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Le Racou, plage symbole de l’érosion du littoral catalan, a perdu 400 m2 en 10 ans

PLAGE RACOU ARGELES-SUR-MER EROSION LITTORAL

Article mis à jour le 6 novembre 2024 à 14:03

Ce lundi 4 novembre 2024, l’Observatoire de la côte sableuse catalane* a publié une synthèse des connaissances acquises depuis 10 ans sur l’érosion de la côte sableuse. Du Racou, à Argelès-sur-Mer, jusqu’au Cap Leucate, les plages catalanes s’étendent sur 44 kilomètres, répartis sur huit communes. Le trait de côte – intersection de la terre et la mer – y est artificiellement fixé sur 3,5 kilomètres linéaires au moyen d’épis et de brise-lames.

Si la plage du Racou n’est pas celle qui a perdu le plus de surface, avec ses maisons en bord de plage, elle est emblématique de l’érosion du littoral catalan et rétrécit à vue d’œil. L’étude publiée montre qu’entre 2013 et 2023, la plage du Racou a perdu l’équivalent de 15 « serviettes de plage », soit 405 m2. L’Obscat a choisi cette unité de mesure « serviette » équivalent à 27 m2, un chiffre plus parlant pour les élus et le grand public.

L’érosion est un phénomène naturel touchant l’ensemble de la côte du département. Il y a un an, l’association pour la sauvegarde du Racou portait plainte contre l’État et la ville d’Argelès-sur-Mer pour leur responsabilité dans l’érosion de la plage. Ces dernières années, l’artificialisation du littoral et la construction d’ouvrages portuaires se sont accélérées.

Le Racou, la plage la moins résiliente de la côte sableuse catalane

Nichée entre la côte rocheuse et le port d’Argelès-sur-Mer, la plage du Racou pourrait être la moins résiliente de la côte sableuse catalane. Il s’agit d’une plage étroite, sans cordon dunaire et située à proximité de points durs. Ainsi, l’espace de variation du trait de côte y est particulièrement contraint dixit les spécialistes. Les indicateurs sur l’épaisseur du sable, présents sous la surface terrestre et marine, révèlent très peu de stocks et donc très peu de sédiments mobilisables par la mer en cas de recul du trait de côte.

La plage du Racou présente deux parties bien distinctes. Le nord de la plage avance de zéro à deux mètres par an, alors qu’au sud, la plage recule de deux mètres chaque année depuis 2009.

PLAGE RACOU ARGELES-SUR-MER EROSION LITTORAL

« Le Racou fonctionne un peu comme une plage de poche », nous explique Provence Lanzellotti, chargée de mission littoral à l’Obscat. « Elle est contrainte entre la côte rocheuse au sud et la digue du port au nord. » Au milieu de la plage, il y a ce qu’on appelle un « point d’inflexion » du trait de côte. Si du Tech au Cap Leucate le transit sédimentaire va du sud au nord, entre le Tech et les rochers du Racou, il peut prendre le sens inverse.

Un phénomène lié à la mobilité de l’embouchure de la Massane et à une autre particularité. « De premier abord, c’est une plage sableuse. Mais en réalité, les fonds sont rocheux, ce qui a tendance à perturber la circulation des sédiments », prévient Provence Lanzellotti. De son côté, le président de l’association pour la sauvegarde du Racou avance d’autres arguments. Selon Pour Michel Guiu, l’érosion de la plage n’est due ni à la pénurie sédimentaire, ni à l’augmentation du niveau marin ou aux tempêtes mais, essentiellement, à l’arrêt du transit naturel des sédiments interceptés par la digue nord du port d’Argelès-sur-Mer.

Car notre territoire côtier est largement urbanisé et abrite six ports. Depuis 1974, date de construction du port d’Argelès-sur-Mer, la plage du Racou est isolée du reste de la côte sableuse. « Cela ne veut pas dire qu’avant ces installations, il n’y avait pas d’érosion. Il y avait déjà des phénomènes d’avancée et de recul du trait de côte, que ce soit au Racou ou ailleurs », assure l’animatrice de l’Obscat.

« Ces maisons seront peut-être un jour les pieds dans l’eau »

Chaque année au Racou, la mairie d’Argelès-sur-Mer organise le reprofilage de la plage. Il s’agit d’uniformiser et rééquilibrer les masses de sable. Une pratique « néfaste » selon l’Obscat comme pour l’association environnementale. « Il faut éviter de reprofiler et même de nettoyer la plage. Lors des rechargements en sable, nous sommes obligés de déployer des engins… mais dans l’idéal, il faut laisser la dune évoluer », assure Provence. En zone naturelle, la dune fait une translation vers l’arrière. Seulement au Racou, ce phénomène implique un ensablement des rues, du parking et des maisons installées sur la plage.

En juin 2023, les travaux de reconstruction de la digue nord s’achevaient. « Ces travaux ont permis de recharger la plage du Racou. La digue portuaire a été reconstituée à l’identique », nous explique l’animatrice de l’Obscat. Des aménagements lourds qui ont mobilisé l’usage de milliers de mètres cubes de sable et de fines (granulat constitué d’éléments de très petites dimensions). « Au lieu d’utiliser du sable grossier, des tonnes de particules et de polluants prélevés dans le chenal portuaire ont été largués en mer », accuse Michel Guiu.

Pour l’association, le déversement aurait été réalisé en zone Natura 2000 et un herbier de posidonies situé à proximité aurait disparu de la baie. Des propos réfutés par l’Obscat : « Ce genre de travaux imposent d’énormes dossiers réglementaires instruits par l’État. De plus, le parc marin reste très vigilant quant à la turbidité des eaux. » Une chose est sûre, l’arrêt de l’artificialisation et de la bétonisation du littoral est aujourd’hui indispensable pour ralentir l’érosion en Roussillon.

« Il va falloir faire un choix entre conserver une surface de plage ou une vue sur la mer pour quelques-uns », prévient Provence. Pour l’experte, le trait de côte continuera inlassablement à reculer, tout comme l’élévation du niveau de la mer. « Ces maisons seront peut-être un jour les pieds dans l’eau, comme c’est déjà le cas à Sainte-Marie. Afin de limiter l’exposition au risque, il est nécessaire de réaménager et reculer les premières lignes en dur. Que ce soit des maisons, des murets, des baladoirs, des parkings ou des commerces… » Un investissement lourd pour les collectivités.

« En 2024, la situation au Racou n’est pas catastrophique »

Lorsque l’on regarde toutes les données à large échelle sur la côte sableuse catalane, on s’aperçoit que ce n’est pas au Racou où le phénomène d’érosion est le plus intense. « Sur la plage du Racou, il y a moins 1% de surface perdue. Sur une plage de Sainte-Marie, on peut avoir moins 45%, sur Torreilles moins 92% », alerte l’animatrice de l’Obscat. « En 2024, la situation au Racou n’est pas catastrophique. »

Lors du dernier rechargement en 2023, les maîtres d’ouvrage qui ont reconstruit la digue ont déposé le sable restant sur « le point d’inflexion » de la plage, compensant la perte de sédiments. « C’est temporaire, et nous n’avons aucune garantie de savoir combien de temps cela va durer. Pour l’instant, cela fonctionne car il n’y a pas eu de grosse tempête. » Il n’empêche qu’aucune solution n’est idéale ou parfaite pour empêcher la côte de reculer.

Les brise-lames, épis et autres ouvrages lourds visibles dans les Pyrénées-Orientales pour stabiliser les plages ne font que déplacer le problème, puisque le sable gagné à un endroit manque ailleurs. Les spécialistes aujourd’hui parlent plutôt de l’importance de restaurer le transit sédimentaire, donc la chaîne qui charrie le sable de l’amont à l’aval.

*Observatoire de la côte sableuse catalaneObscat

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Célia Lespinasse