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Harcèlement scolaire : Des familles portent plainte contre un enseignant des Pyrénées-Orientales

Dans les Pyrénées-Orientales, plusieurs familles accusent cet enseignant de harcèlement scolaire

Article mis à jour le 18 juin 2025 à 17:41

Dans la petite école de Sahorre, dans les Pyrénées-Orientales, un enseignant est accusé de harcèlement par plusieurs familles. Les enfants subiraient des traitements et propos humiliants. À ce jour, huit plaintes ont été déposées et les maires des quatre communes dépendantes de l’école ont signé une lettre pour accompagner les familles dans leur démarche.

« Privés de récré, de sortie, de spectacle de Noël, de bibliothèque, de sport et surtout privés de bienveillance, les enfants de l’école de Sahorre sont en souffrance et leurs familles ne sont pas entendues », dénonce dans une lettre ouverte le Collectif Enfance en Souffrance. Lassés des rendez-vous et des nombreux échanges sans effet auprès des enseignants et des services de l’inspection académique, les familles ont décidé de constituer ce collectif et une association « École sereine Sahorre ».

Nicolas Brignol, procureur adjoint, confirme qu’une enquête est en cours mettant en cause le directeur et instituteur de l’école de Sahorre « pour des faits de harcèlement sur une quinzaine d’enfants scolarisés, âgés de 8 à 17 ans. L’académie a été informée de cette affaire pour une éventuelle suspension de l’enseignant. »

Des familles dénoncent des humiliations répétées dans une école des Pyrénées-Orientales

« Tu es nulle », « Tu n’y arriveras jamais », « Tu seras chômeur comme ton père », ces phrases assassines ont glacé le sang d’Alicia*. Elle fait partie de la trentaine de parents réunis samedi 14 juin devant les bureaux de l’inspection académique de Prades. Ces papas et mamans dénoncent des traitements stigmatisants rapportés par leurs enfants.

Interrogée, la directrice des services de l’Education nationale, Anne-Laure Arino, assure avoir reçu les parents, leurs représentants et les maires ce mercredi 11 juin. « J’ai reçu les premiers éléments factuels et tangibles cette semaine, avant cela je n’ai pas été saisie », assure-t-elle. « Bien évidemment, l’éducation nationale va réagir. S’il y a des mesures à prendre pour protéger les enfants, elles seront prises. » 

Alors que les premiers signalements remonteraient à 2020, les huit plaintes auraient été déposées cette année. « Il y en a trois qui concernent des parents actuels de l’école », affirme un membre du collectif. « C’est tout le problème du harcèlement, quand nos enfants sont en classe avec l’enseignant, on a peur. » Malgré des rendez-vous avec les psychologues de l’Éducation nationale, l’enseignant, l’Inspection locale et départementale, des années plus tard, certains enfants disent encore revivre « les stigmates du traumatisme infligé ».

Selon les propos du collectif, certains auraient même développé « des phobies scolaires » et auraient perdu « toute confiance envers les adultes et en eux-mêmes. » « On a un gamin qui va fêter ses 18 ans, il attend sa majorité pour aller déposer son témoignage à la gendarmerie », lâche un membre de l’association.   

Dans cette petite école, 44 enfants sont scolarisés de la toute petite section maternelle jusqu’au CM2. D’après l’association « École sereine Sahorre », 13 enfants auraient déjà quitté l’établissement pour ne plus avoir à subir ou à être témoin de ces agissements. Sept autres nouvelles familles auraient préféré se tourner vers d’autres écoles.

« C’est un désastre pour notre école qui perd ainsi l’opportunité d’ouvrir une classe supplémentaire et qui voit ses effectifs diminuer », explique un membre du collectif. De son côté, la Dasen contredit ces informations, selon Anne-Laure Arino, aucune statistique ne démontre à ce jour une fuite de cette école. 

« La première action reste la protection de l’enfant »

Lucie*, élue locale, a également retiré son enfant de l’école de Sahorre. En 2022, elle est saisie par plusieurs parents. « J‘ai porté leur parole auprès de l’inspecteur de l’académie de Prades. Nous l’avons alerté à la fois sur le non-respect des programmes scolaires, sur l’impossibilité de suivre la scolarité des enfants, sur ces propos humiliants et dégradants répétés et sur l’ambiance de peur qui régnait dans la classe. »

Les parents d’élèves ont bien rencontré un inspecteur de l’éducation nationale, confirme Anne-Laure Arino. Suite à cette première rencontre, il y aurait eu « des améliorations. » Et l’instauration d’un suivi par un psychologue scolaire. Insuffisant pour les parents. 

« Cela fait deux ans et demi que je suis dans le département et j’en ai suspendu des professeurs (…) La première action reste la protection de l’enfant », insiste Anne-Laure Arino. Mais où s’arrête le manquement professionnel et où débute le harcèlement ? La frontière semble floue.

Le maître lui a dit « qu’il allait morfler »

Marie* a déposé une plainte en mars 2025. « L‘histoire de mon fils date d’il y a quatre ans. Aujourd’hui, il est sorti de cet enfer. » Cette maman raconte que son fils s’est réfugié dans la nourriture jusqu’à une obésité sévère. « Il vivait des humiliations constantes à l’école. En cours de sport, au lieu de dire cours, c’était roule… Ensuite, c’était des insinuations comme quoi mon fils était un paquebot. »

De son côté, Katia* a toujours ses trois enfants scolarisés dans l’établissement. « J’ai un fils qui a quelques soucis, il a des problèmes de comportement et de concentration. Il se fait traiter d’handicapé en classe. Il est pris à partie par le maître », dénonce-t-elle. Selon Katia, l’instituteur a « ses têtes. » Elle se rappelle ce jour où son fils lui a menti pour ne pas se rendre à une sortie scolaire. « C’était une rencontre sportive. Le maître lui avait dit qu’il allait morfler, car les autres enfants étaient plus grands. » Pris d’angoisse, le petit garçon n’a pas voulu y aller.

Une ambiance à couteaux tirés

Ce mardi 17 juin, une banderole « Soutien à notre directeur, marre de tous ces cassos », ornait l’entrée de l’établissement scolaire. Dans le village, la situation commence à devenir intenable. Selon nos informations, la banderole a été retirée avant l’arrivée des enfants, à 9h.

D’après un parent d’élève, l’enseignant ciblerait principalement des familles fragilisées. « Son argument depuis toujours est de dire que les enfants sont insupportables et mauvais en classe. Comme si cela pouvait justifier ses actes. » En parallèle, d’autres parents de la classe soutiennent mordicus le professeur. « C’est vraiment une ambiance à couteaux tirés épouvantable », déplore ce parent d’élève.

« J’ai bien pris conscience de la complexité de cette situation et il me faut aujourd’hui le temps de l’analyse des faits, de l’analyse des preuves pour prendre la bonne décision », déclare Anne-Laure Arino, qui souhaite avant toute chose que cette école retrouve son bien-être.

Pour le procureur adjoint, Nicolas Brignol, c’est une enquête qui s’inscrit dans la durée. « Plusieurs mois ne seront pas de trop pour entendre l’ensemble des victimes potentielles, et, s’agissant de mineurs, leurs représentants légaux. Et enfin, pour procéder aux examens psychologiques et UMJ (unité médico-judiciaire) », conclut-il. N’étant pas à cette heure mis en examen, l’enseignant bénéficie de la présomption d’innocence.

*prénom d’emprunt.

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