Aller au contenu

« Femmes exilées, femmes engagées » : À Perpignan, ces réfugiées ne seront plus invisibles

Flavie chez Welcome 66

Article mis à jour le 12 août 2025 à 17:01

L’association Welcome 66 facilite l’inclusion des réfugiés à Perpignan depuis 2016, avec une intégration par la culture et les cours de français. En 2025, à travers une exposition pour le festival Objectif Image Pays Catalan, des femmes jusque-là très discrètes seront sur le devant de la scène. Photo de une : Flavie, chanteuse de gospel © Welcome 66

Elles viennent d’Iran, d’Albanie, de Turquie, du Congo, d’Afghanistan, du Mali, du Venezuela, de Colombie, d’Haïti ou encore de Côte d’Ivoire. Devant ou derrière l’objectif, leurs photos sont d’une sensibilité rare. La personne humaine se substitue enfin à l’étiquette « réfugiée » qui les masquait.

Le thème de cette exposition, en accès libre à l’hôtel Mercure de Perpignan dès le 30 août prochain, n’était pourtant pas une évidence.

Des réfugiées discrètes qui se contentaient des cours de français

« Nous sommes partis du constat que jusqu’à présent les femmes étaient très peu visibles » commente Corinne Grillet, responsable de l’association. Sur 250 à 350 réfugiés accompagnés chaque année, Welcome 66 compte une cinquantaine de femmes inscrites.

« Elles étaient inscrites mais on les voyait rarement. Elles venaient sur les cours de français et autrement étaient plutôt discrètes, voire invisibles. »

Un constat malheureusement semblable au niveau national. Les femmes représentent 40 % des réfugiés en France mais sont invisibilisées. « Au départ, quand nous allions dans les centres d’hébergement, nous pensions qu’il n’y avait que des hommes. Mais on s’est aperçu que non. » Les femmes sont simplement très isolées, ou s’absentent pour s’occuper de leurs proches.

Comme une bascule avec des femmes qui soudain participent et s’engagent

Quand Welcome 66 lance récemment un atelier guitare, une majorité de femmes vient s’initier à l’instrument. Corinne Grillet s’attendait à des séances très masculines.

« On s’est dit qu’il s’était passé quelque chose, un peu comme une révolution. L’impression que les femmes avaient soudain envie de sortir du silence. »

© Welcome 66

Le projet photo « Femmes exilées, femmes engagées » se monte alors pour montrer ce dont ces femmes sont capables. Et bonne surprise, des hommes réfugiés de toutes origines participent au projet et embrassent totalement le thème en mettant des femmes à l’honneur sur leurs clichés.

Être davantage qu’une exilée silencieuse issue d’une trajectoire d’agressions et d’abus

Trop longtemps invisibles, ces femmes ont fait preuve d’une résilience rare, souvent supérieure à celle de leurs homologues masculins. « Elles ont pour certaines subi des mariages forcés, de la discrimination liée à la religion, et pour la plupart la violence étatique. En Afghanistan les femmes n’ont plus de vie. L’une de nos réfugiées iraniennes est menacée de mort dans son pays. » À cela s’ajoute une condition féminine qui pèse durant la traversée vers la France puis encore une fois à Perpignan, avec toujours cette menace d’être agressée, abusée.

« Le système n’est déjà pas adapté aux hommes. Pour les femmes c’est encore pire. Je crois que neuf sur dix subissent des violences sur leur parcours migratoire. Certaines n’ont jamais été scolarisées, c’est d’autant plus difficile de s’intégrer. »

Enfin dans les Pyrénées-Orientales, les quelques métiers de type bâtiment où des réfugiés parviennent à s’employer demeurent peu accessibles aux femmes.

Ce chant révolutionnaire interprété par une Iranienne réfugiée à Perpignan

De telles difficultés qu’on en oublierait presque l’humanité et les talents derrière le parcours. « On a deux chanteuses exceptionnelles, du Congo et de Côte d’Ivoire. Des couturières fabuleuses aussi. » Le reportage photo suit les femmes à travers différents ateliers artistiques et culturels, comme le flamenco, ou lors de la Journée Mondiale des Réfugiés. L’exposition saisit par exemple cette femme iranienne de l’association, qui a interprété le chant éminemment politique « Femmes Vie Liberté » lors de l’évènement au Mémorial du camp de Rivesaltes.

Cours de flamenco par Johanna, avec Mahsa, Dhurata et Fatemeh © Welcome 66

25 images émouvantes qui mettent l’accent sur le potentiel plutôt que sur la trajectoire accidentée. Le festival Objectif Image Pays Catalan, anciennement Festival Off, les a retenues.

« Elles ont toutes la flamme. Dans leur regard il se passe un truc. Elles pourraient être éteintes. Ce n’est pas du tout le cas. Il faut avoir un sacré courage en tant que nana pour parcourir tout ce qu’elles ont parcouru. »

Made In Perpignan est un média local, sans publicité, appartenant à ses journalistes. Chaque jour, nous enquêtons, vérifions et racontons les réalités sociales, économiques et environnementales des Pyrénées-Orientales.

Cette information locale a un coût. Et pour qu’elle reste accessible à toutes et tous, sans barrière ni influence, nous avons besoin de votre soutien. Faire un don, c’est permettre à une presse libre de continuer à exister, ici, sur notre territoire.

 

Participez au choix des thèmes sur Made In Perpignan

Envie de lire d'autres articles de ce genre ?

Comme vous avez apprécié cet article ...

Partagez le avec vos connaissances