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Chronique littéraire : Entre les lignes d’Apologie de l’amour foudre

Chronique littéraire : Entre les lignes d'Apologie de l'amour foudre

Article mis à jour le 12 mars 2024 à 15:42

Jean-Jacques Bedu est le fondateur du prix littéraire Mare Nosturm. Cet amateur de littérature a choisi de partager son coup de cœur pour Apologie de l’amour foudre de Philippe Ségur, aux éditions Buchet Chastel.

Les applications de dating ont-elles eu la peau du coup de foudre ?

Le coup de foudre amoureux devenu rare à l’ère du dating par application, touche d’autant plus lorsqu’il ressurgit au fil des pages d’un roman, tel qu’Apologie de l’amour foudre de Philippe Ségur. Pratt, professeur de littérature à l’université de Perpignan, va vivre ce coup de tonnerre émotionnel de manière impromptue à l’aéroport international du Caire, en croisant le regard envoûtant d’une belle inconnue d’origine libanaise, Shesha El-Hassan.

Au-delà du premier regard, c’est l’envoûtement immédiat. La grâce altière et le charme singulier de cette jeune femme le frappent de plein fouet, lui rappelant les mots de Gérard de Nerval sur l’éclat incomparable des créatures libanaises. Dès les premières paroles, directes et audacieuses, qu’elle lui adresse, Pratt discerne la personnalité unique de Shesha. Malgré ses scrupules romantiques, il tombe sous le charme de l’étrange liberté de cette femme qui lui échappe et qu’il a pourtant l’impression de connaître intimement, comme s’ils s’étaient déjà aimés dans une autre vie.

Tout comme Alvare, le protagoniste du Diable amoureux de Jacques Cazotte, ce spécialiste de littérature est incapable de résister à l’attraction démoniaque qu’exerce sur lui cette créature aussi fascinante qu’insaisissable. D’une beauté à la fois angélique et redoutable, Shesha est une femme fatale qui représente une figure de la féminité mystérieuse. Libertine assumée, elle refuse toute possession amoureuse et entend préserver farouchement son indépendance, au risque de faire sombrer ses amants dans le tourment. Véritable ensorceleuse, elle entraîne Pratt loin de ses idéaux, le soumettant au supplice de ses énigmatiques revirements.

Une passion à l’épreuve de la distance 

Malgré la distance qui les sépare, leur passion ne faiblit pas au fil des mois. Mais tout va basculer lorsque Pratt rejoint Shesha à Paris. Lors d’un dîner, cette dernière rencontre Grishka Borodine, un artiste russe au charisme époustouflant. Entre eux s’installe un jeu de séduction électrique, sous les yeux d’un Pratt de plus en plus mal à l’aise, pressentant le tournant à venir. Quelques mois plus tard, après une dispute, Shesha met brutalement un terme à leur histoire dans un laconique message, sans fournir d’explication.

Tout comme Biondetta finit par s’évanouir dans les limbes au grand désarroi d’Alvare, Shesha disparaît de la vie de Pratt, le laissant aussi désemparé que le protagoniste de Cazotte. Entre rêve et réalité, il ne lui reste que l’amère incertitude de celui qui a goûté aux chimères de la passion avant d’être abandonné dans son chaos. Le mal que Shesha a fait à son âme et sa vie désormais gâchée sont bien réels, tout comme la mélancolie qui l’habite à jamais.

«Le tableau impressionniste d’une passion contrariée»

Par une écriture alerte et ciselée, Philippe Ségur, écrivain largement reconnu et professeur à l’Université de Perpignan, nous offre le tableau impressionniste d’une passion contrariée. Au-delà du prestige du verbe se devine la part d’ombre de l’auteur, dont la sensibilité tourmentée affleure en filigrane. Par touches subtiles, il esquisse les affres d’un amour fou, dont les échos en nos propres cœurs valent plus que des confidences indiscrètes. Mais le vrai du faux, l’autobiographie du romanesque ? Le lecteur n’en saura pas plus.

Là est le tour de force de Philippe Ségur : se livrer pudiquement, à l’image de cette hypnotique beauté libanaise digne des plus envoûtantes héroïnes de Barbey d’Aurevilly, qui se refuse à nous dévoiler son ultime secret, nous laissant fascinés et éperdus, suspendus à ses lèvres scellées. Apologie de l’amour foudre s’inscrit avec brio dans la lignée des belles œuvres intimistes à découvrir.

Lire la chronique complète de Jean-Jacques Bedu sur Mare Nostrum.

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Maïté Torres