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Les Chambres des Métiers et de l’Artisanat ont 100 ans : l’artisanat et l’apprentissage ont-ils changé d’image ?

Apprenti CFA CMA Rivesaltes

Article mis à jour le 15 octobre 2025 à 19:26

Les Chambres des Métiers et de l’Artisanat, CMA pour les intimes, fêtent leur siècle d’histoire. Robert Bassols, président de la CMA 66 depuis 2016, évoque l’évolution de l’autorité consulaire dans les Pyrénées-Orientales, et son rôle pour valoriser l’apprentissage.

Si les CMA ont été créées en 1925 au national, elles débarquent bien plus tard dans certains territoires. Ainsi la première Chambre des Métiers et de l’Artisanat dans les Pyrénées-Orientales voit le jour en 1949. Pas question d’apprentissage à ce moment, les missions de la chambre sont simplement administratives, comme les registres de métiers.

L’apprentissage, sorti des préfabriqués

« Le CFA est arrivé bien plus tard, dans les années 1970 » explique le président Robert Bassols. « Et ce n’était même pas vraiment reconnu, c’était des préfabriqués du côté de la Garrigole, dans le quartier Saint-Assiscle de Perpignan. » Il s’agit surtout de patrons qui viennent former les jeunes le soir, de manière quasi informelle. Puis le CFA s’installe près de la gare avant, en 2014, de basculer sur son emplacement actuel à Rivesaltes.

Cette période a connu l’évolution de l’apprentissage. « Autrefois on disait ‘si tu ne sais pas quoi faire à l’école, va faire un métier. Sauf qu’aujourd’hui un métier comme l’automobile, si vous n’avez pas suivi des formations d’un niveau relativement élevé, vous ne vous en sortirez pas. Même si vous avez un BTS, il faut continuer à évoluer, tout va très vite. »

Robert Bassols refuse la comparaison avec les lycées professionnels et milite pour davantage d’orientation des jeunes vers l’apprentissage. « L’Education nationale a encore du mal à dire aux parents qu’on peut faire un métier manuel, et pas forcément dans un lycée pro. » Robert Bassols se souvient de ses propres débuts, quand il abandonne le lycée au grand dam de ses parents. Il travaille aujourd’hui dans l’automobile. « En première, à Noël, j’ai dit je ne ferai pas le deuxième trimestre, je vais travailler. Et ça a marché, ça fait cinquante ans maintenant. »

« Ce qui était perçu avant comme une voie par défaut est aujourd’hui un choix d’excellence. »

Selon le président, l’essentiel est ce temps partagé entre CFA et entreprise. « 88 ou 89 % des apprentis trouvent un emploi rapidement après le diplôme. C’est bien moins en lycée pro, la différence elle est là. » Le savoir-être serait aussi très différent quand on a un patron régulier. Enfin l’âge moyen des apprentis a également changé, passant de 15 ans il y a un demi-siècle à 17 ou 18 ans aujourd’hui. « Ce qui était perçu avant comme une voie par défaut est aujourd’hui un choix d’excellence. »

Les métiers de bouche séduisent particulièrement les jeunes

Depuis 2017 et les aides aux entreprises, le nombre d’apprentis a augmenté, avec une jauge de 1000 jeunes environ pour le seul centre de Rivesaltes, et quelque 2200 pour toutes les Pyrénées-Orientales. Les métiers de bouches plaisent particulièrement, portés parfois par les émissions de télévision. Pour l’instant, il y a encore davantage de patrons que d’apprentis, en particulier quand on sort de Perpignan et de son agglomération. « Il y a beaucoup de patrons qui ne trouvent pas de jeunes, dès qu’on recule un peu dans les terres. »

Trouver la relève pour que les entreprises artisanales survivent

Mais quid de l’avenir ? L’apprentissage est-il suspendu aux aides, qui finançaient presque intégralement la première année et ont déjà commencé à baisser ? Pour Robert Bassols, il y aura toujours de l’apprentissage.

« En 2007, on n’avait que 1000 euros par entreprise, et ça marchait. Car il faut qu’on ait de la relève. J’ai toujours formé des jeunes, même quand il n’y avait pas d’aides. Sinon comment on va faire pour que nos entreprises continuent ? » À ce jour, malgré l’instabilité politique et les incertitudes sur les aides, l’embauche des apprentis dans les Pyrénées-Orientales n’aurait pas encore connu de ralentissement notable.

S’agissant de l’avenir de la Chambre des Métiers hors apprentissage, Robert Bassols regrette la logique de rentabilité. « Aujourd’hui, on fait beaucoup de développement économique, de formation adulte pour la création d’entreprise ou la professionnalisation. On fait un peu coach, on doit se vendre. Mais on a de moins en moins d’argent qui vient de l’État. »

Le registre des métiers est quant à lui devenu la déclaration unique d’embauche, aujourd’hui gérée par l’État. « Mais c’est la panique noire, les gens n’arrivent pas à s’inscrire. Du coup, on finit par faire le boulot quand même pour les aider, mais sans être payé… »

Des micro-entreprises qui se créent… et disparaissent

60 % des dossiers instruits concerneraient les créations de micro-entreprises. « Et il en disparaît autant qu’il s’en crée… On crée des entreprises presque virtuelles, qui font mille euros de chiffre d’affaires par mois. Quel salaire on peut sortir là-dessus ? » Si certaines masquent du travail non déclaré, d’autres aboutissent à de véritables drames économiques et des rêves détruits. Robert Bassols évoque ces micro-entreprises qui sont montées comme un deuxième métier, comme ces enseignants qui l’utilisent pour donner d’autres cours. Pas un très bon signe.

« Un métier, on doit en vivre, logiquement. En prendre un second signifie qu’on ne s’en sort pas avec un seul. »

Robert Bassols doute de la fin des chambres consulaires malgré les cassandres qui la prédisent. « Lors de mon premier mandat, je ne croyais pas à la disparition de quoi que ce soit. Maintenant je ne suis sûr de rien. Mais si on disparaissait, je ne sais pas ce qu’on ferait des jeunes. On parle aussi d’unification des chambres consulaires, entre CCI et CMA. Mais le problème c’est que les CCI n’ont plus de gestion des CFA, alors que nous oui… Je pense qu’on peut faire du régalien en commun, mais pas tout. »

Le saviez-vous ?
Les Pyrénées-Orientales comptent pas moins de 22 000 entreprises artisanales, dont 90 % sont des TPE de moins de 10 salariés.

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