumis à cotisations, ni salariales, ni patronales. Il s’agira d’une hausse nette du pouvoir d’achat du salarié.

  • « Les employeurs pourront verser une prime de fin d’année qui n’aura à acquitter ni impôt ni charge »

Sur cette mesure, nous avons questionné, Damien Ribeiro, Secrétaire Général de l’Union Professionnelle Artisanale (UPA66). « Nous n’avons pas de chiffres, mais dès que cette prime a été évoquée, nous avons senti une inquiétude chez nos adhérents dont la plupart ont vu leur marge diminuer et surtout leur trésorerie s’affaiblir. Ils redoutent que cette annonce les oblige à des discussions compliquées avec leurs salariés. S’ajoute à cela la grande incertitude dans laquelle se trouve notre économie et la crainte d’un début 2019 très compliqué. Il y a en revanche une minorité d’entreprises qui ont une très bonne situation et la perspective de récompenser leurs salariés avec une fiscalité adaptée est une bonne nouvelle pour elles ». Il conclut par un « Dans les entreprises artisanales, le recours à cette prime sera marginal ».

Des mesures globales qui vont venir alourdir le budget de l’Etat entre 8 et 10 milliard d’euros selon les calculs, car le président de l’Etat reste sur sa ligne en matière de taxation des plus hauts revenus. Et notamment en matière d’Impôt sur la Fortune, dont le retour est réclamé par nombre de Gilets Jaunes. Un impôt qui, même s’il était rétabli dans sa version originelle, ne rapportait dans sa dernière année d’existence que 4,23 milliard d’Euros.

Cliquer pour retrouver tout le discours du président en PDF.

♦ Les mesures ont elles convaincu ?

Alors certes, l’objectif n’était pas de convaincre les plus radicaux des Gilets Jaunes, ceux qui campent depuis presque un mois sur les ronds-points, encore moins l’opposition qui voit dans ce mouvement comme une aubaine, mais bien l’opinion publique qui reste majoritaire derrière le mouvement.

A-t-il convaincu les 3/4 des Français qui cautionnaient le mouvement des Gilets Jaunes jusque-là ? Si l’on en croit un sondage Opinion Way pour LCI, les Français sont divisés. La moitié des sondés n’a pas trouvé le Président convainquant. Néanmoins, une majorité se dessine pour dire que les mesures annoncées « répondent à la demande des Gilets Jaunes ». Ils sont désormais une petite majorité (54%) à vouloir que le mouvement s’arrête. Mais l’adhésion au mouvement reste forte, malgré une baisse de 2 points, avec 66% de personnes qui soutiennent le mouvement des Gilets Jaunes.

Localement, nos contacts parmi les Gilets Jaunes s’organisent déjà pour l’acte V ce samedi 15 décembre. Malgré la fermeté affichée des forces de l’ordre depuis la fin de l’acte IV et les vandalismes subis par les barrières de péage de l’autoroute A9, ils restent mobilisés pour « ne rien lâcher ».

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Maïté Torres