Article mis à jour le 19 mars 2024 à 18:00
Ce lundi et mardi de mars, les élèves du lycée Pablo Picasso se prêtaient au jeu des institutions européennes. Océane, Lola, Esteban ou Kawtar ont tous troqué leur peau de lycéen pour incarner une députée, un ou une ministre, un président de commission qui débattaient sur le pacte vert.
Aussi réaliste qu’à Bruxelles ou à Strasbourg, lobbyistes et journalistes en herbe faisaient aussi partie du scénario imaginé par les Ateliers ludosophiques. Objectif de ce serious game, sensibiliser les jeunes aux défis que représente l’Europe et la transition écologique.
Silence dans l’hémicycle. Thibot, président du Parlement européen, prend la parole. C’est avec conviction qu’il interpelle son auditoire sur l’importance de leur rassemblement : » Souvenez-vous, en 1951, les six états fondateurs de l’Union européenne se réunissaient autour du charbon. Bien que l’Europe fut le premier continent à ouvrir la voie vers la neutralité climatique, nous sommes sur le podium des plus gros consommateurs d’énergie mondiaux ». S’adressant plus particulièrement aux eurodéputés et lobbyistes, le président rappelle la force de l’Union européenne, la force de ses citoyens et la force de ses valeurs, « j’ai confiance en elle ».
Plus directe, Aléxia, présidente du Conseil de l’Union européenne, prend le micro. Elle interpelle les différents ministres sur la « diversité de cultures et de traditions que représente l’Europe ». La jeune femme tient à une synergie pour le bien-être des citoyens européens et ponctue son intervention en insistant sur son souhait de « travailler ensemble dans un esprit de coopération et de collaboration constructive ».
Un jeu sérieux, dans la vraie vie des institutions européennes
Reconnaissables grâce à leur badge, les différents rôles se dispatchent dans les deux hémicycles. Du côté du Parlement européen, les deux présidents ont la charge de distribuer la parole et d’en contrôler le temps. Contrairement aux sessions parlementaires à Strasbourg, c’est avec courtoisie que les nationalistes du groupe Identité et démocratie laissent la place à leurs collègues des Verts à la tribune. Lorsqu’un député prend la parole, la salle applaudit et l’assistance écoute attentivement.
Également dans la salle, les lobbyistes de tous bords comptent bien se faire entendre. Son badge Total Énergies à la main, Alexandre « voulait vraiment représenter un lobby ». Face à Alexandre, Maéva de Greenpeace se glisse dans la peau de la lobbyiste des verts, jusque dans les panneaux qu’elle a dessinés. La jeune femme ne voulait pas forcément être lobbyiste au départ.
« Je ne savais pas du tout ce que c’était, j’ai fait des recherches et j’ai compris que les lobbyistes étaient des influenceurs. Après, j’ai cherché ce que c’était Greenpeace et j’ai adoré préparer ça. » Les journalistes ne savent plus où donner de la tête, Lola navigue entre les deux salles. « Je préfère pouvoir écouter les échanges. On prend des notes et des photos, ensuite on va écrire des articles sur ce qu’il s’est passé.»
Dans l’hémicycle du Conseil de l’Europe, l’ambiance est tout aussi calme. Carnet et stylo en main, les ministres écoutent les discours des représentants des pays membres tout en préparant les amendements qu’ils comptent apporter à la proposition de loi débattue. À la table espagnole, Shayna et Maélys prennent leur rôle particulièrement à cœur : « On voulait vraiment représenter l’Espagne parce que c’est nos origines. On a échangé avec d’autres et au final la plupart des élèves ont pu choisir leur rôle ».
Les discours effectués, un temps d’échange s’impose. Le moment est venu pour les différents lobbys de tenter d’influencer les députés et les ministres et de faire valoir leurs positions. C’est Gabriel, représentant de Total Énergies qui est interrogé le premier par Lola et Luna, deux des cinq journalistes qui couvrent l’événement. « On sait que les énergies fossiles sont néfastes pour la planète, mais pour le moment, on en a besoin, on ne peut pas faire sans. On va abaisser les pourcentages d’énergies fossiles et augmenter les énergies vertes. Total Énergies se penche aussi sérieusement sur le nucléaire. ». L’interview, filmée, sera publiée sur les réseaux sociaux de l’association organisatrice, qui serviront de compte officiel pour les journalistes de la simulation.
Politiques et fonctionnement démocratique pour ces citoyens en devenir
Les Ateliers ludosophiques organisent régulièrement ce type de simulation auprès des jeunes. Justine Gougeon, chargée de mission au pôle SIMulations « compte beaucoup sur les enseignants qui vont préparer avec eux, notamment pour les rédactions de discours ». Financée via un dispositif régional, l’association travaille avec une dizaine de lycées par an, dont cinq qui se déplaceront au début du mois d’avril, pour la simulation installée à Montpellier.
« L’objectif est de leur faire découvrir ce que sont les institutions européennes, leur faire découvrir aussi ce que c’est de prendre la parole, de développer des compétences de savoir-être et de les habituer à travailler sur des sujets démocratiques.» Si les ateliers ludosophiques se déplacent pour les SIM’, c’est la première fois qu’ils organisent un jeu de simulation politique dans un établissement des Pyrénées-Orientales.
C’est au moment du confinement que le projet est né dans le bureau de Nathalie Suarez, conseillère principale d’éducation du lycée (CPE). Le lycée Picasso a fait le choix d’intégrer quatre classes de terminale. À quelques semaines des élections européennes, les 80 élèves des sections chaudronnerie, système numérique et aide à la personne ont participé à cette simulation grandeur nature des échanges européens.
Pour la CPE, l’importance du projet est que ces jeunes s’approprient « les questions énergétiques et connaissent les institutions européennes». Des sujets qui sont au programme du baccalauréat. Parmi les enseignants volontaires, Laurène, professeure de lettres et d’histoire-géographie « mise beaucoup sur ces deux jours ». Durant les séances avec ses élèves, la professeure a insisté sur les différents groupes politiques et les clivages au sein du Parlement «pour qu’ils aient quand même une petite culture politique ».
Si au début les élèves ont été réticents, ils ont fini par se prendre au jeu : « La mayonnaise a mis du temps à prendre, je leur ai expliqué l’enjeu avec l’actualité des élections européennes. Maintenant ils sont à fond, les lobbyistes ont vraiment pris leur rôle à cœur, Greenpeace est arrivé avec des tee-shirts et des pancartes, quand les journalistes avaient plein d’idées d’enquêtes. Ça fait plaisir de les voir comme ça ».
Chez les eurodéputés, Kawtar représente les conservateurs et réformistes européens. Si elle n’a pas pu choisir son rôle, la lycéenne prend plaisir à jouer son discours devant le Parlement européen. « Je ne savais pas à quoi ça servait et au fur et à mesure, je me suis adaptée et en me renseignant. Franchement ça m’a plu, je sais que c’est une expérience qui va me servir pour le futur ».