Article mis à jour le 17 mai 2018 à 17:20
Suspension de l’autonomie par le vote par le Sénat espagnol de l’article 155 de la constitution contre Déclaration Unique d’Indépendance (DUI), les choses en Espagne ne semblent pas sur le chemin de l’apaisement. Bien au contraire, de nombreux protagonistes et commentateurs annoncent des jours d’incertitude pour l’application de l’une et l’autre de ces procédures inédites en Espagne.
♦ Jeudi 26 octobre – Journée folle d’informations et de voltes faces
En début de journée, toutes les informations pointaient vers l’annonce d’une dissolution du parlement catalan en vue de l’organisation de nouvelles élections, une décision que la bourse espagnole saluait avec une hausse de plus de 2,57% de l’indice de référence. Tout a basculé en fin de journée, vers 17h. Le Président du gouvernement catalan Carles Puigdemont apparaissait pour annoncer : « J’ai essayé d’obtenir les garanties nécessaires (pour organiser des élections anticipées), mais elles ne sont pas réunies ».
Quelles sont les garanties qu’évoque le Président catalan ?
Carles Puigdemont voulait une garantie écrite de retrait au lieu de la suspension de l’article 155. Selon des sources fiables et concordantes, il mettait également comme condition à la convocation d’élections, la libération des leaders des deux associations Assemblé National Catalane et Omnium Cultural, en prison depuis le 17 octobre pour sédition. Carles Puigdemont demandait le retrait des renforts de forces de polices espagnoles. Plus de 10.000 unités de Police nationale et de la Guardia Civil étaient venues en Catalogne pour empêcher le référendum du 1er Octobre illégal selon le tribunal constitutionnel espagnol. Autant de garanties que le gouvernement n’a pas fourni.
Mais le Président Puigdemont est également tiraillé au sein même de sa majorité, par ceux qui exigent la déclaration d’indépendance immédiate, ceux qui refusent la dissolution arguant du fait que le référendum du 1er Octobre légitimait la DUI.
♦ 70 votes en faveur de la République Catalane qui déclare son indépendance
Le vote a eu lieu à 15H25 au Parlement catalan. Un vote secret et sous très haute tension auquel les membres de 3 groupes d’opposition n’ont pas pris part. Le Parti Populaire (11 députés), les centristes Ciudadans (25 députés) et le Parti Socialiste catalan (16 membres) ont quitté l’hémicycle, Xavi Garcia Arbiol, Président du groupe du Parti Popular de Catalogne, accusant même les membres de la majorité « de lâcheté ». Pour rappel, le parlement catalan compte 135 députés, 70 députés ont voté en faveur de ce préambule, 10 contre et 2 se sont abstenus.
Par le présent préambule – Consulter le document intégral en catalan
« Nous constituons la République catalane comme un État indépendant et souverain, de droit, démocratique et social.
Nous disposons de l’entrée vigueur de la loi de transition juridique et fondatrice de la République.
Nous initions le processus constituant, démocratique, de base citoyenne, transversal, participatif et contraignant.
Nous affirmons la volonté d’ouvrir des négociations avec l’État espagnol sans conditions préalables, afin d’établir un régime de collaboration en bénéfice des deux parties. Les négociations devront obligatoirement se faire sur un pied d’égalité.
Nous portons à la connaissance de communauté internationale et aux autorités de l’Union Européenne la constitution de la République catalane et la proposition de négociations avec l’État espagnol.
Nous encourageons la communauté internationale et les autorités de l’Union Européenne à intervenir pour stopper toute violation des droits civiles et politique en cours et à suivre et être témoin du processus de négociation avec l’État espagnol
Nous manifestons la volonté de construction d’un projet européen qui renforce les droits sociaux et démocratiques de la citoyenneté de manière unilatérale, les normes de l’ordre juridique de l’Union Européen et les ordonnances de l’État espagnol et de l’autonomie catalane qui transpose la présente normative.
Nous affirmons que la Catalogne a la volonté inéquivoque de s’intégrer aussi rapidement que possible à la communauté internationale. Notre État se compromet à respecter les obligations internationales qui s’appliquent actuellement sur son territoire et à continuer à faire partie des traités internationaux comme l’est le Royaume d’Espagne.
Nous appelons tout un chacun des citoyens de la République Catalane à se monter dignes de la liberté que nous nous sommes donnés et à construire un État qui traduit en actions la conduite et les espoirs collectifs.
Nous assumons le mandat du peuple de Catalogne qui s’est exprimé lors du Référendum d’autodétermination du 1er Octobre et nous déclarons que la Catalogne devient un état indépendant en forme de République ».
♦ Réponse immédiate du chef du gouvernement espagnol sur Twitter
« Je demande de la tranquillité à tous les espagnols. L’État de Droit rétablira la légalité de la Catalogne ». Il a voulu se montrer rassurant en rappelant « Nous serons à la hauteur de la situation ».
♦ Article 155 au Sénat de Madrid – Consulter l’accord du conseil des Ministres espagnols
À 16h09, le Sénat donne l’autorisation au gouvernement de Mariano Rajoy de mettre en oeuvre l’article 155. 214 Sénateurs ont voté en faveur, 47 ont voté contre et un sénateur s’est abstenu.
Un article 155 qui selon les spécialistes de la crise ne parviendra pas à calmer les esprits et qui ne fera que fracturer encore plus les catalans, entre ceux qui se sentiront humiliés par cette mise sous tutelle et ceux qui ne parviendront pas à faire renaître le vivre ensemble dans une terre divisée.
C’est Soraya Sáenz de Santamaría (très contestée en Catalogne) qui a pris la parole accusant les indépendantistes, Carles Puigdemont le premier, de ne pas être « disposés à dialoguer », alléguant le fait que le Président de la région catalane n’est pas venu parler devant le Sénat. La numéro deux du gouvernement espagnol justifiait l’article 155 par l’ouverture « d’une nouvelle étape où la loi est respectée ». Elle insistait « l’État de droit dispose des moyens nécessaires pour faire face à une situation aussi extraordinairement grave » faisant référence à la mise sous tutelle de la région catalane. Ce vendredi matin, c’est le chef du gouvernement espagnol qui est venu défendre la demande de feu vert faite à la haute assemblée espagnole de l’application de l’article 155 de la constitution.
Mariano Rajoy reste sur la ligne légaliste revenant sur les nombreux manquements à la loi fait par le parlement catalan et les indépendantistes. « Une violation des lois, de la démocratie et des libertés de chacun ».
Il donnait les quatre arguments pour demander le feu vert au vote de l’article 155 par les sénateurs.
- Revenir à la loi, la démocratie et la liberté de tous
- Récupérer la confiance, objectif qui ne sera pas aisé, confie-t-il
- Maintenir la croissance économique, sérieusement mise à mal par cette situation
- Organiser des élections dans la plus grande normalité
Miquel Iceta, Premier secrétaire du parti socialiste en Catalogne évoquait un accord entre son parti et le Parti Populaire de Mariano Rajoy. Un accord qui prévoyait à l’origine l’organisation d’élections libres en Catalogne au plus tard le 28 janvier 2018. Commentant le refus de Carles Puigdemont de convoquer ces dernières : « dans la vie on ne pouvait pas toujours avoir toutes les garanties avant d’agir ».
Mariano Rajoy concluait son propos devant les sénateurs : « L’Espagne a t-elle le droit de se défendre en appelant à la constitution ? Le moment est-il arrivé d’imposer la loi, non contre le Catalogne mais pour qu’on n’abuse pas d’elle. Ce qui menace la Catalogne aujourd’hui n’est pas l’article 155 mais bien l’attitude du gouvernement de la Généralitat et de ses conduites anticonstitutionnelles »
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