Article mis à jour le 6 août 2021 à 09:41
Les manifestations contre le pass sanitaire sont un phénomène important dans toute la France. À Perpignan également, les cortèges ont grossi ces dernières semaines, rassemblant selon les sources et les jours de 2000 à 6000 personnes. Qui sont ceux qui protestent ? Pour mieux comprendre ce qui se passe, nous nous sommes associés au chercheur Nicolas Lebourg pour leur proposer un questionnaire. Ci-dessous nous l’interrogeons sur sa démarche. Cliquez ici pour accéder au questionnaire.
♦ Nicolas Lebourg, pourquoi souhaitez-vous connaître tout cela sur ceux qui manifestent tous les samedis à Perpignan ?
La mission des sciences sociales n’est pas de dire aux gens ce qu’ils doivent penser, mais ce qui se passe autour d’eux. Depuis des années, nous voyons monter une critique contre la démocratie représentative au bénéfice de la valorisation de la volonté du peuple et d’une exigence de participation directe. En même temps, on voit tous que les débats dans la société se polarisent ; le débat public ne parvient plus à s’organiser paisiblement à l’extérieur des institutions.
Pendant longtemps, tout cela a nourri le vote vers des partis dits contestataires. Aux dernières municipales cela a donné une floraison nationale de listes se disant « participatives », « citoyennes », « sans parti » ; aux régionales et départementales, cela s’est transformé en une abstention hégémonique ! Je constate que de plus en plus de citoyens qui ne se reconnaissent plus dans notre système politique. Et il faut les écouter, chercher à saisir qui ils sont. À Perpignan, la situation est particulièrement marquée puisqu’en 3 ans, nous avons eu un mouvement des Gilets jaunes offensif, la prise de la mairie par le Rassemblement National et maintenant un mouvement anti-passe sanitaire très dynamique.
♦ Qu’allez-vous faire de cette étude ?
Si nous parvenons a collecter suffisamment de données, cela participera à l’étude sociologique de la ville à laquelle nous nous sommes attelés avec un petit groupe de chercheurs de Montpellier, Perpignan et Toulouse. Nous formons un groupe informel depuis l’an passé. Et trois d’entre nous venons de publier une première étude dans l’une des principales revues de sciences-politiques française sur la sociologie et la géographie du vote en faveur de Louis Aliot.
Au final, nous prévoyons la publication d’un ouvrage en France et un rapport d’études pour un programme de l’université George Washington. Les études sur la ville et ses élections que nous avions faites avec Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach en 2014 et en 2020 sont disponibles librement en ligne (ici et là). Chacun peut donc jeter un œil s’il veut pour se faire une idée des démarches à l’œuvre. Pour ma part, en tant que Perpignanais, même si mes attaches institutionnelles sont extérieures à notre ville, il m’a toujours semblé important de produire de l’information à son propos.
♦ Il s’agit donc d’une approche scientifique ?
Le questionnaire ne pourra pas donner pas une approche statistique de l’opinion des anti pass perpignanais. Pour cela, il faudrait appliquer une méthode des quotas. En effet, il est semble impossible de s’assurer, technologiquement, que certains ne feront pas le choix de répondre dix fois à ce questionnaire. Ce qui en fausserait les résultats.
De même le questionnaire est très court ; car on sait bien que le temps passé sur une page web est très bref. Ce n’est donc qu’un moyen de glaner des indices d’analyse, et peut-être de faire vivre un peu la démocratie.
Par exemple, si on demande dans le questionnaire aux internautes s’ils sont nés hors ou dans le département, c’est parce que lors d’une étude précédente nous avons calculé comment les électeurs nés dans les Pyrénées-Orientales votaient bien plus en faveur du RN, que ceux nés à l’extérieur. Et ce sur l’ensemble des scrutins depuis 2014. Idem à propos de la forte abstention liée à la pandémie. Cela signifie évidemment beaucoup de choses sur le rapport des Perpignanais et des habitants des Pyrénées-Orientales à leur territoire, leur façon de vivre. Bref, cela permet de comprendre le territoire et ses habitants.
Cette étude à pour objectif de glaner des éléments comme avec un focus group, pas comme avec un sondage. Il s’agit d’écouter ce que disent, sont, vivent ces Perpignanais-ci, et de le mettre en relation ensuite avec les autres données sur le territoire. Grâce au travail de l’Insee, nous avons par exemple des données socio-économiques à une échelle des quartiers, tandis que dans les études déjà menées nous travaillons sur les origines ethno-culturelles à l’échelle des bureaux de vote. Ensuite, nous mettrons tout cela dans l’espace public. Avec l’espoir que cela servira quelque peu à remédier aux maux qui rongent les citoyens.
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