Article mis à jour le 6 janvier 2017 à 15:57
Alexandre Guerrero, de retour du Vatican où son Avé Maria a marqué tous les esprits, a eu l’amabilité d’accorder quelques minutes afin de partager son expérience avec les étudiants du diplôme universitaire de photojournalisme. Il a répondu avec générosité aux questions des « apprentis » journalistes. La catalanité, son engagement au service des autres mais aussi ses blessures de ne pouvoir apporter son expérience à sa ville et son département.
Le ténor lyrique à la voix puissante a découvert son talent au conservatoire de Perpignan avec Daniele Perriers, mais c’est au prestigieux Liceo de Barcelone qu’il peaufine son talent. C’est notamment sa rencontre, en 2001, avec la grande cantatrice Montserrat Caballé, qui sera déterminante pour sa carrière. Depuis lors, il ne cesse de se produire à travers le monde tout en revenant toujours à ses racines locales.
♦ Notoriété internationale au service de la culture locale ?
« Oui, je souffre de ne pas pouvoir m’impliquer plus souvent pour mon territoire, j’en souffre à tous les niveaux… Dernièrement j’ai publié sur les réseaux sociaux un enregistrement live et en 48h j’ai eu plus de 5.500 téléchargements de la chanson, c’est très rare pour un chanteur d’opéra ! Si je suis ce que je suis c’est parce que je le prouve à chaque fois que je monte sur scène.
En venant de l’extérieur, vous avez une autre vision, une vision nouvelle. J’aimerai pouvoir apporter à mon territoire l’expérience que j’ai acquise sur toutes les scènes sur lesquelles je me suis produit…. »
♦ Son avis sur le débat qui anime les catalans
« Cela me fait sourire quand on me parle d’être chanteur catalan. Je suis de Perpignan, petit-fils d’immigré espagnol, les espagnols disent : « de donde se come se cria » (on se fait là où on mange). Moi, j’ai grandi entre Perpignan et l’Espagne. Je dois ma carrière et ma voix au coté espagnol. De nos jours, on a un peu trop tendance à vouloir diviser et on en oublie la recette principale, ensemble : on est plus fort ! Je défend la culture catalane et me fais un point d’honneur à diffuser sa musique. Cependant avec la résurgence des nationalismes on se trouve dans le même contexte historique qu’au 19ème siècle En espérant que cela ne va pas nous amener au même résultat ! Je chante avec des gens de différentes nationalités, on exprime les mêmes sentiments sur scène, et le résultat c’est que tous ensemble on fait quelques chose d’extraordinaire.
Je pense que ce sont les gens qui ont des problèmes avec leur propre identité qui cherchent en s’en créer une ou à l’inventer souvent. C’est cela qui est dangereux aujourd’hui, je pense qu’unis on est plus forts ! »
♦ « L’émotion va créer des liens communs »
« Emouvoir, c’est difficile car nous avons tous des habitudes de vie, des éducations différentes, tout est différent. Malgré les cela, nous avons tous ressenti le mal au ventre ou la perte d’une mamie et nous avons tout cela en commun, le viscéral. La musique c’est pareil, pourquoi il y des musiques qui vous font vibrer alors qu’elles ne sont pas de chez vous ? Ça fait remonter vos émotions sans filtre, brutes et parfois de douloureuses. Aujourd’hui on veut trop cloisonner, aseptiser, que les gens ne rigolent ou ne souffrent que de façon superficielle, dans la retenue. Mes couleurs de voix et dynamiques me permettent d’exprimer une large palette de sentiments, la haine, la rage, la colère, le manque, que l’on crie, jusqu’aux mots d’amour les plus tendres, que l’on chuchote…
♦ « Aider les gens sans rien attendre en retour »
« À un moment donné, moi aussi, j’ai été dans le besoin, mais seule ma famille m’a soutenu, personne ne m’a tendu la main J’ai appris de mon grand-père qu’il fallait être généreux et savoir partager. Il faut aider les gens sans rien attendre en retour, même si ça ne fait pas croître mon compte en banque, cela me fait grandir. Cela me nourrit et m’apporte des émotions, des valeurs et le sentiment de servir. Qu’est ce que cela me coûte de mettre mon frac et de faire le pitre sur un tapis de course pour un calendrier en faveur des voix de l’enfant. Si cela peut leur apporter quelques chose…
On doit tous aider les grandes causes. J’ai aussi la farouche volonté d’apporter la voix lyrique à tous et pas seulement à un petit nombre. Je suis très très heureux et fier d’avoir pu chanter devant 10.000 personnes sur le parvis du Castillet pour la St Jean et ainsi de créer une passerelle, un lien, entre une fête populaire et le monde de l’opéra ! J’entend la culture comme un outil de cohésion, un ciment, un liant entre les individus. La culture c’est l’inverse du sectarisme !
Quand les Restos du coeur ont eu besoin d’argent, on a fait un concert avec « la Caballé », ça a rapporté 15.000 € ! J’ai également eu l’honneur d’être le parrain du Téléthon 2015. Ca devrait être la norme d’une société. Dès que tu as un peu de notoriété, je pense qu’il faut aider les autres. Vous grandissez aussi trois fois plus en tant qu’artiste !
Interview réalisée en collaboration avec Rafaële M. et Pierre Beziat.
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