Au 29 juillet 2025, l’Agence Régionale de Santé recense 90 cas de rougeole confirmés en Occitanie depuis le début de l’année, sur 735 pour la France. Les cas étaient tombés à zéro durant les années Covid. Le risque aujourd’hui est accru par une faible couverture vaccinale, en particulier sur les Pyrénées-Orientales. Photo d’illustration © Andrej Lišakov – Unsplash
Nous sommes encore loin des pics épidémiques tels que celui de 2011, mais les professionnels de santé sont inquiets. Marilyn est infirmière coordinatrice au centre de vaccination de l’hôpital de Perpignan. Elle suit la recrudescence de la rougeole.
« Il y a eu un cluster récent dans l’Aude, près de Lézignan, chez des personnes majoritairement non vaccinées. »
Les Pyrénées-Orientales ne seraient pas encore touchées, mais notre population est à risque. Le territoire a l’un des plus faibles taux de couverture vaccinale pour le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole). Il est inférieur à 85 % chez les enfants de 33 mois, quand il faudrait dépasser 95 % pour prévenir les épidémies.
« On est un département un peu cabossé en termes de géographie. Il y a des zones blanches avec peu de médecins traitants et un accès aux soins compliqué. » Marilyn évoque une culture de la santé difficile en milieu rural avec des recours au médical qu’on réserve parfois uniquement aux urgences. « Mais il y a aussi, clairement, des communautés antivaccins. »
Vaccins : cinquante nuances d’hésitation, de la méfiance aux conspirationnistes
Le discours antivaccin s’est en effet poursuivi au-delà du Covid et se voit amplifié par les réseaux sociaux. Nous ne sommes pas au niveau des Etats-Unis avec un Texas qui a connu une épidémie mortelle de rougeole au printemps 2025, corrélée à un important conspirationnisme autour du sujet. Mais au Service des Maladies Infectieuses et Tropicales de l’hôpital de Perpignan, les praticiens ne prennent pas le sujet à la légère.
Il y a les hésitants, parfois marqués par le souvenir du vaccin pour l’hépatite B soupçonné d’avoir provoqué des scléroses en plaques dans les années 1990. Il ne s’agissait que d’une corrélation puisque la même population adolescente a été à la fois vaccinée et testée pour la sclérose, avec des cas qui se sont logiquement révélés sur la même période. Portée en justice, l’affaire a eu beau déboucher sur un non-lieu, elle est restée dans les mémoires.
« Il n’y a pas eu de surrisque en étant vacciné contre l’hépatite. Notre travail est de rétablir la bonne information. »
La coordinatrice du centre souligne aussi le problème des médecins et infirmiers qui sèment parfois le doute eux-mêmes. « Il y en a de plus en plus. Par manque de connaissances, certains médecins suggèrent d’éviter tel ou tel vaccin. Cela ne va pas rassurer. »
Pire encore, plusieurs médecins complaisants dans les Pyrénées-Orientales réaliseraient des faux documents. « Il nous arrive d’avoir des jeunes adultes qui viennent nous voir et nous disent que leur carnet de santé est complètement fictif. Nous identifions les médecins qui font ça et faisons en sorte qu’ils soient jugés. »
Certains patients s’arc-boutent contre le vaccin du Covid mais acceptent les autres. Pour d’autres, le discours prend parfois une forme plus radicale avec une opposition à toute injection. Beaucoup d’entre eux affirment renforcer leur immunité à l’aide de solutions pseudoscientifiques. « Ce genre de personne parle souvent des lobbies pharmaceutiques. On leur explique que leurs alternatives, comme l’homéopathie, les vitamines, les cures diverses ou les compléments alimentaires, c’est aussi une industrie qui enrichit des laboratoires. Et surtout c’est complètement inefficace. »
La rougeole tuait 300 à 400 enfants par an en France
Ce sont aujourd’hui les quadragénaires et quinquagénaires qui risquent le plus de développer la rougeole, appartenant à une génération n’ayant reçu qu’une dose du vaccin ROR et n’ayant pas forcément fait un rattrapage avec la seconde dose. Les générations antérieures ont pour leur part une immunité liée à la contraction de la maladie. A l’époque, le vaccin n’était pas obligatoire, mais la rougeole tuait 300 à 400 enfants chaque année en France.
« La rougeole fait partie des maladies les plus contagieuses. Une personne malade va contaminer 15 à 17 personnes autour d’elle. Pour le virus du Covid ce n’était qu’une à deux personnes. »
La contamination par voie aérienne commence cinq jours avant les premiers symptômes, facilitant la propagation. Après les éruptions cutanées, le malade contamine à la fois par l’air et par contact. Si la rougeole est généralement bénigne, impliquant un traitement uniquement des symptômes et beaucoup de patience, les complications peuvent être dramatiques. « La rougeole va complètement affaiblir nos défenses immunitaires, on peut attraper d’autres bactéries et virus qui passent à ce moment. » Le virus de la rougeole peut entraîner encéphalites et pneumopathies qui peuvent mener à l’hospitalisation voire au décès.
Des campagnes pour remonter les chiffres de la couverture vaccinale
Les services de l’hôpital profitent de la campagne de vaccination contre le HPV (papillomavirus) pour vérifier les carnets de santé dans les établissements scolaires et tenter d’améliorer la couverture vaccinale pour les autres pathologies. Le vaccin contre la rougeole peut se faire en pharmacie, chez un médecin traitant, à l’hôpital ou encore auprès d’une sage-femme ou d’une infirmière formée à cette prescription. « Il y a peu d’effets secondaires au vaccin contre la rougeole. Pas forcément de douleur au niveau du bras, mais un peu de fièvre qui dure 24 heures au grand maximum. »
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