Article mis à jour le 17 septembre 2025 à 20:50
« Des centaines de pharmacies vont mettre la clé sous la porte » assure Françoise Rouve, pharmacienne à Estagel et présidente du Syndicat des Pharmaciens des Pyrénées-Orientales. Depuis le décret d’application du 1er septembre 2025, les marges sur les génériques dans les pharmacies chutent, avec une baisse des plafonds des remises accordées aux officines.
Ces remises accordées par les laboratoires et encadrées par l’Etat passent de 40 à 30 % maximum, avec un palier suivant prévu à 20 % seulement en 2027. Le monde rural pourrait être particulièrement impacté. En parallèle, le spectre de nouvelles pénuries menace.
Ce jeudi 18 septembre 2025, s’ajoutant aux autres mobilisations, les pharmaciens seront en grève. Seules les pharmacies réquisitionnées offriront un service minimum. La liste de ces pharmacies ouvertes sera affichée sur les vitrines.
« Nous sommes en grève des gardes depuis le 1er juillet », rappelle Françoise Rouve. Et là, nous faisons une mobilisation le 18 et une manifestation à Montpellier qui va rassembler tous les pharmaciens de l’ex Languedoc-Roussillon. » (Edit : la manifestation se tiendra finalement sur Béziers))
Le motif de la grogne est clair, la mesure sur les génériques va faire fondre des marges déjà réduites.
Selon la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France, 4000 officines ont déjà disparu en quinze ans sur le pays. La FSPF parle de « coup de grâce budgétaire ». Pour Françoise Rouve, « ce sont ces remises qui nous permettent de faire toutes les missions demandées par l’Etat, de type vaccination, entretien, dépistage. Elles nous permettent d’avoir du personnel qualifié pour ces missions, elles font vivre la pharmacie. » La pharmacienne évoque des vaccinations à 7,50 euros qui ne sauraient en effet compenser la perte du chiffre et maintenir les emplois dédiés à ces actes.
Les génériques représentent 80 % des ventes de médicaments
Pour la présidente du syndicat, les pharmacies rurales de proximité seront les plus touchées, car les plus fragiles. Pour la pharmacie d’Estagel comme pour beaucoup de ses confrères, les génériques représentent 80 % de la vente des médicaments. En France, le syndicat aurait recensé 800 pharmacies sur le point de fermer. « Et on monte jusqu’à 1600 qui pourraient disparaître rapidement. »
Mais d’où vient cette histoire de remise ? C’est une usine à gaz. Au lancement des génériques remboursés, au lieu de les rendre simplement obligatoires, et face à une certaine appréhension des patients voire des médecins traitants, l’Etat a préféré inciter. Pour cela, il a permis aux laboratoires de proposer des remises parfois indécentes sur les prix des génériques vendus aux officines, leur permettant de conserver les marges. Certains pharmaciens parlent de 60 %, voire 80 % de remise sur des médicaments courants, y compris des antibiotiques.
Les laboratoires sont-ils les grands gagnants de la mesure ?
Un âge d’or qui ne dure pas. Le générique entre dans les mœurs. Les incitations sont moins précieuses pour la sécurité sociale et pour l’industrie du médicament. Les laboratoires pourraient eux-mêmes réduire ces remises. Mais pour ne pas s’attirer de foudres, leur intérêt est plutôt de laisser l’Etat s’en charger en diminuant les plafonds. Ainsi, d’après plusieurs pharmaciens interrogés, ils peuvent prétendre n’y être pour rien.
D’où les soupçons qu’avancent des pharmaciens concernant une pression des labos sur l’Etat. Ce dernier économiserait près de 100 millions d’euros grâce à une baisse de prix de certains médicaments remboursés, mais les laboratoires pourraient en échange, d’après les syndicats, récupérer 500 millions d’euros grâce à la baisse des plafonds de remises…
Au final, les officines seraient les grandes perdantes de la manœuvre. D’autant que la baisse des prix envisagée peut entraîner des pénuries, les laboratoires préférant vendre à des pays mieux-disants. « L’Espagne achète déjà plus cher que nous les médicaments », explique Françoise Rouve. « On peut trouver en Espagne des médicaments qu’on ne trouve pas en France. » Les frontaliers vont ainsi chercher certaines molécules en Belgique, Luxembourg, Allemagne, Italie…
« Nous ne savons pas encore quelles classes de médicaments seront touchées. Nous avons de grosses difficultés en ce moment avec les psychotropes, les collyres antibiotiques, les médicaments contre l’hypercholésterolémie. Mais demain ça peut être des antibiotiques comme les hivers précédents, le paracétamol ou des anticancéreux, n’importe quoi. »
« Il y a les déserts médicaux, il va y avoir aussi les déserts pharmaceutiques »
Dans les Pyrénées-Orientales, aucune création de pharmacie n’a été enregistrée ces dernières années. Seulement des transferts, des regroupements et même des fermetures sèches. Le Perthus et Formiguères ont ainsi perdu leurs pharmacies, sans repreneurs. Perpignan a aussi vu des officines disparaître. « À Amélie, ils sont passés de cinq à deux pharmacies suite à un regroupement. » La relève est aussi difficile à trouver que le personnel, avec beaucoup d’étudiants qui abandonnent le cursus.
Pas encore de fermeture locale sur 2025, mais certains établissements des Pyrénées-Orientales seraient sur le fil du rasoir. « Il y a les déserts médicaux, mais il va y avoir aussi les déserts pharmaceutiques » déplore la présidente du syndicat. Des pharmaciens vont jusqu’à pronostiquer un remplacement à terme de toutes les pharmacies de conseil par des drugstores commerciaux façon parapharmacie de grande surface, seuls à pouvoir subsister.
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