L’Insee publie ce 8 avril 2025 son bilan démographique 2024 pour la région Occitanie. Si les Pyrénées-Orientales franchissent la barre symbolique des 500 000 habitants, ce sont d’autres indicateurs qui alertent : baisse de la natalité, vieillissement accéléré de la population, mais surtout espérance de vie parmi les plus faibles de la région.
Pour David Giband, maître de conférences en géographie à l’Université de Perpignan, « ce n’est pas tant le vieillissement qui distingue le département, mais une espérance de vie anormalement basse ».
Espérance de vie et précarité : un lien direct dans les Pyrénées-Orientales
L’espérance de vie s’établit à 84,9 ans pour les femmes et 78,6 ans pour les hommes. A titre de comparaison, en Haute-Garonne, les femmes vivent en moyenne deux ans de plus, et les hommes trois ans et demi. « L’explication principale, c’est la pauvreté structurelle du département », résume David Giband. Le chercheur évoque « un accès aux soins difficile, une alimentation déséquilibrée, des logements insalubres et un stress chronique lié à la précarité ».
Le département se classe en tête des plus pauvres de France métropolitaine. « On est vraiment largement au-dessus de la moyenne nationale en matière de malbouffe. Le nombre de fast-foods dans le département est ahurissant », note-t-il. Un constat renforcé par des données locales sur la consommation d’alcool, de tabac, et parfois de drogues, ainsi qu’un taux élevé de bénéficiaires du RSA et de chômeurs. Selon David Giband, plusieurs études ont mis en lumière un stress plus élevé chez les personnes sans emploi.
Pour le chercheur, plus la concentration de population pauvre est élevée, plus les taux d’espérance de vie sont bas. Il cite le cas des populations des ghettos afro-américaines ou hispaniques des États-Unis. « Malbouffe, accès aux soins difficile, addictions diverses et stress, c’est à peu près le même combo, même si c’est effectivement pire chez eux. » Pour David Giband, en France, les départements du Nord-Pas-de-Calais, Roubaix ou Lens affichent des taux similaires à ceux des Pyrénées-Orientales.
Des leviers d’action locaux contre une spirale défavorable
S’il est difficile d’agir pour que ces données évoluent dans un temps court, selon le géographe, certains leviers d’action pourraient infléchir la courbe. Il cite en priorité « la lutte contre le mal-logement, qui joue directement sur la santé ». Des politiques locales de rénovation du bâti ancien, de meilleure régulation des logements indignes et de sensibilisation à la prévention santé pourraient, à moyen terme, améliorer les conditions de vie.
« Traiter l’habitat insalubre permettrait d’améliorer l’espérance de vie sur dix à vingt ans, sans difficulté », insiste-t-il. Mais pour des résultats durables, il faudrait également une action coordonnée à l’échelle nationale, sur la santé, l’éducation et l’emploi.
Une situation ancrée dans le temps long
« Ce n’est pas nouveau », conclut David Giband. Dès les années 2000, des chercheurs alertaient déjà sur les effets de la pauvreté sur l’espérance de vie dans le bassin perpignanais, notamment au sein des communautés gitanes. Depuis, la problématique s’est élargie à d’autres franges de la population modeste. Et les perspectives ne sont guère optimistes. « L’espérance de vie stagne, voire régresse dans certains pays occidentaux. Nous ne verrons pas de remontée rapide de cette courbe », prévient-il.
Une démographie en croissance, mais un solde naturel négatif
Au 1er janvier 2025, les Pyrénées-Orientales comptent 503 866 habitants. Une croissance portée par les arrivées de nouveaux habitants, souvent retraités, alors même que le solde naturel reste négatif. En 2024, on enregistre 4 000 naissances pour 6 100 décès, soit un déficit naturel de 2 100 personnes.
La fécondité y est pourtant plus élevée que la moyenne régionale, avec 1,63 enfant par femme contre 1,46 en Occitanie. Un paradoxe que David Giband attribue à « la concentration urbaine autour de Perpignan, qui reste attractive pour les jeunes ménages ».
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