Article mis à jour le 7 mars 2023 à 06:57
Dernière mise à jour le 20 mars 2018 – Pour la première fois dans cette affaire, la police judiciaire de Nanterre a choisi d’entendre l’ancien président de la République. Selon le journal Le Monde et Mediapart, Nicolas Sarkozy aurait été « placé en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire à Nanterre, où il était convoqué dans le cadre de l’enquête sur le possible financement par la Libye de sa campagne présidentielle victorieuse de 2007 ». Selon le quotidien national, « Sa garde à vue peut durer 48 heures. Il pourrait être présenté aux magistrats à l’issue de sa garde à vue afin d’être mis en examen ».
Précédente mise à jour le 8 janvier 2018 – Alexandre Djouhri a été interpellé à Londres. L’homme d’affaire français proche de Dominique de Villepin et de Nicolas Sarkozy est soupçonné d’avoir joué un rôle d’intermédiaire dans l’affaire du présumé financement libyen de la campagne de Sarkozy en 2007.
Article écrit lors de la venue de Fabrice Arfi à Perpignan en novembre 2017. Le cofondateur de Médiapart avec Edwy Plenel était à Perpignan à l’invitation de L’atelier du parti pris. Fabrice Arfi est venu présenter « Avec les compliments du guide » aux Editions Fayard. Un ouvrage paru après six ans d’enquête sur le financement présumé par Mouammar Kadhafi de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. « Du grand bal des menteurs de l’affaire libyenne émerge désormais une terrible vérité. Voici l’histoire d’un système de compromissions étatiques et politiques probablement inédit dans l’histoire de la Ve République. L’histoire d’une haute trahison » qui a conduit à la guerre en Libye. Une guerre qui a déstabilisé toute cette région.
♦ « Tout a débuté par une divine surprise, inattendue »
« Nous avons mené l’enquête pendant six ans. Tout a débuté, comme souvent, par une divine surprise, inattendue. Nous sommes entrés en possession, à Mediapart, d’un disque dur contenant des archives de l’homme d’affaires Ziad Takieddine, en juin 2011. Ces fichiers contenaient des notes de travail transmises à Claude Guéant d’un côté, et aux dirigeants libyens de l’autre. Ces notes, publiées pour certaines d’entre elles dès le mois de juillet dans Mediapart, ont été pour nous le point de départ d’une enquête sur le « grave secret ».
L’affaire libyenne, qui apparaît encore aujourd’hui pour certains comme une sorte de défi à la raison et l’entendement – « Je n’y crois pas à votre histoire » est probablement la phrase que nous avons le plus entendue –, montre pourtant que l’invraisemblable est parfois vrai. Que l’incroyable et le réel peuvent cohabiter.
Nous avons rencontré des dizaines de témoins, récupéré des milliers de documents, qu’ils soient issus de nos propres recherches ou de multiples investigations judiciaires toujours en cours. En avril 2012, nous avons notamment publié dans Mediapart une lettre signée de la main de l’un des dignitaires du régime libyen, Moussa Koussa, mentionnant un accord pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy à hauteur de 50 millions d’euros« .
♦ Le carnet secret du ministre Choukri Ghanem apporte des éléments troublants
« Oui on fait évoluer la loi après les affaires*. Ces évolutions sont très profitables mais cela ne suffit pas. Cette affaire est beaucoup plus complexe. La justice a de nombreuses pièces et elle est saisie depuis avril 2013. Pour prendre la mesure de ce dont nous parlons ; il n’y a pas un juge d’instruction détaché à temps plein sur le dossier, ni un procureur, ni un policier. Ceux qui pensent qu’il y aurait 10 ou 20 enquêteurs dans des locaux confidentiels à Paris qui travailleraient à la résolution de ce dossier se trompent, ce n’est pas le cas. Et malgré ce manque de moyen inadmissible, on avance dans ce dossier, un dossier dans lequel il a aussi une épidémie de morts accidentelles ».
Fabrice Arfi rappelle la mort de plusieurs témoins de premier plan de cette histoire. Choukri Ghanem, ancien ministre libyen retrouvé noyé à Vienne en avril. Il tenait un carnet manuscrit, saisi chez son gendre lors d’une perquisition aux Pays-Bas. Un carnet qui mentionne « une série de versements destinés au ministre de l’Intérieur, pour au moins 6,5 millions d’euros, lors de l’élection présidentielle de 2007. Ce carnet, daté de 2007, est le document qui vient pulvériser la défense de Nicolas Sarkozy ». L’ancien Président de la République se défend depuis l’apparition de l’affaire en indiquant qu’il s’agit d’accusations d’un régime aux abois, « un chantage des dirigeants libyens », prêt à tout inventer pour éviter la guerre. Fabrice Arfi s’interroge : Comment expliquer que le ministre Libyen ait pu savoir, dès 2007, que « trois ans plus tard la situation allait tourner à l’affrontement et à la chute du Guide libyen » ? Alors qu’en 2007, Mouammar Kadhafi était de retour dans le concert des nations et accueilli avec tous les honneurs par le nouveau locataire de l’Elysée.
♦ « Dans ce dossier complexe, la preuve définitive n’existe pas, mais il y a un faisceau de faits »
En avril 2012, nous avons notamment publié dans Mediapart une lettre signée de la main de l’un des dignitaires du régime libyen, Moussa Koussa, mentionnant un accord pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy à hauteur de 50 millions d’euros. Restait à savoir si l’intention s’était concrétisée….
Aujourd’hui nous ne parvenons à documenter que 10 millions d’euros. Ce n’est pas aussi simple qu’un chèque de 50 millions endossé par Nicolas Sarkozy, l’argent a pris plusieurs formes, plusieurs chemins, difficiles à tracer… Claude Guéant directeur de campagne du candidat Sarkozy pour la campagne présidentielle de 2007, est dans le cadre de cette affaire mis en examen pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée », « faux et usage de faux » depuis 2015. Les juges d’instruction ont pris une ordonnance de confiscation à l’encontre de l’appartement parisien et de la résidence secondaire de Claude Guéant qui auraient pu être acquis par les 500.000 que Claude Guéant aurait perçu suite à la visite du Colonel Kadhafi à Paris.
Lors de sa garde à vue en 2015, Claude Guéant aurait été interrogé sur l’ouverture d’une chambre forte à la BNP place de l’Opéra à Paris, l’établissement disposait de coffres plus volumineux que dans l’agence BNP dans laquelle Claude Guéant était déjà client. Une chambre forte, ouverte le temps de la campagne et à laquelle il se serait rendu à sept reprises, selon ses déclarations pour y conserver les discours de Nicolas Sarkozy, rapporte Fabrice Arfi sur un ton dubitatif…
Fabrice Arfi revient sur l’épisode des « 350 000 euros et 40 000 dollars » en espèces retrouvés dans le sac de sport de Boris Boillon, interpellé par la douane à la gare du Nord le 31 juillet 2013. Le conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy en 2007 et qui travaillait avec Claude Guéant à la libération des infirmiers bulgares détenues en Lybie est soupçonné par le procureur de la république d’avoir voulu justifier ces sommes à posteriori. Le procureur estime que l’argent représenté par ces «billets neufs, dont les numéros de série se suivent et qui n’ont jamais été mis en circulation» est « forcément proche du pouvoir ou d’une banque centrale». Boris Boillon poursuivi pour « faux et usage de faux » et « d’abus de bien social » a été relaxé au bénéfice du doute.
♦ Nicolas Sarkozy mis en cause directement par le fils du Colonel Kadhafi en 2011
« Il faut que Sarkozy rende l’argent qu’il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C’est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler. La première chose que l’on demande à ce clown, c’est de rendre l’argent au peuple libyen. Nous lui avons accordé une aide afin qu’il œuvre pour le peuple libyen, mais il nous a déçu. Rendez-nous notre argent. Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents, et les opérations de transfert. Nous révélerons tout prochainement » déclarait Saïf al-Islam Kadhafi dans un entretien à la chaîne Euronews. L’Elysée « dément ces allégations » sans plus détail. Nicolas Sarkozy répond en qualifiant de « grotesques » les premières révélations de Mediapart dans l’affaire, qualifiant le journal « d’officine financée par de riches amis de François Hollande ».
En 2012, le Président de la République en campagne pour un second mandat dépose plainte pour « faux et usage de faux » contre le directeur de publication Edwy Plenel et les deux journalistes en charge de l’enquête qui ont publié le document faisant mention de l’accord prévoyant un financement de la campagne de Nicolas Sarkozy à hauteur de 50 millions d’euros. La plainte se solde par un non lieu, les juges de rajouter que le document n’a pas été « altéré par des falsifications ». Non lieu confirmé, il y a quelques jours par le procès en appel. À ce jour de nombreux proches de Nicolas ont été entendus par l’Office anticorruption de la police judiciaire en charge du dossier.
♦ Le seul avenir possible pour Kadhafi était « mort ou mort »
Fabrice Arfi revient sur la mort de Mohamar Kadhafi lui-même, le 20 octobre 2011. « Le guide » disparaît lynché par la foule dans les environs de Syrte, sa ville natale dans laquelle il s’était réfugié avec sa garde rapprochée. Fabrice Arfi revient sur le 20 octobre 2011 où Mouammar Kadhafi quitte le dernier bastion tenu par ses partisans. Son convoi est obligé de se dérouter suite à un tir de l’aviation française. Il est capturé vivant et des images le montrent aux mains des combattants rebelles. Sa mort est finalement annoncée par le Conseil National de la Transition (CNT). Une mort dont les circonstances restent obscures malgré une enquête commandée par le CNT. En septembre 2012, le président du CNT donne une version selon laquelle c’est un agent étranger, probablement français, qui l’aurait tué afin d’éviter un éventuel interrogatoire qui aurait pu mettre en lumière ses liens supposés avec Nicolas Sarkozy. Gérard Longuet, ministre de la défense apporte un « démenti catégorique » dans ce dossier. Fabrice Arfi confie que « plus d’une 50 d’hommes des forces spéciales de la coalition étaient présents sur place, et qu’ils n’ont rien fait pour l’extraire et le faire traduire devant la Cours Pénale Internationale. Le seul avenir possible pour Kadhafi était « mort ou mort », selon les sources des journalistes de Mediapart.
L’avant propos du livre ne laisse nulle place au doute quant aux convictions forgées par les journalistes à la découverte des pièces du dossier. « Il ne s’agit pas d’une « affaire » comme les autres. Parce qu’au-delà de l’argent, il y a, cette fois-ci, une guerre… De la corruption aux mensonges sur l’intervention militaire de 2011, des morts suspectes qui tétanisent les témoins, aux dessous d’une enquête parsemée d’embûches pour les juges et les policiers, Fabrice Arfi et Karl Laske révèlent les coulisses d’un naufrage français sans précédent. Quand la France fait voler en éclats toutes ses valeurs sur l’autel de l’argent sale et de la raison d’État… ».
Jusqu’à aujourd’hui, les responsables politiques ont refusé d’ouvrir vraiment ce dossier. Les demandes d’enquête parlementaire sont restées marginales et ignorées. Du grand bal des menteurs de l’affaire libyenne émerge désormais une terrible vérité. Voici l’histoire d’un système de compromissions étatiques et politiques probablement inédit dans l’histoire de la Ve République. L’histoire d’une haute trahison. Le dossier est là. Sous nos yeux. Paris, le 14 septembre 2017″
♦ L’Atelier du Parti Pris – Librairie 30 rue Jean Payra – Perpignan
La librairie-friperie fondée en 2016 par Kevin Courtois et Corinne Duchemin se veut « résolument engagée dans ses choix. Un lieu qui a pour but de rassembler les gens avec des perspectives militantes, pour trouver des alternatives et se questionner sur la société ». Dans le cadre des rencontres avec Mediapart, l’Atelier du Parti Pris avait déjà reçu Edwy Plenel ou Laurent Mauduit.
*La France a fait évoluer sa loi après le retentissement de certaines affaires sur l’opinion publique. Ce fut notamment le cas de la création du parquet national financier chargé de traquer la délinquance économique et financière. Une entité née à la suite de l’affaire Cahuzac, du nom de l’ancien Ministre du budget de François Hollande. Mis en cause par une enquête de Mediapart dès le mois de décembre 2012, Jérôme Cahuzac est accusé de d’avoir détenu des fonds non déclarés à l’étranger. Après avoir campé sur ses positions, il finit par avouer les faits devant les juges d’instructions en 2013.