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Les fruits et légumes sont-ils chers ? Au Medfel 2025, un débat sur le « juste prix »

Mercredi 23 avril, la foule est venue en masse pour le premier débat de l’édition 2025 du MedFEL, Marché international des fruits et légumes. Dans ce salon professionnel dédié aux acteurs de la filière fruits et légumes, le sujet a visiblement interpellé. Pourquoi leur prix varie selon l’année, le lieu d’achat, la météo ? Comment est-il calculé, ce prix ? Combien cela coûte réellement de manger cinq fruits et légumes par jour ?

Autour de la table, Marie-Amandine Stévenin, présidente de l’UFC Que-Choisir, Christel Teyssedre, primeur et présidente de Saveurs Commerce, la fédération nationale représentant les commerçants spécialisés en fruits et légumes, et Olivier Masbou, journaliste spécialisé.

Le prix, reflet d’un déséquilibre entre producteurs et consommateurs

« La question du prix peut être crispante », confirme Marie-Amandine Stévenin, citant l’inflation récente. Un observatoire des prix organisé par Familles Rurales a noté qu’en 2023, le prix des fruits et légumes avait augmenté de 16%, soit 3.5 fois plus que l’inflation générale. Christelle Teyssedre pondère, ces 16% ne représentent en réalité que « quelques centimes », mais « un tel chiffre n’aide pas à réduire l’impression de cherté des fruits et légumes ». Selon un baromètre Ipsos/Secours Populaire de la pauvreté et de la précarité, en 2023, 35% des personnes interrogées en France avaient parfois sauté un repas pour des raisons financières au cours des deux dernières années.

« L’inflation, on l’a tous eue », rappelle la primeur. La hausse des prix généralisée s’est répercutée inévitablement sur le prix de vente. « Avant 2022, on ne répercutait pas l’entièreté des augmentations. Mais à un moment donné, ça a commencé à coincer ».

« D’un côté, les producteurs n’arrivent pas à vivre de ce qu’ils produisent. De l’autre, les consommateurs ont du mal à consommer », résume Marie-Amandine Stévenin.

Conditionnements, esthétique, marges : quand l’achat devient incohérent

Pourquoi ce déséquilibre ? Un des éléments de réponse se trouverait dans l’évolution des attentes des consommateurs. Dans le public, un grossiste à la retraite prend la parole. « Aujourd’hui, on fait des emballages de plus en plus petits, on a mis des stickers, des mouchoirs [de papier], on veut absolument que les pommes et les poires soient belles… ».

Autre problème identifié : le lieu d’achat. Marie-Amandine Stévenin donne un chiffre qui ressurgira régulièrement pendant le débat : 72% des fruits et légumes sont achetés en grande surface, où « il y a un énorme problème de marge. Là, on est sûrs que tout le monde s’en met plein les poches, et j’assume complètement mes propos », martèle la présidente d’UFC Que-Choisir. Le rayon des fruits et légumes serait le quatrième en termes de marge nette.

Acheter directement sur un marché local permettrait d’éliminer quelques intermédiaires. Autrement, en grande surface, plus de transparence sur les prix permettrait un choix plus éclairé. Mais le secteur de la distribution agroalimentaire n’est pas représenté autour de la table du débat, et ne pourra donc pas répondre.

Prix, saisonnalité, origine : les angles morts de l’information en rayon

Pour la présidente de l’association de consommateurs, il est plus difficile de percevoir l’impact de la saisonnalité et des conditions climatiques sur le prix en supermarché que lorsqu’on est face à face avec un producteur. D’où la nécessité de mieux informer le consommateur. « Je suis allée faire les courses [en supermarché] pour acheter des tomates cerises. J’avais le choix. France, 17.80€ « le kilo ». Espagne, 2.99€ « pièce ». Et Maroc, 4.99€ « la barquette de 500 grammes ». […] Si le consommateur n’est pas très attentif, il croit vraiment que les prix peuvent aller de 2.99€ à 17.80€ le kilo. Et il est perdu, puisqu’il ne peut pas avoir une idée précise de ce qui se cache derrière cette différence de prix. C’est là qu’il y a du travail à faire ».

Pour Christel Teyssedre, les réglementations sur l’affichage devraient empêcher ce cas de figure. Mais il y a visiblement des trous dans le filet de contrôle.

Sont également mis au banc des accusés les prix d’appels. « Il ne faut pas que ça s’inscrive [dans l’esprit] comme le prix normal », explique Marie-Amandine Stévenin.

Cinq fruits et légumes par jour, un objectif encore abordable, mais à quelles conditions ?

1.13 € : c’est le coût, d’après une étude de l’Interfel (Interprofession des Fruits et Légumes frais), de cinq fruits et légumes par jour par personne. Soit 34€ par mois, 136 € pour un foyer de quatre personnes. « C’est jouable », estime Christel Teyssedre. A ajouter à cela les protéines et les féculents nécessaires.

Mais si l’on accepte cette prémisse, il faut ensuite cuisiner, ce qui prend du temps. Une ressource pas toujours disponible dans un foyer. Une étude de l’Insee a montré qu’entre 1986 et 2010, le temps quotidien moyen consacré à faire la cuisine s’est réduit de 18 minutes, passant de 1 h 11 à 53 minutes.

Abricots VS pot de Nutella : Comment faire face aux mastodontes du marketing ?

« Pour Pâques, j’ai pour une fois acheté des chocolats Kinder au supermarché », entame un professionnel dans le public. « Cinq euros pour 80 grammes de produit. Je n’ai pas voulu regarder le prix au kilo, ça m’aurait fait pleurer. Alors, on est là, à se demander si les fruits et légumes sont trop chers. Mais ce n’est pas le débat. Ce qui est cher, c’est tout le reste, les produits trop gras, trop sucrés, trop salés. Alors pourquoi c’est plus facile [pour un consommateur] d’aller acheter un pot de Nutella qui est bien plus cher au kilo qu’un kilo de pommes ? ».

« Les industriels ont très bien su bourrer le crâne de nos enfants pour leur faire acheter des choses qu’on n’aurait jamais pensé acheter », répond la présidente de l’UFC Que-Choisir, pour qui tout est une question de récit. « Ça ne doit pas être si compliqué de raconter une histoire sur des choses aussi bonnes et aussi riches que des fruits et légumes de saison, qui poussent à côté. Les consommateurs et les consommatrices n’attendent que ça, qu’on leur explique et qu’on les embarque sur cette nouvelle consommation ».

Même si Christelle Teyssedre est d’accord, le problème, c’est l’argent. « On aimerait bien faire des super [campagnes de] communication dans les médias, mais les gros industriels ont des budgets qui ne sont pas les nôtres », déplore-t-elle.

Quelles pistes pour réconcilier qualité et accessibilité ?

Si Christelle Teyssedre déclare que « ce n’est pas à nous d’éduquer, on en fait déjà pas mal », la présidente de Saveurs Commerce serait néanmoins pour plus d’éducation à l’alimentation à l’école. « Quand on entend que le melon pousse dans les arbres… » soupire-t-elle.

Bon signe cependant pour l’avenir du secteur, la primeur déclare vendre de plus en plus de fruits et légumes aux restaurateurs en Occitanie, « du kebab aux deux étoiles », sourit-elle. Alors, message subliminal pour le client, elle pousse pour que les plats de légumes soient présentés avant les viandes et poissons sur les menus. La primeur mentionne aussi le rôle des influenceurs, comme Guillaume le cantinier, « qui montrent qu’on peut cuisiner autrement ».

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