Article mis à jour le 18 mai 2018 à 07:25
Dans un acte confidentiel et austère, Quim Torra, le 131ème président élu de Catalogne a pris ses fonctions et succède à Carles Puigdemont exilé à Berlin et accusé de rébellion et de sécession après la déclaration unilatérale d’indépendance qu’il a proclamé en octobre dernier. Alors que devrait prendre fin la tutelle espagnole sur cette région, certains réclament déjà une nouvelle version de l’article 155. Interrogé à ce sujet, Jacobo Rios, enseignant en droit à l’université de Perpignan, nous confie qu’une « deuxième application de l’article 155 serait éventuellement plus intense que la première ».
♦ Absence de drapeau espagnol, de portait du Roi et de fidélité à la Constitution espagnole
La lecture du décret royal promulguant le nouveau président a été faite ce matin au Palais de la Generalitat de Catalogne. Un acte en l’absence de tout membre du gouvernement espagnol qui protestait contre cette cérémonie sans allégeance à la constitution ni au Roi Felipe VI.
Quim Torra a promis « de s’acquitter loyalement des obligations de la charge de Président de la Generalitat fidèlement au peuple de Catalogne ». Comme l’avait fait en 2016 Carles Puigdemont, il a omis de promettre fidélité au Roi et à la Constitution espagnole. En début d’après-midi, Quim Torra a déclaré devant une cinquantaine d’employés du Palais de la Généralitat : « Aujourd’hui nous commençons une nouvelle étape avec le même engagement et implication », avec l’objectif « de construire un nouveau pays » et faire de Catalogne « un pays libre et républicain ».
♦ Vers un prolongement de la tutelle imposée par l’Espagne à la Catalogne ?
Le représentant de la formation politique Ciutadanos, Alberto Rivera, demande au chef du gouvernement Mariano Rajoy le maintien de la tutelle espagnole sur la région autonome catalane. Le représentant du parti politique, que l’on compare parfois au mouvement En Marche, indiquait vouloir conserver le principe de l’article 155 pour les Mossos d’Esquadra, police régionale de Catalogne et pour TV3, la télévision publique catalane. Alberto Rivera déclarait après son entrevue avec Mariano Rajoy, chef du gouvernement espagnol: « Nous ne pouvons permettre que depuis les institutions de l’Etat l’on travaille pour détruire l’Etat. Il faut étendre le 155 en Catalogne pour garantir que les comptes de la Généralitat, les Mossos et les médias publics respectent la Constitution ».
Ines Arrimadas, chef de file des Ciudadanos au parlement catalan s’est chargé lors du vote au nouveau président d’exhumer des tweets datant de 2012, dans lequel le nouveau président présentait les espagnols comme des « occupants ». Ines Arrimadas qualifiait Quim Torra « d’ultranationaliste et supremaciste » sur la base d’articles dans lequel il traitait l’Espagne de pays « exportateur de misère » et les espagnols de « charognards, vipères et hyènes ».
Le parti Ciudadanos qui compte 37 députés sur 135 est le principal parti d’opposition qui milite pour une mandature en conformité avec la constitution espagnole. Le parti populaire de droite, d’où est issu Mariano Rajoy ne compte, quant à lui, que 3 sièges au parlement catalan.
Après 5 mois de blocage institutionnel et de tutelle espagnole, le nouveau président a été élu le 14 mai avec 66 voix. Quim Torra est député de la liste de Carles Puigdemont, le parti de centre droit « Juntx per Cat » qui compte 34 députés. Les 32 députés de la gauche républicaine également indépendantiste « Esquerra Republicana », se sont portés sur la candidature de Quim Torra. Ce dernier a présenté sa candidature sur demande de Carles Puigdemont empêché du fait de son exil en Belgique puis en Allemagne.
Jacobo Rios, Vice-Doyen de la faculté de droit de Perpignan et Maître de Conférence en droit public, a répondu à notre sollicitation concernant le volet juridique d’une possible prolongation de la tutelle espagnole :
« Je ne pense pas qu’on puisse « prolonger » au sens strict l’application de l’article 155 car elle a été décidée par le Sénat espagnol, et la résolution du Sénat indique que cette application touche à sa fin dès la prise de possession d’un gouvernement effectif de la Généralitat. Il faut respecter cette résolution adoptée par le Sénat ».
Pour l’enseignant chercheur dont nous avions évoqué la pédagogie innovante, dans un article antérieur, il faut distinguer la prolongation en l’état de l’article 155 d’une nouvelle application comme réclamée par Alberto Rivera et fondée sur les déclarations du nouveau Président. Pour le juriste, « un 155 fondé sur des [déclarations] me semble fragile, en tout cas il ne fait pas l’unanimité même au sein des non-indépendantistes ». Pour Jacobo Rios, « Cette deuxième application de l’article 155 serait éventuellement plus intense que la première ». À noter que Jacobo Rios s’était également exprimé, en tant que juriste, en octobre dernier dans les colonnes du quotidien Le Monde sur le fait que « Le droit international n’autoris[ait] pas l’indépendance de la Catalogne »
♦ Quim Torra, « Independantiste radical » ?
Pour tenter de convaincre les 4 députés de la gauche anarchiste, Quim Torra musclait son discours. Selon Equinoxe : il se disait prêt à « respecter le mandat du référendum du 1er octobre, implanter la République catalane et écrire une constitution pour la Catalogne indépendante ».
L’avocat, éditeur et écrivain de 55 ans est originaire de Blanes, a également été Président en 2015 de l’Omnium Catalan. Il s’agit de l’une des deux associations qui ont vu leur président emprisonné au lendemain du référendum du 1er octobre 2017, jugé illégal par les juges espagnols.
Quim Torra veut parmi ses premières mesures commanditer une enquête pour connaître les conséquences de l’article 155 depuis le 27 octobre dernier. Pour le 131ème président de la Generalitat, le nouveau gouvernement se doit d’être « le porte-voix pour pouvoir dénoncer la répression, continuer d’avancer dans le processus indépendantiste et de construction de la République », rappelant son intention d’accomplir « le mandat issu du référendum d’indépendance ».
Malgré le discours de fermeté de Mariano Rajoy, le chef du gouvernement Espagnol souhaite sortir de la crise catalane rapidement, répondant favorablement à la demande de rendez-vous faite plus tôt par Quim Torra.