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Festival Confrontation à l’Institut Jean Vigo de Perpignan : 60 ans, toutes griffes dehors

Du 2 au 6 mai 2025, l’Institut Jean Vigo célèbre les 60 ans du festival Confrontation. Point d’ancrage du paysage cinématographique dans les Pyrénées-Orientales, cette édition anniversaire explore les multiples facettes du “cinéma animal”. Un thème qui traverse l’histoire des représentations et interroge notre lien aux espèces, aux territoires, aux récits. Photo © L’Ours – Jean-Jacques Annaud

60 ans, ça se fête. Alors, lorsque Chantal Marchon ouvre la conférence de presse, c’est en se remémorant les témoignages de spectateurs et de spectatrices des années précédentes qui souhaitent, eux aussi, un bon anniversaire au festival. « 60 ans, une belle histoire, une belle aventure », résume la présidente de l’Institut.

60 ans de cinéma, et toujours ce goût du mélange des générations et des formes

Pour celles et ceux qui connaissent déjà Confrontation, les fondations demeurent : une programmation éclectique, exigeante sans être élitiste, attentive à l’histoire du cinéma comme à ses devenirs. Pendant cinq jours, le festival irrigue Perpignan et ses environs, investissant salles obscures, places publiques, espaces patrimoniaux et lieux inattendus.

Au programme : projections en salle et en plein air, ciné-concerts, ciné-balades dans la ville, tables rondes, rencontres avec des cinéastes, des historiennes et historiens, des auteurs et autrices. Les plus jeunes ne sont pas oubliés, avec une attention particulière portée cette année aux 30 ans du dispositif Cinéma, Cent Ans de Jeunesse, programme international d’éducation à l’image coordonné par l’association CCAJ !, en partenariat avec le Deutsches Filminstitut & Filmmuseum de Francfort. Dans cette constellation foisonnante, s’ajoutent des ateliers, une librairie éphémère, une exposition d’affiches …

Parmi les nouveautés, quelques « séances spéciales », une série de projections de films classiques revisités : Nosferatu le vampire (1922) mis en musique par DJ Sukram et ses vinyles, Rin-Tin-Tin (1923) accompagné de piano et batterie, et Ma vache et moi, de Buster Keaton (1925), remixé façon électro-acoustique lors d’une séance en plein air.

Quelques pépites historiques seront projetées au grand public, avec La chasse du comte Zaroff, premier « survival » aux 13 remakes ; Belphégor, premier film tourné au Musée du Louvre en 1927, et Le rat spationaute – le western joué par des singes, prélevé dans les archives de l’Armée.

Une « boîte noire », container transformé en mini-salle de projection, diffusera « un contenu secret, inédit, projeté en continu ! » s’enthousiasme Manon Billaut, directrice de l’institut. L’atelier Massa Mare, réservé aux professionnels, étudiants du cinéma et de l’audiovisuel, tiendra sa seconde édition à l’Arsenal, pour soutenir sept projets à différents stades de post-production et de montage.

L’animal en tête d’affiche

Difficile de ne pas la remarquer : un ours dressé sur ses pattes arrière occupe l’affiche du festival. L’image, extraite du press-book du film Grizzly, le monstre de la forêt réalisé par William Girdler (États-Unis, 1976), provient des archives du Fonds Institut Jean Vigo.

« La représentation de l’animal au cinéma a beaucoup évolué au fil du temps, tout comme notre rapport aux animaux », explique Manon Billaut. « Il y a tellement de films qui traitent de la représentation des animaux au cinéma, qu’il n’y a aucune filmographie qui les recense ». L’Institut s’est donc limité à quatre axes pour choisir ses titres : Compagnons et serviteurs, Métamorphes et légendes, Faire face au monde animal, et La mise à mort.

« L’animalité au cinéma est un sujet éminemment ancré dans la société et dans l’évolution du rapport de l’homme à la nature et sa manière d’habiter le monde. Avec la sixième extinction de masse, les animaux sont aujourd’hui en train de disparaître, et ils habitent de plus en plus nos écrans. Scientifiques, explorateurs, historiens, philosophes, cinéastes les observent, interrogent leurs pratiques, leur rendent hommage, les protègent et les magnifient. Interroger le cinéma animal permet également de s’intéresser à la monstruosité, à la métamorphose, au milieu », peut-on lire dans le dossier de presse.

Entre deux projections, les débats rassembleront autour de la table, spécialistes du cinéma, chercheurs et chercheuses pour échanger sur l’évolution de la représentation du monde animal au cinéma. « C’est aussi ça, Confrontation, c’est apporter un regard scientifique sur une question », rappelle Manon Billaut. « Nous avons notre regard cinématographique. Alors c’est intéressant d’aborder l’animalité avec des chercheurs qui en parlent mieux que nous ».

Jean-Jacques Annaud, fauve tranquille du cinéma français est l’invité d’honneur de la 60ème édition

Jean-Jacques Annaud, réalisateur français né en 1943 à Juvisy-sur-Orge, est reconnu pour sa capacité à immerger le spectateur dans des univers singuliers, souvent en lien étroit avec la nature et l’animalité. Parmi ses œuvres marquantes, L’Ours (1988), qui ouvrira le festival en plein air, témoigne de cette sensibilité. Il présentera également Deux Frères (2004) et Le Dernier Loup (2015), ainsi qu’un documentaire de Dominique Cheminal sur le tournage de Deux Frères.

Pour reprendre les mots des organisatrices du festival, « son cinéma privilégie les grands espaces, il excelle dans les plans larges où l’œil se perd, où l’humain est réduit à un point, plans originaux qui doivent beaucoup au cinéma américain ou soviétique. Cela n’empêche pas ce fantastique monteur d’être capable de scènes intimistes aux éclairages subtils ».

Un festival qui honore son territoire et ses racines

La programmation « Histoire catalane » s’attache à faire ressurgir les mémoires filmées d’un pays, avec, entre autres, des images inédites de la Fête de l’Ours tirées des collections de l’Institut, en collaboration avec UNESC’OURS et le réalisateur François Boutonnet.

Les « ciné-balades » menées par Catherine Blin permettront aux spectateurs et spectatrices de découvrir, sur le trajet entre le Castillet et l’Arsenal, les lieux de tournages qui émaillent Perpignan. Proposée chaque jour du festival, la promenade passera au Café de la Poste, où a été tourné, en partie, La fausse maîtresse d’André Cayatte, et redonnera vie à la venue d’Isabelle Huppert au Castillet.

Manon Billaut fait également un clin d’œil à Echo(s), l’initiative lancée par huit organismes culturels de la région pour réduire l’impact environnemental du secteur. Confrontation s’en fera … l’écho, en mettant en avant restauration bio locale, ou grâce au prêt de maisonnettes-chalets par la mairie pour ses stands extérieurs.

Un rappel nécessaire sur les fragilités du secteur culturel

En présence du Conseil Départemental, et d’André Bonnet, adjoint à la Culture, Chantal Marchon rappelle l’un des enjeux fondamentaux du secteur culturel : son financement. Le mouvement « Debout pour la Culture » initié en janvier 2025 et auquel ont participé plusieurs acteurs culturels du département, est d’ailleurs né en réaction aux coupes budgétaires affectant le secteur en France. « Vous le savez, nos budgets ne sont pas à la hausse », lance-t-elle en s’adressant à la salle. « Au contraire. Et nos charges sont incompressibles. Donc le budget que l’on coupe, c’est la communication. Et ça nous pénalise ». S’il est moins informé, le public ne répond pas toujours présent.

Alors, bon gré mal gré, pour les 60 ans, l’Institut a décidé de largement communiquer, et se veut visible, sur les réseaux, dans les rues. Et le choix de la date du premier long week-end de mai, qui permet aux visiteurs un peu plus lointains de venir, n’est pas anodin.

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