Article mis à jour le 23 mars 2024 à 23:25
Dans les Pyrénées-Orientales, les boutiques de CBD fleurissent partout ces dernières années. Si la vente et la consommation de cannabidiol sont autorisées, la réglementation autour des molécules reste floue. En effet, il n’existe aucune étude officielle menée en France sur ses effets.
Naturellement présent dans la plante de cannabis, le cannabidiol est purifié avant d’être commercialisé sous forme de bonbons, produits cosmétiques, infusions, huiles ou résines. On retrouve la substance non psychotrope en vente libre dans certaines pharmacies, bureaux de tabac ou enseignes spécialisées. Si l’on peut s’en procurer presque partout, il est formellement interdit d’accoler une allégation médicale sur la présentation du produit.
Produits de synthèse : certains CBD shop s’engouffrent dans la brèche
« La réglementation, qui dépend d’une loi européenne, n’est pas du tout claire à ce sujet », insiste Bruno Galan, président de l’Ordre des pharmaciens des Pyrénées-Orientales. « Cette loi est d’ailleurs souvent contournée, car quand vous regardez ce qui est vendu ailleurs qu’en pharmacie, il y a souvent des allégations médicales déguisées. Notamment pour la douleur. » Pour le pharmacien, si le CBD a une action sur la douleur, il est nécessaire qu’il soit reconnu comme un médicament avec les conseils et toute l’attention qu’il faut porter à sa délivrance.
Difficile de s’y retrouver pour certains consommateurs qui assimilent souvent le CBD aux substances psychoactives. Si le taux de cannabis contenu dans le cannabidiol est respecté, le risque d’addiction est nul. « C’est là où il y a un flou juridique », alerte Bruno Galan. Selon la législation, la teneur de THC présente dans le CBD doit être inférieure ou égale à 0,3%. Pour rappel, la résine de cannabis contient en moyenne 28% de THC, contre 13% pour l’herbe.
Le THC est la molécule responsable de l’addiction. « Il est difficile de contrôler son taux. Le problème, c’est que l’on s’est aperçu qu’il y avait des dérives, de nouveaux produits de synthèse vendus en toute légalité dans les magasins de CBD. Tant qu’il n’y a pas de réglementation stricte sur ce genre de molécules, certains magasins pourront s’engouffrer dans la brèche. »
La vente de CBD en pharmacie
En officine, le CBD est principalement vendu sous forme de crème ou en complément alimentaire, reconnus comme des produits cosmétiques. Les laboratoires pharmaceutiques comme Boiron et Arkopharma en produisent. « Je ne le conseille pas du tout à mes clients, tant qu’il n’y a pas d’études cliniques et de législation précises là-dessus, je n’en vends pas », affirme Bruno Galan. Tous les médicaments déclarés doivent passer par une étude clinique avant d’être mis sur le marché. Cette autorisation est la garantie que le médicament possède un profil de qualité, de sécurité et d’efficacité satisfaisant et qu’il peut être mis à disposition dans des conditions d’utilisations strictes.
« Lorsque l’on prend un médicament, on sait ce qu’il y a dedans. Ce n’est pas le cas du CBD, qui peut s’avérer addictif, si la loi et les dosages en vigueur n’ont pas été respectés. » Le pharmacien rappelle que l’usage du cannabidiol ne remplace en aucun cas un traitement médical.
L’éventail de propriétés du cannabidiol
« Pour qu’un produit à base de CBD soit vendu, il faut qu’il soit obligatoirement analysé dans un laboratoire, qui valide que le produit est conforme à la réglementation européenne », explique Adrien, vendeur au CBD shop Satyva de Perpignan. La clientèle d’Adrien se compose à 90% de personnes qui souhaitent arrêter de fumer. Selon le site de l’assurance maladie, le cannabidiol aurait des propriétés favorisant la détente, le sommeil et la diminution de douleurs chroniques. Des bienfaits que viennent rechercher les clients d’Adrien.
Il existe plusieurs types de cannabinoïdes. « Le plus connu est évidemment le THC, qui est illégal », prévient Adrien. « Ensuite, il y a le CBD, donc le cannabidiol, le CBN, le cannabinol, qui existe en très petite quantité dans la plante. C’est du THC qui a été oxydé et qui a pris la lumière », précise le vendeur. Présente en très infimes quantités dans la plante de chanvre, le HHT est une molécule synthétisée en laboratoire. Considérée comme un stupéfiant, elle est interdite en France, depuis le 13 juin 2023. « Nous n’avons pas assez de recul sur cette molécule. On ne sait pas quels effets elle peut avoir sur le long terme sur le corps humain », explique Adrien.
Le CBD, une béquille pour arrêter de fumer ?
Et pour le CBD alors ? « Cela fait plus de 50 ans que le CBD est étudié. Mais aujourd’hui, en France, il n’y a pas d’étude à proprement parler sur ses effets », affirme Adrien. Ancien fumeur, le vendeur a lui-même été consommateur. « Le cannabidiol peut réduire les sensations de manque vers d’autres drogues. J’ai fumé du THC pendant huit ans, je pense que sans le CBD, je n’aurais pas pu arrêter. J’ai aussi des clients qui sont en burn-out, qui ont besoin de se détendre et de vider leur esprit. »
Vincent a également tenté d’arrêter de fumer en consommant du CBD. « Je suis repassé à ma consommation d’avant, je ne trouvais pas ce que je cherchais dans le CBD », lâche le jeune homme. « J’étais frustré puisque j’avais l’impression de rouler un joint… et au final, je n’avais pas ma dose de dopamine. » Vincent s’est déjà fait arrêter par la police avec du CBD sur lui. « J’ai eu de la chance, parce que ce jour-là, j’avais le packaging du CBD sur moi. » En cas de contrôle par les forces de l’ordre, il est vivement recommandé de présenter un justificatif d’achat, provenant du CBD shop dans lequel vous avez acheté vos produits. Par ailleurs, malgré un faible taux de THC, il est possible que le consommateur de cannabidiol soit positif aux stupéfiants.
CBD shop : une panoplie de produits
Beaucoup de personnes âgées franchissent le seuil du CBD shop d’Adrien pour calmer leurs douleurs. « La plupart ne connaissent pas le sujet et pensent que le CBD est une drogue. Nous leur expliquons que cela n’a rien à voir. C’est notre rôle aussi de faire évoluer les mentalités. » Si la médecine conventionnelle oriente davantage les malades vers des médicaments qui contiennent des molécules synthétiques, selon Adrien, de plus en plus de professionnels s’ouvrent à des médecines plus naturelles. « Certains médecins généralistes envoient leurs patients vers notre boutique », confie-t-il.
La boutique d’Adrien propose à la vente du CBD, sous différentes formes et accessible à toutes les bourses. De l’épicerie fine, pour les personnes qui souhaitent consommer du CBD sans fumer, en passant par les huiles sublinguales, qui ciblent des besoins plus précis comme la concentration, la récupération pour le sport ou l’amélioration du sommeil. Le vendeur propose aussi des infusions et des produits cosmétiques.
Les fleurs de chanvre, conservées dans de petits bocaux le long du comptoir, attirent le regard. Certaines ont des notes fruitées comme la Small Bud ou la California Haze, dont le prix, 100 euros les 16 grammes, fait légèrement tiquer. Non loin des fleurs, des vaporisateurs sont également exposés. « La vaporisation permet d’éviter la combustion de la résine ou de la fleur, et donc d’éviter tout ce qui est monoxyde de carbone dans les poumons », explique Adrien.
Le CBD au Salon de l’Agriculture
Cette année, au salon de l’agriculture, des producteurs de cannabidiol ont fait le déplacement pour la première fois. « Cela permet de montrer à nos politiciens l’importance que le CBD peut avoir, autant pour l’économie que les bienfaits que cela peut apporter », affirme le vendeur.
« Il faut savoir que dans la production de chanvre, toute la plante est utilisable. De plus, le chanvre dépollue les sols, c’est l’une des rares plantes qui n’a pas besoin de pesticides pour pousser. On peut l’utiliser pour en faire de la fibre, du tissu, du papier et de l’isolant. » Le cannabidiol pourrait donc avoir un intérêt social et économique, Adrien en est persuadé. Pour l’heure, si les boutiques de CBD se multiplient, elles sont rarement contrôlées.
- Canet-en-Roussillon, cette maison illuminée pour Noël offre un spectacle féérique pour tous - 21 décembre 2024
- À Perpignan, ces femmes actrices d’une campagne de sensibilisation au harcèlement de rue - 18 décembre 2024
- Emploi dans les Pyrénées-Orientales, les restaurateurs « tendent la main » aux réfugiés - 17 décembre 2024