Article mis à jour le 29 octobre 2024 à 09:21
Alors que le Gouvernement Barnier cherche des solutions pour boucler son budget, un projet d’amendement inquiète les responsables des casinos. Conscients que leur sort préoccupe moins que d’autres, les casinotiers rappellent que la branche emploie 15 000 personnes, dont 200 dans les Pyrénées-Orientales. Photo © Steve Sawusch / Unsplash. Mise à jour avec la réponse du ministre du Budget.
Mais qu’est-ce qui alarme tant ces professionnels des jeux d’argent ? Le projet d’amendement prévoit d’autoriser en ligne certains jeux d’argent jusque-là réservés aux casinos. Une exception française avec Chypre précise Dominique Dorgueil, secrétaire général adjoint Force Ouvrière 66, et responsable national des casinos pour le syndicat.
« On parle de jeux de casino, on ne parle pas de paris sportifs, ou de choses qui sont déjà légales ou libéralisées. Sachant que la Française des Jeux, est déjà là-dessus, mais avec moins de contrôle que les casinos physiques » confirme Renaud Carboneill, directeur du casino JOA de Saint-Cyprien. Explications.
200 emplois seraient menacés dans les Pyrénées-Orientales
Après avoir dirigé les casinos de Canet-en-Roussillon et du Boulou, Renaud Carboneill précise qu’à Saint-Cyprien, son établissement emploie aujourd’hui une trentaine de salariés à l’année. Au-delà de la restauration, plus de 90% de son chiffre d’affaires sont liés aux machines à sous, la roulette ou au Blackjack. Et ce sont justement les activités concernées par la libération en ligne, que le Gouvernement prévoit de taxer à hauteur de 55,6%.
Selon Bruno Carboneill, la profession porte depuis deux ans un projet qui permettrait aux établissements de jeu installés sur le territoire d’ouvrir leurs activités de jeux en ligne. « La proposition était d’avoir une licence ou une autorisation de jeux de casino en ligne et qu’elle soit affiliée à un casino terrestre. Cela permettrait à un casino qui a 100 machines à sous en physique d’ouvrir 100 machines à sous en ligne. Cette option permet de protéger les emplois, la fiscalité générée localement, et les prélèvements. »
Une autre crainte pour Renaud Carboneill est celle que les grandes plateformes inondent le web de publicités agressives sans prévoir de protection pour les joueurs. « Nous, nous avons un vrai savoir-faire là-dessus. On connaît les joueurs, et en termes de protection, on sait faire. » Cette ouverture en ligne, doit se faire en concertation, et qu’elle soit préparée, insiste le responsable de salle de jeux.
Aujourd’hui, l’offre de jeux en ligne est illégale
L’amendement, inclus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, estime une manne financière basée le chiffre d’affaires des salles de jeux en ligne illégales. Mais selon Dominique Dorgueil, le Gouvernement se base sur des estimations hasardeuses des montants financiers qui circulent sur les sites de jeux clandestins. « Ce sont des volumes financiers qui peuvent devenir extrêmement appétants pour un gouvernement qui recherche vraiment des sommes très importantes. »
Pour Force Ouvrière, l’ouverture des casinos en ligne pose des risques accrus en matière de santé publique. « Contrairement aux casinos physiques, les plateformes en ligne, accessibles 24h/24, favorisent les comportements de jeu addictifs et touchent une population vulnérable, notamment les mineurs. L’absence de contrôle rigoureux sur ces plateformes met en danger des millions de joueurs, alors même que la santé mentale est érigée en priorité nationale.
L’association Addictions France alerte via un communiqué de presse. « Les jeux de casino en ligne présentent un risque d’addiction 2x plus élevé que les casinos physiques. En 2019, 41 % du CA des casinos traditionnels provenait de joueurs à risque. Les machines à sous, particulièrement addictives, pourraient demain être accessibles 24h/24. (…) Cette mesure entraînerait un développement de stratégies marketing agressives, visant particulièrement les jeunes. Et un renforcement de l’exposition de populations déjà vulnérables aux jeux d’argent et de hasard. »
Les casinos « repoussoirs » qui participent à la vitalité des communes rurales
Selon le syndicaliste, le secteur porte une image « repoussoir » pour le grand public. « C’est du pain béni pour le Gouvernement de s’en prendre à notre secteur, le grand public ne sait pas vraiment ce qui se passe dans nos établissements. »
Dans Les Echos, Grégory Rabuel, président du syndicat Casinos de France déclarait : « que l’on soit clair : personne ne va pleurer sur le sort de notre filière. En revanche, j’espère qu’un salarié d’un casino a la même valeur qu’un salarié des usines où se pressent les politiques quand leurs emplois sont menacés. »
Cette autorisation des casinos en ligne pourrait avoir un impact dévastateur. Les premières estimations prévoient une baisse du chiffre d’affaires de 20 à 30% et qui pourrait entraîner des fermetures d’établissements. Dominique Dorgueil indique que le secteur emploie 200 personnes dans les quatre établissements des Pyrénées-Orientales.
Renaud Carboneill rappelle de son côté que les casinos contribuent aux budgets des communes rurales. Dans le département, les casinos sont à Canet, Saint-Cyprien, le Boulou et Amélie-les-bains. « Nous avons des activités de restauration, d’animation. On ne fait pas que du jeu, nous avons un cahier des charges avec les communes. Les casinos participent à la vitalité économique, sociale et culturelle des communes. »
Aujourd’hui, les acteurs du secteur demandent un retour à la table des négociations autour du projet en discussion depuis deux ans et porté par Casinos de France.
Message reçu cinq sur cinq par le ministre du Budget
Quelques jours après la prise de parole des acteurs du secteur des jeux d’argent, le ministre du budget a décidé de retirer l’amendement polémique et d’ouvrir le dialogue.
« J’ai entendu les craintes du secteur et, dès la semaine prochaine, je les recevrai personnellement pour construire avec eux les meilleures solutions concernant les casinos en ligne, une activité aujourd’hui fortement répandue mais non autorisée, non régulée et non dénuée de risques. Cette démarche de co-construction et d’étude d’impact claire est essentielle à mes yeux et je suis convaincu qu’ensemble des solutions qui pourront être intégrées dans le débat budgétaire. » a indiqué Laurent Saint-Martin.
Renaud Carboneill prend acte de ce retrait, mais reste très vigilant sur les prochaines semaines. Du côté de Dominique Dorgueil, la prudence est aussi de mise. « À l’heure où nous échangeons, et pour autant que je sache, personne dans la profession n’est informé de quoi que ce soit sur cette proposition ou invité à une quelconque réunion de travail. »
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