Aller au contenu

Le Code électoral ne l’imposait pas : dans les Pyrénées-Orientales, ces communes bloquent les commentaires sur les réseaux sociaux

Article mis à jour le 3 septembre 2025 à 13:08

Perpignan, Le Barcarès, Saint-Cyprien, Argelès-sur-Mer, Amélie-les-Bains… Ces communes, comme d’autres en France, ont décidé de bloquer les commentaires sur leurs réseaux sociaux durant la période de campagne électorale entre le 1er septembre 2025 et le résultat des élections municipales en mars 2026. Plusieurs ont titré « application du Code électoral ». Sauf que le Code n’en demandait pas tant.

« À compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin » précise l’article L 52-1 du Code électoral.

Mais aucune disposition, ni même jurisprudence, ne cible spécifiquement les commentaires sur les réseaux sociaux en période électorale.

Leur blocage est donc moins une application de la loi qu’un choix stratégique qui évite une modération complexe des commentaires de citoyens et de citoyennes. Des mesures qui n’avaient pas été jugées nécessaires lors des précédents scrutins, à Perpignan notamment. Un signe des temps qui changent et d’un poids toujours plus fort des réseaux sur la communication ? Si le blocage évite des éloges qui pourraient passer pour de la propagande, cela permet aussi de bloquer toute critique de la gestion municipale.

« C’est vrai qu’on peut parfois avoir peur. »

Sollicité, le maire de Saint-Cyprien Thierry Del Poso se contente d’un bref « je n’envisage pas de communiquer sur ce qui n’est qu’une application du code électoral, qui est laissée au libre choix des collectivités. »

Pour Edmond Jorda, maire de Sainte-Marie-la-Mer et président de l’association des maires dans les Pyrénées-Orientales, il y a une vraie difficulté avec les réseaux sociaux. « C’est vrai qu’on peut parfois avoir peur. Les réseaux sociaux sont très consultés. Des personnes qui encensent le maire en place en toute bonne foi, cela peut jouer contre lui. »

« Comme on n’est pas obligé de décliner sa qualité sur les réseaux, on peut penser que ce sont des personnes de l’équipe en place. »

Selon le président de l’association, la précaution est « une interprétation du code électoral » et avant tout une volonté de se protéger contre les contentieux. Il indique n’avoir pas encore pris de décision pour les mesures à prendre concernant sa propre commune. L’AMF 66  ne fait par ailleurs aucune recommandation particulière sur le sujet. « C’est à chaque candidat de se déterminer. »

« Sur certains réseaux, effacer un commentaire prend du temps »

Du côté de la mairie de Perpignan, Farid Belacel, directeur général adjoint des services en charge des affaires juridiques, précise la démarche. Il reconnaît, malgré la publication titrée « application du code électoral », que c’est un choix de la ville. « La loi électorale ne liste pas les règles de bonne conduite. C’est un choix de méthode. » Pour Farid Belacel, l’autre option aurait été de modérer les commentaires. « Ça peut paraître assez simple comme ça, mais ça nécessite une veille permanente et ça implique de pouvoir définir ce qu’on laisserait diffuser ou non. Sur certains réseaux sociaux, effacer un commentaire prend du temps, il faut d’abord s’adresser au réseau social qui lui-même contrôle… Il faudrait le faire jour et nuit. »

Selon les mairies, le blocage viserait surtout à éviter que le maire ne soit trop encensé par les internautes

Pour autant, le blocage des commentaires reste encore une pratique minoritaire et récente. Farid Belacel évoque le poids croissant d’internet, mais aussi la taille de la ville, avec une modération toujours plus délicate.

« Si vous avez un certain niveau de rayonnement médiatique, ce n’est pas possible. Les réseaux sociaux, en 2026 encore plus qu’en 2020, sont devenus un outil majeur de communication et d’expression, avec un caractère débridé. Je n’ai cependant pas vu ces dernières années d’agressivité sur les réseaux de la ville. On voit beaucoup réagir sur l’actualité en général, des sujets comme la guerre en Ukraine ou au Proche-Orient. Mais ce n’est pas ce qui alimente les colonnes des médias municipaux même s’il peut arriver que ces sujets (…) soient traités. »

Pour le directeur général adjoint, il s’agit moins d’éviter les commentaires agressifs que les commentaires valorisants. « Cela pourrait être reproché comme étant un moyen municipal de faire de la propagande. »

Pendant six mois, les mairies n’ont plus le droit de valoriser leurs actions

L’obligation de neutralité s’applique en revanche de manière claire aux propres publications des collectivités, que ce soit sur les réseaux ou dans les bulletins municipaux. « Depuis le 1er septembre, les publications de la ville doivent être neutres » assure Farid Belacel. Ce qui est autorisé, c’est l’information pure sans qualificatif. « On peut informer sur le maintien de tel service, l’ouverture d’une bibliothèque… tout ce qui est purement informatif. » Mais il est interdit pour la collectivité d’évoquer le scrutin à venir, de dresser un bilan de mandat ou tout simplement d’émettre le moindre jugement de valeur sur une action en cours.

Made In Perpignan est un média local, sans publicité, appartenant à ses journalistes. Chaque jour, nous enquêtons, vérifions et racontons les réalités sociales, économiques et environnementales des Pyrénées-Orientales.

Cette information locale a un coût. Et pour qu’elle reste accessible à toutes et tous, sans barrière ni influence, nous avons besoin de votre soutien. Faire un don, c’est permettre à une presse libre de continuer à exister, ici, sur notre territoire.

 

Participez au choix des thèmes sur Made In Perpignan

Envie de lire d'autres articles de ce genre ?

Comme vous avez apprécié cet article ...

Partagez le avec vos connaissances