Article mis à jour le 25 juillet 2025 à 17:43
La pétition contre la loi Duplomb a fait ressurgir la polémique dans le débat public. Cette loi votée par le Parlement, mais non encore promulguée, vise à lever les contraintes pour les agriculteurs et notamment via la réautorisation d’un insecticide : l’acétamipride. Dans les Pyrénées-Orientales, les camps peinent à trouver un terrain d’entente.
Quatre députées RN dans les Pyrénées-Orientales et quatre votes favorables à la loi Duplomb. Pour la députée de la 1ère circonscription Sophie Blanc, les critiques seraient « alarmistes, véhiculées par l’extrême gauche ». Elle assure également que les abeilles ne courent aucun risque car elles « ne butinent pas les betteraves ». Selon la députée, il serait « faux » de dire que l’acétamipride est toxique. Pourtant, plusieurs études ont mis en évidence une toxicité pour la biodiversité et une « toxicité potentielle » pour la santé. Mais pour Sophie Blanc, il s’agit surtout « de réalisme économique et écologique ».
« Tous les agriculteurs ne sont pas pour cette loi »
« Nous sommes profondément choqués que nos quatre représentants à l’Assemblée nationale aient voté en faveur de la loi Duplomb, préférant ainsi soutenir la ligne politique de leur parti, le Rassemblement national, plutôt que la réalité du monde agricole du département », communique la Confédération Paysanne des Pyrénées-Orientales. « Nous demandons des comptes à Mme Blanc, Mme Sabatini, Mme Dogor-Such et Mme Martinez. »
Le syndicat considère que la loi passe à côté des véritables problématiques. « Tous les agriculteurs ne sont pas pour » confirme la porte-parole Jeanne Lelièvre, productrice de pommes et de spiruline dans le Conflent. « Aucun agriculteur ne peut se retrouver dans cette loi Duplomb. » Selon la Confédération Paysanne, les Pyrénées-Orientales seraient peu impactées par les mesures. Les mégabassines que certains articles de la loi facilitent sont difficiles à imaginer sur notre géographie. Idem pour les insecticides les plus décriés, en revanche l’esprit de la loi serait délétère.
« C’est une loi qui soutient l’agro industrie, absolument pas les petites et les moyennes exploitations. Avec cette loi on pourrait faire 3000 porcs sans demande d’autorisation. On ne parle plus de fermes, mais d’usines. »
Même crainte sur le partage de l’eau. « La loi ouvre la porte pour que l’eau puisse être accaparée par une petite minorité de très gros producteurs. Il y a des petits agriculteurs juste à côté des mégabassines qui n’ont pas accès à l’eau. »
« On nous propose de traiter, traiter, et encore traiter »
Jeanne Lelièvre rejoint les autres syndicats sur les difficultés rencontrés par les agriculteurs et agricultrices. « On a trop d’obligations administratives, on partage ce constat. Mais on analyse peut-être la situation de façon différente. Il faut prendre le problème du revenu et des prix rémunérateurs à bras-le-corps. Une loi agricole digne de ce nom devrait prendre ce sujet central et imposer une régulation sur la marge indécente que se fait la grande distribution. »
La porte-parole déplore une aide tournée davantage vers l’agro-industrie qui fonctionne davantage sur la pétrochimie, les pesticides de synthèse que sur le financement de la recherche pour les alternatives et la transition agro-écologique. « On nous propose de traiter, traiter et encore traiter, et d’être concurrents face à des cerises qui viennent d’autres pays d’Europe. Pris à la gorge, il nous reste les pesticides, mais le débat est faussement posé. La loi Duplomb ne propose rien sur le bio. Il faut arrêter de faire des formations qui s’appuient sur le tout chimique. »
« Des syndicats parlent de la concurrence déloyale, et sont à la table des négociations. Mais dans les faits, il n’y a rien sur ce point dans cette loi Duplomb. »
La Coordination rurale 66 se dit 100% favorable à la loi Duplomb
De l’autre côté de l’échiquier syndical, le discours est tout autre pour la Coordination Rurale 66. « Nous sommes à 100% pour la loi Duplomb. » explique son président Philippe Maydat. « Le côté phytosanitaire n’est pas neutre, mais pour nous c’est l’aspect réserve d’eau qui va être le plus important. » Si la configuration du département ne se prête pas aux mégabassines, Philippe Maydat espère une simplification dans la création de petites retenues. « Plus on en fera, mieux ce sera. On voudrait coupler ça avec Gemapi*, car ces réserves vont écréter les crues sur le département et ça permettrait de protéger les populations qui sont près du trait de côte. C’est du bon sens paysan. »
« Plus on fera de réserves d’eau, mieux ce sera »
Le président de la Coordination Rurale 66 se réjouit des extensions facilitées de bâtiment agricoles. « Ce n’est pas nous, les agriculteurs, qui imperméabilisons les sols, mais surtout les grandes zones commerciales. » Philippe Maydat évoque également les relations avec l’Office Français de la Biodiversité, elles aussi concernées par la loi. Selon le syndicaliste, l’OFB serait « plus environnementaliste que favorable à l’agriculture ». Et pour cause, s’il est sous la tutelle conjointe du ministère de l’Écologie et de l’Agriculture, sa mission consiste « à la protection et la restauration de la biodiversité ».
« Moi je le dis toujours, l’environnement qu’on voit autour de nous a été façonné par les agriculteurs. Il commence à se dégrader par l’abandon des terres agricoles, il devient moche et les espaces naturels se referment. On n’aura que des ronces qui vont brûler en été.»
La loi Dublomb c’est surtout un « état d’esprit »
S’agissant des produits phytosanitaires qui font débat, Philippe Maydat se dit favorable à toute solution alternative comme des lâchers d’insectes prédateurs de la mouche de la cerise, par exemple. « Il faut qu’on continue la recherche là-dedans, mais il faut que ce soit au point pour qu’on puisse supprimer le côté chimique. Nous sommes en train de perdre définitivement la cerise. On importe des cerises de Turquie qui, elles, sont traitées avec des produits qu’on nous interdit. » En attendant il considère la loi Duplomb comme un « état d’esprit » essentiel favorable à l’agriculture, même si les insecticides décriés ne concerneraient que peu de cultures des Pyrénées-Orientales.
« On est désarmé sur beaucoup de ravageurs. Sur les vergers, il n’y a plus grand chose pour traiter les pucerons. En bio on est limité en utilisation de cuivre. Quand il y a des épisodes pluvieux les produits alternatifs n’ont pas une grande efficacité. Chaque fois qu’on nous enlève une arme possible on nous met en difficulté. Quand un agriculteur fait un traitement, il part en guerre contre un ennemi, et comme dans toutes les guerres il y a des dégâts collatéraux. »
« C’est l’agriculteur qui va développer un Parkinson ou un cancer »
« Ceux qui prennent le plus de risques sont les agriculteurs eux-mêmes, pas le consommateur, affirme Philippe Maydat. « C’est l’agriculteur qui va développer un Parkinson ou un cancer. Le consommateur a des traces infimes. Et vu le prix de ces produits les agriculteurs ne les utilisent pas à mauvais escient. » L’agriculteur anticipe une « récolte catastrophique ». « Pour les vignerons qui sont juste au niveau de la rentabilité, le moindre grain de sable et votre entreprise coule. »
Tandis que chacun campe sur ses positions, la pétition contre la loi Duplomb approche l’impressionnant chiffre de deux millions de signatures.
*Gemapi : La gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) est une compétence confiée aux intercommunalités.
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